Le tout nouveau stade de Limbé est bien là, et Limbé, ce n’est pas le Mali. Il est légitime que les Camerounais bombent le torse et lancent des youyous parce que le nouveau stade semble beau, fonctionnel et plutôt modeste. Cela n’est pas rien. Mais les béats que nous sommes devenus au fil des années se contentent de plus en plus de tranquillisants qui plombent non seulement notre libre arbitre mais, plus grave encore, notre aptitude à relativiser les choses.
Qui n’a pas vu le Stade de la réunification début des années 70 n’a pas eu dix-huit ans dans notre pays. Qui n’a pas vu Dynamo – Canon dans ces années-là, en Coupe du Cameroun sur cette pelouse, avec Jean Moni en possession de tous ses moyens, n’a jamais vu le football comme il s’est déjà pratiqué au Cameroun. En nocturne, je dois le rappeler. Je ne parlerai pas du Stade Ahmadou Ahidjo, à Yaoundé, qui était tout aussi magique.
Il convient de rappeler que la construction des deux stades a été une entreprise considérable de l’administration Ahidjo et a accaparé pas loin du quart du budget de l’État à l’époque. Ces deux stades, faut-il le rappeler, sont encore là. Ils ne sont pas plus vieux que le Parc des princes, Wembley ou le Maracana. Peut-on vraiment prétendre que depuis les années 70 le Cameroun n’a pas de stades de football ? Combien faut-il de stades dans un pays de football amateur comme le nôtre pour contenter les amateurs ? A quel rythme faut-il donc construire des stades de football chez nous pour faire taire la déplorable rengaine du déficit d’infrastructures ?
Pas très loin de chez nous, la Côte d’Ivoire, un pays avec lequel nous soutenions avantageusement la comparaison dans les années 70 mais qui nous a lâchés depuis au moins 15 ans, actuellement au pinacle du hit-parade des nations de foot en Afrique, a le Félicia d’Abidjan. Construit en 1964 et rénové il y a juste 5 ans, un choix fait par les pouvoirs publics ivoiriens à l’approche d’une grande manifestation sportive internationale. La première nation de football en Afrique n’a rien d’autre. Mais le Félicia est un petit bijou. Manucuré, chouchouté, bichonné, il est au centre de toutes les attentions, il est irréprochable depuis des années et n’a jamais été l’objet de quolibets comme l’est le Stade Ahmadou Ahidjo.
Nous avons un nouveau stade, et c’est tant mieux. Mais qui parmi mes lecteurs pourrait jurer que le stade de Limbé sera viable dans dix ans ? Les chances sont grandes, n’est-ce pas, que ce stade ressemble au Stade de la réunification dans dix ans ? Cela conforte l’idée toute simple que la rénovation des deux grands stades que nous avons aurait dû être entreprise depuis longtemps. Deux grands stades rénovés et un ou deux stades d’appoint seraient largement suffisants pour les besoins actuels et à long terme et témoigneraient de la circonspection de l’État en matière de dépense des ressources publiques.
Il restera toujours, bien entendu, la question cruciale de la maintenance et de la préservation de l’investissement public. Le spectacle du Stade de la réunification en ruines est insoutenable. Il servirait à quoi donc de construire ou de rénover des stades pour ensuite les laisser à l’abandon ? L’État paie, nous lui en savons gré, mais il n’a pas toujours réussi à préserver ses investissements dans le secteur des sports et, il faut bien le dire, il n’a pas pour mission de gérer des stades de football.