Une ambulance du Samu du Cameroun a « refusé » de démarrer en plein match des Lionnes au stade Omnisports de Yaoundé. Il a fallu la pousser, et la bonne nouvelle c’est que une ambulance qui ne démarre pas en République Cacaoyère, ça crée beaucoup d’emplois. Voici comment…
Samedi 11 avril, à Yaoundé, la capitale de notre République Cacaoyère, les Lionnes Indomptables, l’équipe nationale de football féminine joue sa qualification face à l’équipe de la République Cacaoyère sœur d’Ethiopie. Le Cameroun mène au score 2 buts contre 1, et voilà qu’une Ethiopienne tombe dans les pommes en plein sur notre champ de patates de Mfandena. Hep ! L’ambulance, il faut ramener dare-dare Melkal Teferi, le milieu de terrain Ethiopienne dans un hôpital. Ça tombe bien, nous, en République Cacaoyère du Cameroun, nous avons aussi le Service d’Aide Médicale d’Urgence, le Samu, et il y a une ambulance du Samu là dans le stade, au cas où. Oui, au cas où, et voilà donc un cas.
Bon, voilà, l’ambulance ne démarre pas et à l’intérieur, c’est pas très propret et ça ressemble à un tacot. Taratata, pourvu qu’elle démarre et que Melkal arrive à l’hôpital le plus proche du quartier Omnisports. Il n’aura que l’embarras du choix, entre l’hôpital Général, à quelques minutes de là, et même l’hôpital central ou l’hôpital du Centre Hospitalier Universitaire. Donc Melkal, t’inquiète pas, on va te réveiller fissa la belle et fragile Ethiopienne. A condition que l’ambulance…démarre.
Ha ! quel spectacle, devant les spectateurs et plus tard les téléspectateurs, l’ambulance ne démarre pas. Bon, personne ne vas se plaindre, on n’a pas payé pour ce type de spectacle là, mais comme c’est gratuit, on ne boude pas son plaisir.
Les choses s’arrêtent là ? Non ! Non ! Non ! En République Cacaoyère, on sait se débrouiller : c’est pas grave, il faut juste pousser l’ambulance. Aussitôt tôt fait, hisse ! Hisse ! Hisse ! le chauffeur « tchouke » (accélère au point mort), l’ambulance se cambre, et hop ! elle démarre. De quoi commencer à réveiller Melkal, la milieu de terrain Ethiopienne. Une prouesse que je te dis ! tant pis si l’ambulance n’avait pas de gyrophare, tant pis si dans un embouteillage, le moteur s’arrêtait, il devait y avoir de gentils buveurs de vin de palme qui devaient pousser l’ambulance du Samu. Vous savez, ce n’est pas bien grave, dans les rues de notre République Cacaoyère, il y a tellement de jeunes qui s’ennuient et tuent le temps à regarder passer les voitures qu’il y aura toujours quelques uns pour vous pousser une ambulance du Samu qui a une batterie capricieuse.
Comment cela a-t-il pu arriver qu’une ambulance du service d’urgences médicales ne puisse pas démarrer à cause d’une batterie ? Ha ! les « opposants » de tout poil, les aigris de la République, ces « bonimenteurs du chaos » vont encore en profiter pour dire que c’est honteux, que tel doit démissionner, que des questions orales doivent être adressées au ministre de la Santé, qu’une enquête parlementaire doit être engagée, que…que… Ha ! les jaloux de notre beau pays, cette belle République Cacaoyère dont on est fier et où il fait si bon vivre, avec chaque soir du poisson braisée, avec de la bière de toutes les couleurs, et de palpitants matchs de la Champions Ligue qui vont avec. Où l’instant d’une soirée, on se croit dans les travées du Stamford Bridge, au Parc des Princes, ou à Santiago Bernabéu. Même les buveurs de vin de palme qui n’ont jamais pris l’avion, qui n’ont jamais assisté à un match du Canon de Yaoundé, Union de Douala ou du TKC, s’emballent dans les bars, les chaumières, et sur facebook comme si c’étaient les Lions Indomptables qui jouaient la finale de la Coupe d’Afrique !
Lutte contre le chômage
Alors, comme ça l’ambulance du Samu n’a pas démarré en pleine urgence médicale dans le plus grand stade de notre République Cacaoyère ? Chut ! On va aller poser la question au ministre de la Santé et des ambulances de notre République Cacaoyère, il s’appelle André LE Placide (pardon pour le patronyme, on a été colonisé par les Français). Excellence, « over to you » (on a aussi été, un peu, colonisé par les Anglais).
« Je voulais d’abord vous dire qu’une ambulance du Samu qui ne démarre pas, c’est des choses qui peuvent arriver. Vous savez, avec les pics de chaleurs suivis de fortes pluies qu’on enregistre dans le climat de Yaoundé ces derniers temps, cela peut créer des dysfonctionnements dans le moteur d’une ambulance. Nous avons prévu dans de telles situations des palliatifs, dont un a été utilisé en la circonstance, il s’agit de l’AMDA, « l’assistance musculaire au démarrage d’ambulance » ; une équipe de volontaire du Samu a donc poussé l’ambulance, qui a démarré. C’était donc un incident mineur, d’autant plus qu’au moment où je vous parle, la footballeuse éthiopienne a été réanimée et a pu repartir en bonne santé ! »
On va aider le ministre de la santé. Si l’ambulance du Samu Cameroun n’a pas démarré en plein match au stade Omnisports, c’est encore un complot français. Depuis qu’à Afrique Média, on vous dit que la République Charcutière de France complote contre notre belle République Cacaoyère, hein ! C’est eux qui fabriquent les ambulances que notre Samu utilise, et ils ont mis dans le moteur de ces véhicules un dispositif programmé pour immobiliser la voiture à distance. Avec les marques japonaises, on n’a pas de tels caprices.
Autre avantage d’une ambulance qui démarre à la force des bras, et ça, c’est une invention de République Cacaoyère : c’est une technique de lutte contre le chômage. Plutôt que d’acheter une batterie de bonne qualité, on paye les « pousseurs d’ambulance », et cela réduit le taux de chômage. Chez nous, cette pratique a un nom très savant, c’est la technique Himo, Haute Intensité de Main d’Œuvre. Imaginez le nombre d’emplois créés si à chaque ambulance, plutôt qu’une batterie, on affectait un bataillon de « pousseurs d’ambulance » payés à la fin du mois.
Voilà une technique de création d’emplois qui peut intéresser la Grèce, hein, Alexis Tsipras. Il faut retirer toutes les batteries des ambulances du pays et les faire démarrer à la force des bras, ça peut créer quelques milliers d’emplois. Merci à qui ?
François Bimogo
*Un regard impertinent sur l’actualité socio-politique et culturelle du Cameroun et de l’Afrique. Histoires de Républiques Cacaoyères et de République Charcutière.
Pour lire/écouter ces chroniques, comme leur auteur, François Bimogo, il faut adorer les Républiques Cacaoyères.
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