Dans les Républiques Cacaoyères d’Afrique, le football n’est pas qu’un sport, c’est le fion (l’opium) du peuple. Volker Finke et Alain Giresse ont du y goûter lors de leurs conférences de presse en Guinée Equatoriale.
Sous nos cacaoyères en effet, ce sport n’est pas qu’un jeu, c’est une véritable ratatouille où tous les buveurs de vin de palme et les cultivatrices de cacao s’impatronisent spécialistes, entraîneurs, sélectionneur. Et au Cameroun, quand les Lions Indomptables jouent, comme à cette Coupe d’Afrique des Nations de Football Guinée Equatoriale 2015, drapeaux fleurissent, maillots de l’équipe nationale se portent à la m’as-tu-vu, une frénésie patriotique érectile, qui ne dure souvent que le temps des 90 minutes du match, avant que, après une défaite, un tsunami d’insultes, un torrent de larmes n’inonde les rues, les bars, les bureaux, facebook et Internet. En général, chaque joueur en prend pour sa godasse. Mais le plus à plaindre dans le rôle de punching-ball, c’est l’entraineur. Ha ! Volker Finke, Ha ! Alain Giresse ; ils en ont eu leur dose de conférence de presse avec des journalistes de Républiques Cacaoyères : « Vous savez que les buveurs de vin de palme vous détestent, quand allez-vous démissionner alors ? »
Ils sont comme ça les citoyens de Républiques Cacaoyères, éternels abonnés au Syndrome de Stockholm. Ils passent des jours et des nuits dans l’obscurité à cause des coupures carabinées d’énergie électrique ; ils « supportent ».
On leur sert dans leurs robinets de l’eau chocolatée (juste la couleur), ils trinquent quand même. On leur sert du pain avec tromperie sur le grammage, ils « avalent » la couleuvre. On leur vole leur épargne, on leur rançonne le service public… ils répondent « on va faire comment ». Mais quand il s’agit de « supporter » la défaite, là, démission ! Ha, il fallait « mettre » Clinton Njié, Ondoua est le frère de Mbia, Aboubakar « c’est Idrissou » (nul !), et les nostalgiques entonnent « BringBack Eto’o », « BringBack Eto’o ».
Bon, comme on est en Républiques Cacaoyères, on va rappeler quelques évidences quand même: le football, c’est un jeu qui se joue pas à 11, mais à 22, sur un terrain où des tiges de fines herbes sont taillées plus ou moins microscopiquement, que le terrain n’est pas parfaitement donc plat, et que la balle est ronde, et qu’elle roule selon les coups de pieds et de tête qu’on lui donne de manière plus ou moins précise, sous l’effet de l’air ou du vent, des trajectoires aléatoires. Autre évidence à rappeler, tout jeu comporte une partie de hasard, qui détermine un gagnant et un perdant.
Perdre en brillant
Non, le citoyen de République Cacaoyère ordinaire n’est pas d’accord ; on lui donne donc la parole.
« Non, le football c’est pas un jeu pour nous hein, vous comprenez, c’est la seule chose qui nous reste, notre seule source de plaisir. On a perdu parce qu’on n’a pas aligné Clinton Njié au début du match, et puis, franchement, Folker Finkeu (Volker Finke) n’est pas un entraineur dis-donc, il a entraîné quelle équipe avant les Lions on a vu, hein ? Il faut que Joseph Owona (régent de la Fécafoot) démissionne seulement, qu’on dissolve l’équipe nationale là, qu’on recommence tout à zéro, qu’on reconstruise (et pourtant on est déjà en reconstruction), vraiment, je suis dépassé… ». Ça se voit mon frère, passe donc.
Oui, il est comme ça, le buveur de vin de palme, quand son équipe de football a perdu un match en compétition, il commence par des « si….si….si… », et après il conclue qu’il faut tout recommencer. La vérité c’est que nous citoyens de Républiques Cacaoyères, on est tellement habitué à la magouille, à la tricherie qu’on pense qu’on peut gagner chaque fois, et qu’on peut tricher même avec le hasard.
Comme un match de football n’est pas une mission d’aéronautique spatiale orbitale, on va quand même voir le bon côté des choses avec l’élimination des Lions Indomptables au premier tour de la Coupe d’Afrique des Nations équato-guinéenne. D’abord, depuis quelques années, les Lions nous ont habitués à gagner sans briller, et des fois qu’ils commencent à perdre en brillant, c’est déjà bien mieux.
Ensuite, qu’on rentre sitôt à la maison, ça fait de l’argent épargné pour nos caisses publiques. Avec des Lions en finale, ça aurait fait un bon paquet de dizaines et de centaines de millions qui auraient été distribués. Des lions vainqueurs de la CAN, c’eût été encore une grosse saignée financière, à organiser des ripailles officielles, et au moins un jour férié…l’émergence 2035 n’aime pas les fériés.
Enfin, cette élimination au premier tour épargnera la vie de bien de Camerounais : une défaite en finale et à la séance des tirs aux buts (qu’on affectionne bien) aurait fait monter à pic, le nombre d’urgences d’attaques cardiaques sous nos chaumières et hôpitaux.
Comme le dit un proverbe de Républiques Cacaoyères, « Quand le canari d’eau se casse sur ta tête, il faut en profiter pour te laver ».
François Bimogo
*Un regard impertinent sur l’actualité socio-politique et culturelle du Cameroun et de l’Afrique. Histoires de Républiques Cacaoyères et de République Charcutière.
Pour lire/écouter ces chroniques, comme leur auteur, François Bimogo, il faut adorer les Républiques Cacaoyères.
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