« Tu as déjà fait quoi, les gens ont vu ? ». Depuis quelques jours, cet air de musique urbaine popularisé par DJ Kenny et Minks, me trotte dans la tête. Cette expression, l’une des favorites des Camerounais lors de confrontations d’idées, et qui donne la prime à l’immobilisme plutôt qu’à l’innovation, a un écho particulier pour moi en cette semaine où le football camerounais s’avance avec deux grosses incertitudes.
Jeudi, il est possible que l’élection à la présidence de la Fecafoot soit annulée pour la troisième fois et vendredi, les Lions indomptables suivront le tirage au sort de la prochaine Coupe d’Afrique des Nations, sans savoir s’ils y participeront. Derrière ces deux échéances, deux hommes : Abdouramane et le Comorien Ben Amir Saadi. Deux hommes « sans pedigree », « qui n’avaient rien fait ».
Le premier, « gardien de chèvres, répétiteur des enfants de Iya », a pourtant réussi à ébranler le système. Tour à tour, le Ministre des sports, un professeur agrégé de Droit ont échoué face à sa connaissance des règlements et des juridictions sportives. Et il est possible qu’un éminent avocat international connaisse le même sort si la commission de conciliation et d’arbitrage du CNOSC ou le TAS, donnent raison à l’interprétation du président de l’Etoile Filante de Garoua. Pourtant, chaque fois, nous bombons le torse et rappelons le palmarès et les titres de ceux qui nous dirigent.
C’est exactement avec la même condescendance que nous avons regardé le second. Qui est-il ? Que veut-il ? Qui le manipule ? Les Comores ont même déjà joué où ? Et pour couronner le tout, on nous ressort l’interview du président de la CAF, qui parle de glissement et pas de retrait. Nous voulons dénigrer son action, alors que nous pouvons étudier son action ou au moins son parcours. Et qu’y verrait-on ? Que depuis son affiliation à la Fifa, la sélection comorienne n’a manqué qu’une campagne éliminatoire, malgré de faibles moyens. Que depuis l’arrivée de Ben Amir Saadi en tant que manager, cette équipe profite de chaque date Fifa, pour des regroupements permettant à son équipe d’effectuer des progrès, passant de la 197ème à la 147ème place au classement Fifa. Que lors de cette campagne pour la Coupe d’Afrique des nations, elle n’a perdu aucune rencontre à domicile, malgré des adversaires tels le Maroc et le Cameroun. Mais surtout que la sélection comorienne joue habillée par un équipementier comorien Maana Sport. Co-fondée par son manager général, la marque équipe les Cœlacanthes, mais assure également la commercialisation des équipements, au point où la fédération n’a plus besoin de les payer.
Ces innovations sociales devraient nous parler au moment où la sélection camerounaise se retrouve sans équipementier. Ne pourrait-on pas trouver une solution camerounaise, qui saurait utiliser le réseau de distribution camerounais, où la grande distribution n’est pas dominante, où la conquête des marchés doit faire partie du business model ? Et si nous regardions seulement ceux qui avancent , et cessions de nous tromper de sens du regard à vouloir absolument nous croire les plus puissants, sous peine de devoir, comme l’artiste Douleur, nous retrouver en train de chanter « Peux maintenant ».