Comme quoi au Cameroun, l’histoire ne change jamais. C’est toujours les mêmes qui passent à la caisse. On prête toujours aux plus riches. M. Bell, Joseph Antoine Bell, aurait reçu un chèque du Comité de normalisation pour, dit-on, l’encourager à bien parler ou à ne pas parler du tout. M. Bell, je vous révèle un secret, n’a que faire de 50 millions. Il n’en a pas besoin et puis, pour le faire taire, pourquoi casquer alors qu’il suffirait de lui retirer le micro et de ne plus solliciter son avis partout ?
Mais c’est M. Bell qu’on voit. Pourtant, qui a dit plus de mal du Comité de normalisation de M. Owona que moi dans ce pays ? Je me suis essuyé les pieds sur M. Owona et son lamentable comité des millions de fois ; j’ai brocardé un aréopage de têtes d’œuf incapables d’écrire un texte qui tienne ; j’ai tancé le professeur et ses faire-valoir pour le dégoût qu’ils suscitent de plus en plus ; je me lèche les babines à l’avance pour le plaisir de me payer leur tête que je vais savourer au cours des six prochains mois.
Mais voilà : pas un radis dans ma direction. Rien. Même pas un bon d’essence ni une invitation à un ndolè crevettes. Et pourtant, moi je saurais quoi faire avec 50 millions. M. Bell parle bien, il n’y a pas à dire, mais moi je sais tourner une phrase mieux que lui. Et je déclare publiquement que je ne ferai pas de chichis : si on me donne, je prends et je ne dis plus rien.
Mais attention : j’ai quand même ma dignité. Pas de chèque. Si M. Bell accepte des chèques, c’est son problème. Moi, je veux du liquide, du pèze bien craquant sous les doigts, du blé de la BEAC enliassé à caresser longuement. Et je le dis tout haut, je suis prêt à accepter la moitié de n’importe quel montant si le Comité consent à faire convoyer le grisbi par Madame Laurence.
Elle me rappelle de plus en plus Mademoiselle Ngambi, dont je m’étais toqué pendant si longtemps. Ah ! quel bonheur ce serait de voir Madame Laurence là, devant moi, ses belles mains farfouillant dans un sac de papier kraft bourré de beaux billets ! J’en fondrais, je suis sûr. Et ne m’en veuillez pas si j’oubliais l’argent pour me contenter de son adresse à laquelle je m’engagerais à envoyer des fleurs toute ma vie.
Léon Gwod