Je vais vous livrer en public, les confessions intimes de mes yeux. Je vais amplifier pour vous les sonorités que mes oreilles ont captées. Je vais vous faire part des odeurs que mes narines ont détecté. Je vais partager avec vous tous mes sens, du moins ceux qui sont restés en éveil à Garoua.
Rassurez vous je suis rentré sans choléra. Je ne l’ai pas vu, je ne l’ai pas senti, et c’est tant mieux. Mais je vous assure, il y avait pire que le Choléra à Garoua. Ce n’est pas de cette chaleur dirimante qu’il s’agit. Ce n’est pas non plus ces hippopotames que je suis allé chercher en vain sur une embarcation légère, avec des guides qui nous racontaient des légendes et des histoires qui puisaient plus dans leur imagination fertile que dans la réalité pure.
J’ai vu à Garoua, une euphorie unique autour des Lions Indomptables. J’ai vu une ville sens dessus dessous, chaque fois que les Lions Indomptables quittaient leur hôtel, La Bénoué, pour les terrains d’entraînement, que ce soit au merveilleux centre technique de Cotonsport de Garoua ou au stade Roumdé Adja. J’ai vu des centaines de motos, avec à leur bord trois personnes pour les moins surchargées, improviser des processions le long des trajets, avec des klaxons qui créaient une pollution de son incroyable. Des gamins, des jeunes filles, des dames, tous se mêlaient dans cette euphorie qui a duré pendant tout le séjour des Lions Indomptables à Garoua.
Et quand j’ai vu le public applaudir les Lions à la mi temps alors qu’ils étaient menés et à la fin du match après un match nul laborieux, j’ai compris qu’il n’y avait que là que les Lions, encore sous le coup des meurtrissures de la Coupe du Monde, pouvaient se déployer en pleine quiétude, que ce n’est que là qu’ils pouvaient multiplier des bêtises et arracher des salves d’applaudissement. Quelque soit ce qui est arrivé, Garoua a gagné son match de la sympathie, là où Yaoundé et Douala notamment, auraient pu créer une confusion volontaire autour du cloisonnement sympathie et antipathie.
J’ai vu à Garoua, des personnalités en souffrance à la tribune présidentielle. J’ai vu le Consul de France à Garoua se disputer des places en tribune avec force et caractère, et je l’ai vu installer son épouse au nord pour prendre place lui-même au sud, billet d’invitation à la main.
J’ai vu la suite du ministre Tchiroma et du Gouverneur Gambo Hamann négocier en vain des places dans une tribune présidentielle où il a régné plus de cacophonie que dans la cour du Roi Petaud. Ce n’est pas tout. J’ai vu les joueurs congolais non retenus dans la feuille du match et donc condamnés à rester en tribune comme le prévoit la réglementation, debout pendant toute la durée du match, dans des cabines étroites des commentateurs. Ils n’ont pas procédé comme les joueurs camerounais non retenus qui eux, ont simplement installé un banc à la main courante, au mépris de la réglementation, jusqu’à cette pluie qui les a obligés à faire une petite course pour se refugier dans le bus garé non loin de là. A leur décharge, il n’y avait plus de places à la tribune pour eux.
J’ai donc vu une organisation catastrophique, un amateurisme élémentaire et une main courante hyper chargée avec des gens inutiles qui se sont ajoutés à la masse des journalistes et photographes. En fait il ya eu trop de responsables de sécurité en exhibition sur la main courante, à ne rien faire, au lieu de laisser la place à des stadiers pourtant recrutés et payés pour cela. Et là j’ai vu que l’organisation a perdu son match.
J’ai vu une équipe des Lions Indomptables à la frontière de la naïveté et de la volonté. Une équipe qui a envie de bien faire, mais qui ne savait comment faire. Je les ai vu à l’hôtel moins crispés que d’habitude, plus décontractés et pleine de vie.
Ce que je vais vous dire, je ne l’ai pas vu comme il faut, mais je l’ai guetté à travers les portes. J’ai donc vu des joueurs, passer plus d’une heure ensemble au resto. Je les ai vu rester alors que le repas était fini. Je les ai vu échanger, discuter, se parler, blaguer. Cette remarque est loin d’être anodine. En fait depuis la Coupe d’Afrique des Nations en Angola jusqu’à la Coupe du Monde, les joueurs ne se parlaient qu’en petits groupes. Les repas étaient l’épreuve la plus dure, parce que très peu s’aimant entre eux et partageant moins de complicité, le repas sur la même table leur imposait de se voir alors qu’ils n’en avaient pas envie. Du coup, les repas étaient accompagnés de silence de cimetière et des murmures de chambre. Mais là à Garoua, j’ai vu des choses agréables et positives. J’ai vu un groupe qui vibre au même diapason. Les résultats ne viendront peu être pas en temps opportun, peut-être même ne viendront-ils pas. Mais au moins, ce groupe là vit son intimité, avec sincérité et franchise. J’ai donc vu qu’il faut lui donner du temps. Mais au moins en attendant d’autres contingences, ce groupe est presque sain.
J’ai enfin vu à Garoua, que de deux choses l’une: soit Clemente ne connait pas du tout ses joueurs, soit il a un problème de compétence. Je ne veux pas croire que les blessures de Mbia et Choupo aient perturbé ses plans. Le lremier n’est jamais presque titulaire dans son dispositif et le second, Choupo, même en santé, devait être sacrifié au profit du talentueux et fougueux attaquant Aboubacar Vincent qui, en plus de son talent, avait l’avantage de jouer devant un public qui l’idolâtre. Clemente a affirmé en conférence de presse que c’était un atout. Donc pas d’excuse pour cela. Mais je cherche toujours à comprendre comment Clemente a décidé de fragiliser lui-même le coté gauche de son équipe, jusque là le seul côté fort. S’il est clair que Assou Ekotto, était largué, il est aussi évident que Gaétan Bong était sur le banc, et aurait dû remplir efficacement ce rôle d’animation du couloir gauche avec Bedimo. Je voudrais comprendre comment Clemente a pu décider de faire jouer trois attaquants axiaux au même moment (Eto’o, Aboubacar et Nong), sans modifier son dispositif. Tout le monde sait par exemple que du FC Brussels au Standard de Liège en passant par Malines, Aloys Nong est un renard de surface à l’axe, et c’est à cette position qu’il claque quinze buts en moyenne par saison depuis plus de quatre ans.
Comment Clemente peut-il penser que Georges Mandjeck peut-être moins rentable même en arrière droit que Binya ? J’ai donc vu qu’il ne connaissait pas encore très bien les joueurs qu’il a lui-même( ?) convoqué ! Là encore, il lui faut du temps, si nous admettons tous qu’il est compétent.
J’ai vu enfin qu’un jet privé attendait Samuel Eto’o sur le tarmac de l’aéroport de Garoua après le match et qu’il a quand même pris avec lui quelques-uns de ses coéquipiers. J’ai vu enfin que Clemente est parti sans dire au revoir à Iya Mohammed et j’ai entendu que le Président était très fâché. J’ai croisé les doigts pour que les têtes tombent. Mais je sais qu’au Cameroun, l’immobilisme est un mode de gouvernance. Pas d’accord pour que les têtes tombent, c’est trop tôt, mais au moins qu’on recadre le travail des uns et des autres. Rideau.