Sa voix douce tranche avec son engagement sur le terrain. Dès qu’il entre sur une pelouse, Frank Anguissa met son masque de guerrier, d’inlassable « ratisseur » dans l’entrejeu de l’OM. Depuis cette saison, il élargit sa palette, monte en gamme sans se départir de cette opiniâtreté à la récupération.
Souvent décrit comme une armoire à glace aux pieds carrés uniquement dévolue aux basses oeuvres, il offre désormais un profil plus fin, une technique qu’il a mis du temps à exprimer après en avoir laissé apparaître une facette lors de sa première apparition. C’était à Groningen, en septembre 2015.
À cette époque, le Camerounais en apprentissage apprivoisait encore ce nouvel environnement. Il se familiarisait toujours avec le football européen, un an seulement après avoir posé son baluchon à Reims. En Provence, son statut sportif s’est révélé fluctuant contrairement à ses émoluments indexés sur le minimum fixé par la charte du football professionnel : ignoré par Michel, lancé par le duo Passi-Boli, révélé par Rudi Garcia.
Les conseils de l’auguste Luiz Gustavo
Ce dernier l’a pris sous son aile pour polir un diamant brut aux bases tactiques très limitées. Le technicien olympien lui a rapidement octroyé sa confiance. Depuis, il ne le lâche pas, est constamment sur le dos du Camerounais de 22 ans.
Ses consignes sont claires : Anguissa, la plupart du temps aligné aux côtés de l’auguste Gustavo, doit s’acquitter de la récupération et jouer simple. Le Camerounais, qui se décrit comme « un soldat », aimerait en faire plus, s’affranchir de ces directives. Et marquer enfin son premier but sous le maillot blanc. Depuis le début de l’année, ce travailleur acharné à l’aise lors des tests physiques s’ajoute des séances devant le but. L’autre jour, sous un chaud soleil de janvier, il a enchaîné les frappes. Avec un déchet certain.
Spectateur attentif, Luiz Gustavo a délivré de précieux conseils à son partenaire particulier, corrigeant sa posture trop inclinée vers l’arrière. Le Brésilien le tient en haute estime. Il le considère comme « pratiquement indispensable » au onze olympien pour son abattage ou sa manière de le couvrir quand il monte aux avant-postes. Il ne manque jamais de le féliciter, aussi bien publiquement que dans l’intimité du vestiaire. Après le succès contre Strasbourg (2-0), il l’a enjoint de continuer ainsi. Anguissa venait de gagner 19 ballons. En bon élève, il a écouté le maître et, trois jours plus tard à Caen (2-0), il a rendu une copie monstrueuse : 104 ballons joués pour 33 gagnés et 82 % de passes réussies.
Suivi à la trace par quatre clubs anglais
Il lui arrive de rater des matches ; Garcia le trouve encore trop dépendant de Gustavo et attend de lui qu’il en fasse encore plus. Pour sa troisième saison à l’OM, placé en concurrence avec Maxime Lopez et, parfois, Morgan Sanson, il sort ses griffes.
Sa participation à la dernière coupe des confédérations, en juin avec le Cameroun, l’a gonflé à bloc et décomplexé. Dans la foulée, West Bromwich Albion a adressé une offre de 15 millions d’euros. Anguissa n’y a pas prêté attention et a rempilé jusqu’en 2021, avec un contrat plus conforme à ses prestations. Les Baggies continuent de le suivre mais ne sont désormais plus seuls sur le coup : Watford, West Ham et Newcastle le supervisent régulièrement. D’aucuns lui prédisent un transfert prochain à huit chiffres.
Frank Anguissa n’en est pas encore là. Il a encore des choses à faire à l’OM.
Fabrice Lamperti