Quatre mois de prison ferme. Voilà la peine prononcée à l’égard Vincent Péricard. Après s’être fait retirer deux fois le permis de conduire, le joueur de Stoke City pensait s’en sortir en expliquant qu’un proche était au volant lors de son dernier excès de vitesse. Confondu et pris en flagrant délit de mensonge devant le juge, il a écopé de quatre mois ferme.
Après un mois d’enfermement, sa bonne conduite lui a valu de pouvoir sortir dans un régime de semi-liberté avec un bracelet électronique et une autorisation spéciale pour pouvoir exercer son activité professionnelle le soir. Une semaine après sa sortie de prison, deux jours après son 25eme anniversaire, il a choisi de s’exprimer pour la première fois sur cette expérience pour Football365 et Footanglais365, conscient qu’il doit faire partager ce qu’il a vécu à tout le monde. Son message est simple : respectez les règles car il n’y a rien de positif en prison. Confessions.
Vincent Péricard, vous êtes sorti la semaine dernière de prison et avez pu fêter en état de liberté conditionnelle votre 25eme anniversaire. Comment vous sentez-vous après un mois d’enfermement ?
Bien. C’est surtout une libération mentale. La liberté est ce qui me manquait le plus. J’étais heureux mentalement de sortir. Physiquement, j’avais de quoi m’occuper avec diverses activités. La prison est surtout dure mentalement.
Pour bien comprendre votre situation, vous aviez écopé de deux retraits de permis pour excès de vitesse. Suite à un troisième excès de vitesse, vous êtes convoqué chez le juge et là, vous essayez de feinter en déclarant que c’est un proche qui conduisait. Et en Angleterre, qu’on soit footballeur ou pas, la justice ne badine pas avec les mensonges…
Ce n’est pas aussi simple : Teddy Sheringham, qui avait eu le même genre de souci, s’en était sorti. Je pense que le juge, qui était de mauvaise humeur ce jour-là, a voulu faire un exemple avec un joueur de foot. Ce n’est pas à cause de l’excès de vitesse que j’ai été condamné mais parce que j’ai menti. J’ai dit que c’était quelqu’un d’autre qui était au volant. Quand vous mentez devant une « Court of Justice », la loi veut qu’il y ait emprisonnement de quatre à neuf mois. Le juge m’a donné le minimum, quatre mois ferme.
Quand la sanction tombe, comment se sent-on ?
Quand c’est la première fois et qu’on ne s’y attend pas, on n’a pas le temps de réagir. Les policiers vous passent directement les menottes et vous emmènent en cellule. On n’a pas le temps d’ouvrir la bouche qu’on est déjà enfermé. C’est un choc qui dure plusieurs jours…
Directement en cellule ! Là, toute une vie peut s’écrouler pour des excès de vitesse et un mensonge. On doit se poser un tas de questions quand on se retrouve enfermé aussi brutalement…
Exactement. Ce que j’ai appris en prison, c’est que la vie peut changer en un clin d’œil. Une heure avant, j’étais tout content, en liberté et avec mes amis. Et après, il n’y a plus rien, pas de contact, pas de téléphone. Je suis enfermé. On se rend alors compte de ce qu’il s’est passé.
« La chose la plus dure que j’ai vécue »
On associe parfois prison et rédemption : est-ce que la prison vous a permis de comprendre certaines choses par rapport à votre approche de la vitesse en voiture ?
Je n’ai pas trop appris sur la vitesse car je ne suis pas quelqu’un qui conduit stupidement. Ce n’était pas des excès de très grande vitesse, j’étais à chaque fois 10 km/h au-dessus de la réglementation. Mais c’est une faute. J’ai appris avec tout ça qu’il fallait respecter la loi, ne pas aller au-delà. Désormais, je vais rester dans les règles et dire aux autres d’en faire de même. C’est une leçon qui passe. Durement mais elle passe.
On a vu récemment Sylvain Wiltord arrêté à Lyon devant les caméras pour une affaire de PV. Les footballeurs ont valeur d’exemple pour les jeunes. Pensez-vous avoir servi d’exemple dans cette affaire ?
Oui, ça a été le cas totalement. Pour ce que j’ai fait… Quand je me suis retrouvé en prison et que j’ai vu avec qui j’étais enfermé… Ce que j’ai fait, mentir, c’était de la rigolade. Ils voulaient faire un exemple et je suis tombé au mauvais endroit au mauvais moment. J’ai été le cobaye parfait. Il n’y a aucune autre explication à tout ça.
Malgré cela, vous vous exprimez sans aucune haine ou rancœur envers la décision du juge. Vous parlez de façon très sereine, lucide et calme. Pourtant, cela a dû être terrible de vous retrouver enfermé comme ça au milieu de criminels ?
C’est le but : c’est une punition. C’est pour ça que tous ceux qui commettent un crime vont là-bas. C’est une punition pour se rendre compte des erreurs qu’on a fait. On doit se rendre compte là-bas que la vie est faite pour en profiter, pas pour jouer avec de la drogue ou commettre d’autres crimes. La prison est la meilleure chose qui puisse exister pour comprendre ça. Moi, ça n’a duré qu’un mois mais ça été la chose la plus dure que j’ai vécue de toute ma vie.
Pensez-vous que le fait d’être un jeune de couleur, français, a joué dans le jugement et dans le traitement de votre affaire par la presse anglaise ?
Non. Ici, dans le monde du football, j’ai une très bonne réputation. Beaucoup de personnes m’ont soutenu. Harry Redknapp, mon ex-entraîneur, m’a beaucoup encouragé. En Angleterre, on a une société multiculturelle. Donc le fait d’être noir n’a pas joué dans le traitement de cette affaire.
Avez-vous reçu d’autres soutiens dans le monde du football ?
De France, non. D’ailleurs, j’ai été très étonné qu’on parle de mon histoire en France car je pensais que ça resterait en Angleterre. Ici, mes amis m’ont fait parvenir les témoignages de personnes qui ont parlé de moi et qui m’ont soutenu comme Teddy Sheringham, Harry Redknapp et d’autres anciens membres du staff de Portsmouth. Ça m’a aidé à tenir le coup en prison. Savoir que j’avais le soutien de mes dirigeants m’a également fait tenir. Je voyais les autres qui, quand ils allaient sortir, n’auraient rien : pas d’argent, pas de travail… Savoir que je retrouverai un boulot et une vie confortable, avec des objectifs, m’a permis de ne pas craquer.
« Avec des pédophiles, des violeurs… »
Votre statut vous a-t-il permis d’avoir un régime de faveur en prison pour ne pas être mélangé par exemple avec des tueurs ou des violeurs ?
Non. C’était moi, avec des criminels normaux : des dealers, des pédophiles, des violeurs, ceux qui ont tué ou on essayé de le faire… Il y avait de tout.
Et quand vous vous retrouvez dans ce contexte-là, ça doit être un autre monde…
C’est exactement ce que j’ai pensé à ce moment-là : c’est un autre monde, un monde à part. C’est un monde où personne ne veut se retrouver. C’est une société de criminels. Ils ont leur système de pensée. Toutes les lois et les règles sont différentes. Ce sont des personnes qui ne sont même plus dans la société. Je ne veux pas être comme eux.
Avez-vous eu peur, physiquement notamment ?
La plus grosse peur que j’ai eue, c’est mentalement. J’ai eu peur de perdre la tête, de devenir fou, de devenir claustrophobe, de ne plus pouvoir m’exprimer. J’avais peur que ça explose à l’intérieur de moi. Physiquement, j’aurais pu gérer mais dans la tête, il fallait tenir le coup.
Comment passiez-vous vos journées en prison ?
Je me levais à 7h30 du matin pour un petit déjeuner qui était vraiment le minimum. Un bol de lait et des céréales qui ressemblaient à du plastic. On mangeait dans nos cellules. Là, ils nous enfermaient jusqu’à onze heures. A onze heures et demie, on allait chercher notre repas qu’on mangeait également dans la cellule. Porte fermée. Et le soir, pareil à cinq heures. Et toujours la porte fermée. Après, pour vivre dans la prison, il faut soit travailler, soit aller à l’école. Là, ils nous donnent un salaire équivalent à dix euros par semaine. Avec cet argent, il faut recharger son crédit de téléphone, s’habiller, s’acheter du surplus à manger. Vous ne pouvez pas rester couché toute la journée sinon, vous n’avez pas assez à manger.
« L’air frais, boire un bol de lait »
La sortie doit être une nouvelle naissance, même avec votre bracelet électronique et votre liberté conditionnelle…
Tout me paraissait nouveau quand je suis sorti : l’air frais, boire un bol de lait, manger un yaourt ou une barre chocolatée. J’étais comme un gamin : je voulais tout voir, tout toucher, tout goûter. Une semaine après, je suis étonné de tout et tellement content. J’ai mon bracelet effectivement : je suis toujours prisonnier mais pas en cellule. C’est beaucoup mieux. J’ai mon confort même si le soir, je ne peux pas sortir (ndlr : il est assigné à résidence et surveillé électroniquement via son bracelet).
On vous sent très calme, très posé : pensez-vous à l’avenir vous rapprocher d’associations pour communiquer aux jeunes les risques de conduire au-dessus des limites ?
Je suis une personne de nature très calme et philosophe : j’arrive toujours à trouver un côté positif à une mauvaise situation. Je communiquerai le maximum. Je donne volontiers de mon temps pour parler de ce qui m’est arrivé, pour faire passer le message à tous ceux qui sont dehors. La prison n’est pas un jeu, ce n’est pas un endroit où on s’amuse. Ce n’est pas un endroit cool.
Pendant cette période, vous avez été soutenu par votre club de Stoke City…
Cela a été énorme. Selon les règles des contrats, ils auraient pu annuler mon contrat facilement pour faute grave. Le club, l’entraîneur et le président m’ont dit de ne pas m’inquiéter. Ils m’ont dit : « Stay fit *» et quand tu reviendras, tout sera normal.
Les paroles se sont transformées en actes…
Je suis sorti samedi dernier et le mercredi, je reprenais avec l’équipe. Ça m’a redonné confiance de voir qu’on tenait à moi. Si je n’avais pas de qualités, si je n’étais pas un bon joueur pour eux, ils m’auraient sans doute lâché et ils auraient économisé de l’argent. Mais ils m’ont gardé. Là, tous les jours, c’est Noël pour moi. Je ne peux aller que de l’avant. Je ne peux plus reculer. Je ne peux pas avoir pire que ça.
Vous n’avez pas connu de problème de réinsertion grâce à Stoke. Aujourd’hui, avec ce soutien en plus de cette liberté, vous devez vous sentir à 200%…
Je suis comme un gamin et je suis content d’être libre. Je suis heureux d’être parmi mes amis, mes coéquipiers, dans un bon système, pas un système de criminels. Maintenant, je n’ai plus à penser aux soucis. La prison m’a fait réaliser que tout pouvait changer en une seconde. Je vais juste profiter d’être libre, en bonne santé et profiter de la vie.