Le peuple camerounais, interpellé, vous répond. En premier lieu, à son grand étonnement, il se retrouve en face de comptables et de pique-sous, lui qui pensait avoir affaire à des athlètes de haut niveau habiles dans l’art du ballon panier. Vous voudrez donc pardonner au peuple camerounais d’admettre maintenant, avec le recul, que tant de têtes bourrées de chiffres ne pouvaient en toute logique commander aux mains de caresser le ballon dans le sens du panier. La défaite était donc inéluctable.
En second lieu, il faut se garder de nous injurier. Chacun a ses problèmes, certes, et la solidarité est de mise. Mais, de mémoire de membre du peuple camerounais, je n’ai jamais entendu parler de grévistes logés dans un palace entouré de parcs piqués de terrains de golf et de palmiers en fleurs et, surtout, avec comme voisin le président de la République.
Troisièmement, le peuple camerounais, qui reconnaît votre droit de râler, ne vous a rien demandé. Il n’attend rien de vous et s’insurge contre l’incroyable morgue avec laquelle le moindre pousse-ballon au pays exige la reconnaissance du peuple entier, les passe-droits de tout genre, les places assises dans le train. Vous vous adonnez à une activité privée qui ne concourt en rien au bien-être d’un grand nombre de Camerounais. Vous jouez au ballon pour vous, pour votre subsistance et pour votre bonheur. Nous vous applaudissons parfois, et c’est bien ainsi.
De grâce, laissez tomber la rengaine du sacrifice que vous avez consenti pour nous. Votre activité, ouvrez-vous les yeux, n’a pas l’impact du travail d’une infirmière au centre de santé de Lolodorf, du courage d’un jeune garçon portant un fusil à Kousséri ni de la mère célibataire qui vend des beignets pour envoyer ses enfants à l’école.
Cela dit, le peuple camerounais n’a pas vraiment d’opinion sur l’à-propos de vos revendications et ne souhaite pas en avoir. Que cela ne vous empêche surtout pas de continuer. 15 millions, mais pourquoi pas 20 ou 30 ? Obtenez autant que vous pourrez, mais laissez le peuple camerounais, qui en passant vous félicite de payer vos impôts, tranquille.
Léon Gwod