C’est d’abord la douceur du ton qui frappe. Viennent ensuite le calme et une certaine chaleur, mais surtout la perfection de l’élocution et l’harmonie des idées. Comme quoi, il est toujours bon de connaître les gens, de les fréquenter et de leur parler avant de se faire une opinion. M. Essomba Eyenga, je l’avoue, m’a bien étonné.
Ce personnage, toujours loqué en député haïtien, volontiers gouailleur et sectaire, n’a jamais été un de mes administrateurs sportifs préférés. Il a fallu la funeste nomination du coach des Lions et vingt minutes au téléphone pour que l’ancien fonctionnaire des Impôts et actuel dirigeant du Tonnerre de Yaoundé m’amène à réviser un certain nombre d’attitudes qu’il suscitait chez moi.
J’ai voulu savoir, charmé et encouragé par son coup de sang à la suite de nomination de M. Pfister, les raisons profondes de son courroux, les options dont disposait la Fécafoot pour s’opposer au MINSEP et les conséquences que le passage en force de M. Edjoa pouvait avoir sur les rapports entre les deux institutions.
M. Essomba Eyenga, contrairement à ce que j’attendais, ne s’est jamais départi de son calme, de la réserve ni de la mesure dont doit faire preuve un responsable de haut niveau.
Sa colère n’a rien à voir avec les prérogatives du MINSEP de choisir le coach des Lions. Il n’est pas contre, il reconnaît la place du MINSEP et l’accepte. Mais, martèle-t-il, « recruter M. Pfister, c’est aller à reculons ». Nos Lions valent mieux que ce septuagénaire et, nommer ce dernier à leur tête, c’est un peu comme si nous prenions notre équipe nationale comme n’importe quelle sélection de n’importe quel pays. Les Lions, recommencera-t-il plusieurs fois, « ce n’est pas n’importe qui ».
Mais alors, susciter et encourager un bras de fer avec le MINSEP en refusant de signer et en prenant résolument la voie de l’affrontement, comme je l’aurais aimé entendre dire ? Non, décidément. M. Essomba Eyenga, ne voit pas à quelles fins positives servirait une antinomie systématique entre les deux organismes. « La Fécafoot, analyse-t-il posément, est sous la tutelle du MINSEP. » C’est un fait que même la FIFA, poursuit-il, reconnaît et dont elle s’accommode, tout en essayant de négocier pour elle, comme pour les autres fédérations africaines, une certaine autonomie. Il n’empêche que dans cette affaire, la Fécafoot s’est sentie trahie parce que le MINSEP a foulé au pied le privilège qu’elle a d’être consultée et que son avis soit écouté. « Il serait souhaitable, plutôt que de tirer chacune de son côté, que les deux institutions marchent dans la même direction, ensemble. »
« Au fond, la Fécafoot a des choses plus importantes à faire qu’à se chamailler avec le MINSEP », enchaîne-t-il. S’engager dans un bras de fer stérile serait contre-productif. Plutôt, la Fécafoot veut se focaliser sur les réformes qu’elle entend mener à terme pour moderniser tous les pans du football camerounais.
« Je vais conseiller au président de la Fécafoot de ne pas s’opposer au choix du MINSEP », a-t-il lancé, un peu à ma grande déception. Je ne crois pas, a-t-il poursuivi, que nous devrions faire problème. Le MINSEP recrute un entraîneur et signe un contrat avec lui ; en cas de pépin, la Fécafoot n’aura rien à y voir. L’entraîneur n’aura donc pas le loisir, si les choses tournent mal, de se plaindre auprès de la FIFA. « La préoccupation de la Fécafoot, dès maintenant, c’est de veiller à ce que les Lions se préparent aux compétitions dans les meilleures conditions. »
S’agissant des relations futures entre les deux organisations, j’ai rappelé à M. Essomba Eyenga l’incroyable querelle qui semble s’amplifier autour du bus des Lions. C’est le seul moment, au cours de la conversation, que je l’ai senti particulièrement remonté. « La Fécafoot, a-t-il souligné, n’est pas un service ou une direction du MINSEP ! » Elle n’a donc pas à demander la moindre autorisation du MINSEP pour quelque opération que ce soit qui entre dans la sphère de sa compétence. Les deux structures doivent, pour garantir l’harmonie, que personne n’empiète sur le champ de l’autre. « Nous n’accepterons jamais que la Fécafoot soit gérée au quotidien par le MINSEP. Nous avons acheté un bus, et c’est notre droit de la faire, comme la fédération ivoirienne l’a fait. Pourquoi les Lions doivent-ils toujours passer pour des mendiants ? »