Vous devez vous rappeler, c’était hier, je vous embarquais, depuis cette ville qui m’a vu naître, à la recherche du ballon que je sentais perdu pour de bon. Du stade St-Eloi, l’ancien stade de la Régifercam aux confins de Mbopi, au stade du Bois des Singes en passant bien sûr par le stade Marion, à la Cité Sic, Yorro à Nkongmondo Njo Njo où le grandissime Roger officia en personne, j’avais écumé, la larme à l’œil, tous ces endroits mythiques où avaient éclos des générations de footballeurs qui devaient faire la réputation de notre pays. Je suis encore revenu, j’ai cherché, sans vraiment y penser, et je dois vous avouer que le pendule ne penche définitivement pas du côté qu’un quelconque embellissement.
En fait, je peux dès maintenant vous prédire la tempête, des jours affreux, des années de grande torture. Le foot a foutu le camp. Stade Marion, le seul terrain vague qui reste au nord-est de Douala, cherchez comme vous voudrez, vous ne verrez aucun gamin taper sur une orange ou sur une boule caoutchouc. A Edéa, de l’autre côté de la gare, un excellent terrain laissé vide ; à peine, le dimanche matin, quelques petits vieux bedonnants se chamaillent sans vraiment jouer. Le stade Abéga à Nkomo est tout aussi désert et ridicule ; le Stade malien de Nkolndongo a pratiquement disparu. A Lolodorf, cherchez, vous ne verrez aucun terrain vague, aucun groupe de gamins jouant au ballon. Tout le monde, au pays, attend le prochain match de la Champions League.
Je suis arrivé à Yaoundé et M. Abdouraman, le chef de la communication à la Fécafoot, m’a accueilli avec la gentillesse qu’on lui connaît. Dans cet affreux et lamentable immeuble qui abrite la Fécafoot, au cours d’une conversation à bâtons rompus, nous avons bien entendu abordé la question de la direction de notre fédération. Je ne trahis rien de confidentiel en vous disant que M. Iya, qui va sans doute rempiler pour encore quatre ans au moins, n’a principalement pour atout et programme que sa probité personnelle. Nous en sommes rendus là, à un point où nous préférons plébisciter un type à tout point de vue fréquentable, mais qui ne promet rien de plus.
Deux semaines à Douala, et je peux vous dire que je n’ai jamais surpris une conversation, un débat ou une chamaillerie de quartier concernant Union, AS Matelots, Tonnerre ou un quelconque club du pays. Il semble n’y avoir rien à dire et rien à voir.
Un scribe comme moi n’a pas le droit de laisser s’installer le doute dans son esprit. Je dois dire quand même qu’il faut avoir la foi pour pratiquer ce métier sur le territoire camerounais et beaucoup de morgue pour oser faire croire aux lecteurs que le foot a une importance quelconque dans la vie du Cameroun. Je suis venu, j’ai cherché, je n’ai pas rencontré le foot. Ne venez pas, vous ne verrez rien.
Alors quoi faire ? Suivez le guide. Rue King Akwa, au Mimoza, le plus grand lupanar de la ville dès 16 heures, venez rencontrer les Camerounais. Les pires péripatéticiennes du pays, par ici montées sur des hauts-reliefs de mauvais cuir, par là boudinées dans des petits riens de polyester remue popotin ; des serre-freins ukrainiens, de petits commerçants pakistanais, des ouvriers français qui se prennent pour des caïds, des mauvais garçons… Mais de l’excellent whisky, de la bière, encore de la bière. C’est ici le nouveau stade du Cameroun, et vous en trouverez toujours un où que vous alliez, plus salace, plus dégoûtant, plus attirant. J’ai trouvé mon bonheur ici, j’ai oublié le foot. Réveillez-moi si jamais vous le rencontrez. Ou allez dire que votre scribe préféré se coucoune le ventre en compagnie de libidineux Népalais qui n’ont jamais joué au foot.