C’était un véritable régal, ça je me rappelle, ce loup grillé sur un lit de fines herbes arrosé d’un Sélian du cru, mais je serais bien en peine de dire où, dans la blanche ville de Tunis, je m’étais si délicieusement coucouné le ventre en compagnie de Sanga Titi, fin connaisseur de la cuisine du Cap Bon.
Au grand Bleu, peut-être, sur les hauteurs de Gammarth, perché sur un promontoire où viennent s’écraser rageusement les vagues de la Méditerranée, ou tiens, à la Falaise, plus bas, à l’entrée du quartier colonial de La Marsa, devant la statue de Neptune sortant de l’eau, le trident en bataille, très remonté contre Éole coupable d’avoir lâché sans permission ses vents sur le vaisseau d’Énée ; ou, et j’en suis sûr maintenant, à la Villa Didon, sur le même petit rocher où Elissa, séduite et délaissée par le Troyen, avait voulu mourir d’amour…
Le loup grillé en Tunisie, vous l’aurez compris, est affaire d’atmosphère et de décor. Et ce pays plusieurs fois millénaire qui, il faut bien l’avouer, ne casse rien par sa cuisine contrairement à ces voisins du Maghreb, jouit exclusivement de la munificence que prodiguent à la fois la Méditerranée et le soleil. C’est à Tunis, et sur le reste du Cap Bon et pas ailleurs en Afrique du Nord que le soleil, lorsqu’il se reflète sur le bleu de l’eau et des persiennes des pittoresques maisons de Sidi Bou Said, a l’éclat le plus pur et le plus voluptueux. C’est ici que le blanc des maisons, l’histoire ancienne et la recherche de la beauté créent une atmosphère de calme et de farniente qu’on ne retrouve nulle part ailleurs en Afrique.
La Tunisie, c’est évidemment les Tunisiens. Bougons certes, batailleurs à l’occasion comme tous les Arabes, mais d’une correction exemplaire, compétents, solvables, indépendants et extrêmement jaloux de leur pays qu’ils adorent et qu’ils développent avec soin. Et les Tunisiens, encore comme tous les Arabes, sont toqués de football.
Tunis, ville relativement petite, compte un stade exceptionnel, Radès, objet de toutes les attentions, manucuré et protégé, et le stade de El Menzah, de très belle facture, ainsi que deux ou trois autres stades de bonne qualité dans les environs immédiats. Le championnat de football est mené de façon exemplaire par une fédération indépendante et responsable, et quatre grands clubs, dont deux à Tunis, constitués en véritable PME, attirent des footballeurs de partout en Afrique et particulièrement nos compatriotes.
La Fécafoot collabore avec la fédération tunisienne depuis de nombreuses années, mais je crains que les efforts de M. Abdouraman, pour ne citer que lui, n’aient jamais vraiment porté leurs fruits. Nous n’apprenons jamais rien, nous ne voulons jamais copier ceux qui font mieux que nous au double plan de la gouvernance et de la philosophie du football comme activité économique.
La majeure partie des footballeurs tunisiens que les lions vont affronter jouent dans les clubs du football national. Et, on le sait tous, ce ne sont pas des deux de pique. Ils sont compétents et ne se font jamais ridiculiser. Les Tunisiens ont compris depuis longtemps, ce qui ne semble pas pouvoir se produire bientôt au Cameroun, que le socle du développement du football est un championnat national bien organisé. Le football camerounais ne se développera jamais tant que toutes les attentions des principaux acteurs continueront d’aller vers la recherche du prochain Eto’o à vendre le plus vite en Indonésie ou en Espagne.