C’était à Ostende, après le match : Aurélien Chedjou, le défenseur international camerounais, ancien champion de France avec Lille, aujourd’hui à Besiksehir, le vice-champion de Turquie, se baladait dans les couloirs du stade, avec ses béquilles. Victime d’une fracture de la cheville, il ne rejouera pas avant plusieurs semaines et il passait sa convalescence dans le Nord, en profitant pour venir saluer de nombreux amis à Ostende : les anciens Lillois du staff, Claude Fichaux, Frédéric Bompard, Franck Le Gall, Rudi Garcia, puis Adil Rami.
Posant affectueusement la main sur la tête de Clinton Njie, il a dit à Claude Fichaux : « Lui, il faut le surveiller comme le lait sur le feu, moi je ne le lâchais pas ! » Une remarque que les défenseurs dijonnais auraient dû entendre eux aussi. « La rentrée de Njie nous a fait vraiment mal, disait Cédric Varrault dimanche soir au Vélodrome. On n’a pas su faire ce qu’il fallait pour tenir plus longtemps. »
« Ma sortie a tout changé ! La rentrée de Clinton Njie a été déterminante, ajoutait avec humour Dimitri Payet. On s’est dit après le match que tout le monde était important, cela résume bien notre état d’esprit actuel. » Il est vrai que le déclic du match, son tournant, a été ce remplacement, dû à la légère blessure du capitaine de l’OM. « Un mal pour un bien, a d’ailleurs résumé Rudi Garcia après la rencontre. Ce n’est pas seulement les deux buts marqués, mais Clinton nous a offert de la profondeur, de la vitesse. En sachant que Dijon était entreprenant et assez haut, on n’avait pas assez de profondeur dans notre jeu enpremière période. Quand Clinton est entré, ça a tout changé. »
« Entré à la mi-temps et auteur de deux buts : ça c’est Clinton ! » s’exclame Gilles Rousset à Lyon. L’ancien gardien international de Sochaux, l’OL, l’OM, s’occupe cette année des U19 de l’Olympique Lyonnais, mais il a dirigé la réserve de l’OL pendant quelques saisons et il a donc coaché Clinton Njie à ses débuts dans le Rhône.
Clinton fait déjà mieux que l’an dernier
« Il jouait en CFA. Parfois, il faisait preuve de nonchalance ou d’une trop grande confiance en lui. Il dribblait le gardien, le redribblait, dribblait le défenseur, revenait, attendait qu’il revienne… On s’arrachait les cheveux mais il avait une capacité à éliminer, une vitesse incroyable. » Et si »Aurel » Chedjou conseillait au staff marseillais de ne pas lâcher Njie, ce n’est pas du tout une question de discipline mais de constance dans le travail.
« Nous n’avons jamais eu le moindre problème de discipline avec lui, souligne Gilles Rousset. Il ne sortait pas beaucoup, il était très calme. De temps en temps, il faut le bouger, le booster s’il est trop facile, mais c’est un mec propre. Il est anglophone, le français n’est pas sa langue maternelle, il parle donc doucement, timidement. Sa timidité n’est pas de l’arrogance, de la froideur, bien au contraire, il est très respectueux des aînés. Lorsqu’il est arrivé à Lyon, il n’osait pas regarder les entraîneurs dans les yeux. »
Arrivé de Tottenham où il n’avait pas réussi en 2015-2016, échangé en prêt avec Georges-Kévin Nkoudou, il n’a jamais justifié à l’OM les promesses que l’on voyait en lui, depuis ses débuts lyonnais. Auteur d’un joli but décisif face à Nantes en août, il a enchaîné les entrées et les titularisations sans grand relief, en dépit de quatre buts. Sélectionné pour la CAN, il a ensuite perdu sa place dans le groupe des Lions Indomptables.
Avec quatre buts lors des matches amicaux, plus deux pour la première journée de championnat, Clinton a déjà fait mieux que l’an dernier.
« La semaine dernière à Lyon, j’ai vu Jean-Flaubert Nono, le directeur des Brasseries au Cameroun, qui est le club d’où vient Clinton, révèle Gilles Rousset. Par son intermédiaire, je sais que Clinton est fin prêt. Il a fait une très bonne préparation, ce qui ne lui était plus arrivé depuis quelques années : il était soit en cours de transfert, soit blessé, alors que là, il est motivé comme jamais.
« Ses buts, c’est un signe. Et il réalise cela en n’étant pas titulaire, il y a beaucoup de monde devant lui : Thauvin, Germain, et l’OM cherche encore un attaquant. Mais cela démontre qu’il se tient prêt, ne se décourage pas, il bosse. Je connais bien Clinton, c’est un garçon qui a des certitudes en lui. »
Une efficacité rapide
Buteur face à Dijon, avec réussite mais aussi persévérance et détermination, il avait, après ses buts en amical, effectué une rentrée intéressante à Ostende, par sa capacité à aller porter le jeu dans le camp belge, quand l’OM était dominé.
« Il prend la profondeur, ce n’est pas un buteur proprement dit, pas un Bafé, dans le jeu dos au but, note encore Gilles Rousset. Il prend les espaces, il aime être impliqué dans les actions, face au jeu. S’il joue avant-centre, il va aller à droite ou à gauche, en partant d’une position axiale.
« Il a du déchet devant le but, mais on a vite senti le potentiel de dynamiteur de défenses, capable d’accélérer sur deux, trois appuis. Ce n’est pas un dribbleur comme Hatem Ben Arfa que l’on a eu ici et qui est phénoménal dans ce domaine. Clinton enroule les adversaires, comme un slalomeur, il enchaîne, il percute, il prend le ballon, accélère, le pousse, s’arrête, réaccélère, il ne dribble pas dans un mouchoir de poche, mais quand il est lancé, il est impossible à arrêter, il va extrêmement vite. »
Un but six minutes après son entrée en jeu, c’est effectivement du très rapide. Et efficace. Un véritable atout dans le groupe de Rudi Garcia. « C’est un joker intéressant, parce qu’il accepte ce rôle, juge son ancien mentor lyonnais. L’OM n’a pas de joueur comme lui. Germain court beaucoup, appelle sur les côtés, mais Thauvin, Payet, Cabella, Lopez aiment avoir le ballon dans les pieds, Clinton, lui, appelle en profondeur, il amène quelque chose de différent.«