Le défi était énorme quand Samuel Eto’o a décidé de rejoindre Chelsea après que le milliardaire de l’Anzhi ait décidé de réduire la masse salariale de son club. Le manager de Chelsea, Mourinho, qui connait Eto’o de leur séjour en Italie, a décidé de le recruter. Il l’a fait au nom de leur amitié et de leur complicité professionnelle. Les rumeurs faisaient état d’une mauvaise forme physique du capitaine camerounais, mais Mourinho pensait pouvoir le remettre au travail.
Dans leur discussion avant son engagement, le portugais a rappelé à Samuel le caractère exigeant de la vie professionnelle en Angleterre, et de la pression constante des résultats. Eto’o devait marquer des buts, et convaincre les sceptiques.
Ce que l’on ignorait était que Samuel Eto’o était en Russie comme en villégiature. Son aura, ses titres et ses trophées individuels d’antan lui donnaient un passe-droit permanent. Au lieu de s’entraîner, il voguait au gré des invitations des politiciens qui souhaitaient profiter de sa popularité.
Le Président Bongo du Gabon n’a pas caché sa satisfaction après leur rencontre chaleureuse.
Des associations caritatives savaient qu’elles pouvaient se l’offrir. Tout était donc mis en place pour échapper à la rigueur de l’hiver russe, au détriment de son métier.
À titre d’Exemple, Anzhi Makhachkala, l’ancien club de Samuel Eto’o a livré son premier match de la saison le 7 Juillet 2013, soit pratiquement deux mois avant son transfert à Chelsea. Si au mois de Décembre, on estime que le capitaine des Lions Indomptables court toujours après sa forme physique, il devient évident que ce n’est peut-être pas de forme physique qu’il s’agit, mais de motivation.
Il est tout aussi évident que l’avenir de Samuel Eto’o se conjugue désormais au passé et lui-même peine à s’en détacher, comme si le passé devrait intrinsèquement conditionner son présent.
Il a récemment publié sur son compte Twitter, une vidéo de la qualité ses nombreux buts à Anzhi Makhachkala, un signe qui ne trompe pas.
Pourtant, Samuel est loin d’être un « has been ». Il n’a que 32 ans et à cet âge, il devrait être au sommet de son art malgré ses deux années de villégiature russe. L’exigence du haut niveau requiert que l’on soit armé mentalement, que l’on veuille se battre continuellement contre le négativisme qui nous gagne et contre l’adage populaire qui veut que l’on soit fini avant que l’on ne soit fini. Ibrahimovic, à 32 ans, est incontestablement le meilleur joueur du championnat de France. À 35 ans, Drogba bouscule encore les défenses. Que dira t-on de Giggs, qui évolue à Manchester à 40 ans?
Jean-Pierre Ferland chantait: « c’est à trente ans que les femmes sont belles. Avant, elles sont jolies. Après, ça dépend d’elles« . Ces paroles sont d’autant vraies pour les grands sportifs. Une hygiène de vie stricte peut les conduire à jouir beaucoup plus longtemps de leur talent. Et cela ne dépend que du joueur puisque personne ne saurait lui offrir ce supplément d’âme qui est encore appelé motivation. Elle conditionne l’envie de se battre, de s’engager pour une action, pour une cause et est un processus personnel.
Au Real Madrid, le jeune Eto’o avait l’ambition de déjouer les pronostics de ses dirigeants qui le trouvaient pas bien outillé pour évoluer dans le grand club. Et ce fut la raison de son prêt à Majorque. Cette négation de son talent a sur-motivé Eto’o qui a bousculé les statistiques.
Dans la même période en équipe nationale, on préférait associer le jeune Job Matip à Patrick Mboma. Samuel ne trouvait pas celle là drôle et à la première occasion, il a cimenté la place qu’il tient jusqu’à maintenant.
Quand en 2004, le Real Madrid est forcé de le céder au FC Barcelone, toute la Catalogne n’avait d’yeux que pour Ronaldhino, Deco et les autres stars. Samuel a fait sa place et s’est érigé en incontournable, affolant les statistiques.
Il arrive en 2009 à l’Inter Milan, ayant déjà tout gagné. Mais le club a besoin d’un trophée de Champions League et avec un entraîneur à fort tempérament qui réussi à le remotiver, Samuel remporte trois autres trophées.
Puis vint l’intermède de Russie où un club sans grand ambition et sans passé glorieux a décidé de baser son plan marketing sur lui sans véritablement intention de réussite. L’histoire, on la connaît.
Il faudra certainement une bonne dose de volonté au capitaine des Lions Indomptables pour reprendre goût au jeu, pour ré-avoir envie de marquer des buts, pour se ré-enivrer de la saveur du but marqué. Et cette volonté qui est enfouie dans ses entrailles, au vue de son passé pas si lointain, il est capable de la retrouver. Mais ça ne dépend que de lui.
Peut-être se donnera t-il les moyens d’y croire en perdant le surplus de kilogrammes en trop qu’il traîne depuis deux ans, peut-être ce sera en multipliant les courses folles comme dans ses belles années, peut-être c’est en provoquant les défenseurs, balle au pied et en les tirant dans des courses échevelées, peut-être c’est en prouvant aux jeunes talentueux mais irrespectueux coéquipiers de Chelsea qui refusent de lui faire des passes qu’il demeure, même à 32 ans, plus rapide, plus vif, plus technique, plus talentueux qu’eux. S’il y a un seul joueur au monde capable de relever ce genre de défi, c’est bien Samuel Eto’o Fils.
Mais en a t-il seulement l’envie? Pourra t-il avoir le tier de la motivation dont avait fait montre l’Ambassadeur Itinérant Roger Albert Milla pour sortir le Cameroun de sa poule et le hisser au quart de finale de la Coupe du Monde 1990? La réalité est que c’est lors de la prochaine coupe du monde au Brésil que l’on écrira les mots qui resteront dans les annales et qui jugeront de la carrière en Lion Indomptable de Samuel Eto’o Fils comme la Coupe du Monde de 1990 pour Roger Milla. L’Ambassadeur serait resté un simple mortel s’il avait respecté sa première retraite de 1988.
Mais au lieu de ça, Milla s’est érigé en immortel non seulement du football camerounais et africain, mais aussi du football mondial. Que fera Samuel Eto’o? Retournera t-il au travail pour cravacher comme un forcené ou continuera t-il à nous rappeler un passé que même ses coéquipiers de Chelsea ont déjà oublié? Ça ne dépend que de lui.