L’île d’Achill, dans le comté de Mayo, est située à quelques encablures de la côte ouest irlandaise. Avec ses 2 000 habitants, l’endroit est un petit paradis entouré de montagnes escarpées, de tourbières et de cottages pittoresques. Il est également le lieu de naissance d’Achill Rovers, l’équipe de football amateur du lieu.
À l’image de l’île, le terrain est pittoresque. Entourée d’un petit mur de briques empêchant les moutons de venir y paître, la pelouse voit régulièrement évoluer un joueur qui a disputé la Coupe du Monde de la FIFA, France 1998™ et remporté la Coupe d’Afrique des Nations de la CAF : Joseph N’Do, 40 ans, n’a rien perdu de sa technique et de son amour du beau jeu. « Je prends un plaisir fou ici. Chaque jour est un don de Dieu », explique à FIFA.com N’Do, entraîneur-joueur au club. « L’année dernière, je donnais simplement un coup de main à l’entraîneur et cette année, j’ai décidé que je voulais encore jouer. C’est un privilège pour moi de transmettre mon savoir et mes expériences à la jeune génération locale. »
Après une carrière en club qui l’a conduit du Cameroun à l’Europe, et plus tard d’Arabie Saoudite en RP Chine, N’Do a rejoint la République d’Irlande en 2003 et s’y est installé durablement. Son expérience et sa personnalité chaleureuse ont permis au Camerounais de vie de devenir la coqueluche des supporters irlandais. Après avoir porté les maillots de St Patrick’s Athletic, Shelbourne, Shamrock Rovers, Bohemians et Sligo Rovers, gagnant au passage quatre titres de champion et trois FAI Cups, N’Do est largement considéré comme l’un des meilleurs milieux de terrain encore en activité dans le football irlandais.
Le choix du destin
Et lorsqu’il n’est pas en train de défendre les couleurs d’Achill Rovers, élu Club irlandais de l’année 2015 pour le travail effectué auprès de la communauté locale, N’Do officie comme entraîneur pour transmettre son immense expérience aux jeunes joueurs locaux. « Je pense que c’était mon destin de venir en Irlande », explique le natif de Yaoundé. « Je me sens bien ici. Je ne peux pas expliquer pourquoi. C’est comme ça ! Je souhaite rester ici le plus longtemps possible. »
Bien avant de s’installer sur l’Île d’Émeraude, N’Do a fait ses classes en première division camerounaise, d’abord au Cotonsport Garoua. Il est repéré par un certain Claude Le Roy, alors sélectionneur du Cameroun. Le Roy, un des grands entraîneurs de l’histoire du football africain, avait été appelé pour un deuxième mandat à la tête des Lions indomptables après leur élimination en quart de finale de la CAN 1998. Le Français part à la recherche de talents dans le championnat national et tombe sur la perle N’Do, qu’il convoque en sélection pour la première fois juste avant la Coupe du Monde 1998. « Claude Le Roy était un entraîneur qui laissait les joueurs s’exprimer », se souvient N’Do. « Il me disait : ‘Donne-moi du plaisir à te voir jouer. Va sur le terrain et fais ce que tu sais faire’. Pour le jeune que j’étais, entendre ça de l’entraîneur était énorme. Je ne l’appelais jamais ‘coach’, ‘entraîneur’ ou ‘monsieur’, mais ‘oncle’. Il était comme un oncle pour moi. »
« Il avait organisé un test pour 75 joueurs du championnat local et après m’avoir supervisé, il m’a invité à un stage où nous avons joué beaucoup de matches pour essayer de gagner notre place dans l’équipe », se rappelle encore N’Do. « De ce stage, il a retenu 10 joueurs, ainsi que 25 professionnels. Nous étions donc 35 dans l’effectif présélectionné pour la France. J’ai eu ma chance et je l’ai saisie : j’ai finalement fait partie du groupe des 22. »
Pas de différence
Sorti de l’anonymat quasiment du jour au lendemain, N’Do est ensuite titularisé en France aux côtés d’icônes du football national comme Raymond Kalla, Rigobert Song et Patrick M’Boma. Il dispute tous les matches de la campagne des Lions indomptables, qui affrontent en phase de groupes l’Autriche, le Chili et l’Italie, finaliste de la précédente édition. N’Do découvre et apprend à vitesse grand V. « La plupart des joueurs de cette équipe n »avaient jamais entendu parler de moi lorsque j’ai été appelé », précise-t-il en éclatant de rire. « Mais le football, c’est avant tout du plaisir, pour les joueurs et pour les spectateurs. Je ne ressentais aucune pression. Je ne voulais pas être écrasé par l’enjeu. Je n’étais pas obsédé par la réputation de l’adversaire. Je voulais jouer au plus haut niveau, c’est-à-dire à la Coupe du Monde. Quand le moment est venu, je n’avais qu’une chose en tête : en profiter à fond et jouer le mieux possible. Pour moi, ça ne différait en rien d’un match entre amis. »
Il faut croire que 20 ans après, et malgré la différence de cadre, rien n’a changé dans sa philosophie. « Tous les matches sont les mêmes pour moi et jouer pour Achill est exactement la même chose que de jouer en Coupe du Monde, parce que je fais la même chose », estime-t-il calmement. « Je suis le même joueur. La seule différence est qu’il n’y a pas 35 000 personnes dans les tribunes ! »