Monsieur Ahmad Ahmad, je le crois, ne nous aime pas beaucoup. À sa décharge, toutefois, il faut reconnaître que nous ne sommes pas particulièrement un peuple facile à aimer. L’organisation de la CAN, dont nous avons hérité il y a plus de 5 ans, inquiète la CAF et devrait logiquement donner de l’urticaire au premier responsable de cette compétition en Afrique. Les choses vont mal et, malheureusement, le pendule ne penche pas du côté d’un embellissement à terme.
La CAN est un véritable oursin dans les mains des responsables du pays qui doivent bien, lorsqu’ils regardent froidement la situation de notre pays, admettre que cette entreprise aurait dû être évitée. Laissons de côté la tare camerounaise de la palinodie, de l’impréparation et de la sous-performance. Elle est rédhibitoire, elle plombe toutes nos actions et toutes nos entreprises, nous le savons tous.
Concentrons-nous sur les chiffres et sur le contenu de nos poches. Nous n’avons tout simplement pas les moyens. Nous pouvons trouver, bien sûr, en empruntant, en réduisant ici et là, en sautant un repas ou, pourquoi pas, en remettant à plus tard l’acquisition de kits de dialyse pour les Camerounais en détresse.
La question qui se pose alors est celle-ci : tous ces sacrifices pour le football au Cameroun ? Quel football y a-t-il au pays, je vous demande ? Il n’y a plus aucun football à Sipandang, ni à SongMbengue, ni à Ngambé. Et dire que Joseph-Antoine Bell, Samuel Eto’o et Billong Pensée sont des enfants du coin ! Je suis sûr qu’il n’y a pas plus de football à Lolodorf, à Bameka ou à Mokolo. La majeure partie des Camerounais ne joue pas au football et ne s’intéresse pas au football de la CTT. Le football n’est plus, depuis très longtemps, une source de fierté nationale. Nous ne bombons plus le torse à New York, à Dakar ou à Paris. Nous rasons plutôt les murs.
Alors, pourquoi une activité aussi marginale chez nous accapare-t-elle l’attention jusqu’au sommet de l’État et des ressources publiques qui manquent cruellement ailleurs ? Non, ce n’est pas vrai que le Cameroun
a une réputation de grande nation de football à préserver. Entre Njoh Lea et Samuel Eto’o, en plus de 70 ans, le Cameroun a produit peut-être cinq footballeurs de classe mondiale. Nous ne sommes pas l’Argentine. Mis à part l’accident vertueux de 1990, nous avons été lamentables sur la scène mondiale. Certes, personne ne nous enlèvera nos étoiles gagnées en Afrique, mais cela ne devrait pas continuer d’entretenir l’aveuglement collectif qui nous submerge.
Je conseille fortement au ministre des Sports de tout faire pour ne pas énerver outre mesure M. Ahmad Ahmad. Nous sommes allés trop loin maintenant pour tout perdre. Cet homme, Monsieur le Ministre, ne vous laissez pas endormir, a un seul plan B : nous écarter de tout. Mais, si c’est vrai qu’il y a possibilité de co-organisation, même avec le Zimbabwe, acceptez. Ne vous en faites pas pour les humiliations. Nous
avons l’habitude ; nous allons gérer.
Léon Gwod