Sa maman a fini par se faire une raison : tant pis pour les études, Edgar Salli jouera au foot. « Il avait pourtant pratiquement tout arrêté durant la saison 2010-2011 pour aller à l’université », se remémore Denis Lavagne, son ancien coach à Cotonsport de Garoua, aujourd’hui sélectionneur du Cameroun.
« Début 2010, on a eu une discussion avec sa maman,se rappelle son agent, Maxime Nana. On lui a dit que c’était dommage de gâcher un tel talent. On a fini par trouver un accord : il reprendrait ses études s’il ne parvenait pas à signer pro dans un club européen dans les deux ans. »Et tout s’est accéléré. Edgar Salli est monté en équipe première de son club formateur, avant de s’illustrer début 2011 lors de la CAN junior. Le Cameroun s’inclina en finale, mais Salli fut nommé meilleur joueur du tournoi. Une performance qui n’échappa pas à Moustapha Hedna, recruteur pour l’AS Monaco alors sur place.
Sous la coupe de Nkoulou avec les Lions
Marseille, l’Udinese ou l’Atletico Madrid étaient sur les rangs. Mais la relation de confiance entre Maxime Nana et Etienne Franzi permit à l’AS Monaco d’enrôler le jeune attaquant prometteur au printemps 2011, pour trois ans et un transfert estimé entre 200 000 et 250 000 euros. « J’avais entière confiance, se souvient l’ancien président Franzi. Avec Maxime Nana, nous avions déjà fait venir Benjamin Moukandjo (parti depuis à Nancy, ndlr) quelques mois plus tôt, qui a fait de très belles choses à Monaco avec Laurent Banide. »
Banide, avait déjà participé à la venue de Nicolas Nkoulou en Principauté, fin 2007. Le défenseur central explose aujourd’hui à l’OM, mais n’hésite pas à revenir en Principauté quand il le peut pour voir le « petit ». Nkoulou était d’ailleurs dans les travées du Louis-II vendredi et n’a rien manqué du joli match (un but, une passe décisive) de son protégé contre Châteauroux (2-1).
« Il l’aide, le motive et le soutient,souffle Nana. Nico est aussi en quelque sorte son parrain en équipe nationale. » Car Salli, qui n’a pas encore 20 ans mais compte quatre sélections avec les A depuis le début de saison, fait désormais partie intégrante du groupe des Lions Indomptables.
« Je le fais jouer sur un côté, mais je vois qu’il fait de bonnes choses dans l’axe avec Monaco,explique Denis Lavagne. Il a les qualités pour jouer à plusieurs postes. Il a une intelligence dans le jeu, il est imprévisible et rapide. Avec ses dribbles, sa percussion, il est capable de déstabiliser les défenses. À chaque fois que je l’ai fait entrer en jeu, il a apporté un plus, en se montrant souvent décisif. Je ne pensais pas qu’il s’adapterait aussi vite à un championnat européen. Il a beaucoup progressé avec Monaco. »
Sur le Rocher, pour sa première saison en Europe, tout n’a pourtant pas été facile. Fonctionnant beaucoup à l’affectif, Salli dut remettre les compteurs à zéro après l’éviction de Laurent Banide.
« Il a fallu qu’il refasse ses preuves,reprend son agent. Il a connu deux ou trois mois difficiles, il jouait moins. Mais il est travailleur, humble, à l’écoute. Cette épreuve l’a endurci. Derrière son calme, il a une grosse force de caractère. » Le jeune homme, que Raymond Bella accueille parfois chez lui pour dîner ou passer du temps avec son petit-fils du même âge, récolte aujourd’hui les fruits de sa ténacité. Buteur pour son entrée en jeu à Sedan (2-2), l’attaquant ne quitte plus le onze de départ. Il en est à six buts et une passe décisive, Coupe comprise.
« Tu pries ou tu es timide ? »
« C’est un très bon complément en soutien d’un attaquant axial grand et costaud,explique Marco Simone. Il est encore très jeune mais a progressé mentalement. Il avait déjà montré des choses intéressantes en début d’année mais je le trouve plus régulier maintenant. Je pense aussi qu’il est mieux intégré. Ce n’est jamais évident pour un jeune qui arrive dans un grand club, pour une première grande expérience. Au bout de six ou sept mois, c’est normal qu’il se sente mieux dans le groupe, dans la vie du vestiaire. Au début, il paraissait en retrait. Parfois, je le voyais assis sur le banc, sans parler, je lui demandais en plaisantant : »Tu pries ou tu es timide ? » Il manque un peu de discipline tactique, parfois, mais il est résistant et a une qualité fondamentale : la vitesse. »
Des atouts qui n’ont pas manqué d’attirer l’œil attentif de plusieurs formations de Ligue 1. Déterminé et ambitieux, petit Salli (1,63 m, 64 kg) sait ce qu’il veut et aspire un jour à retrouver en L1 ses « grands frères » Nkoulou et Moukandjo, ou son copain de promo de Cotonsport Aboubakar, aujourd’hui à Valenciennes. Avec l’AS Monaco ?
Tor-Kristian Karlsen, qui avait entendu parler du talent de Salli avant son arrivée compte en tout cas sur lui. « Tout se passe bien avec lui et on espère le conserver de nombreuses saisons encore », dit le nouveau directeur sportif.
Une chose est sûre : Salli n’est pas près de retrouver le chemin de la bibliothèque.
Julien Crévelier