Elément clé dans le maintien de Reims, Benjamin Moukandjo a vécu sa saison dans la peau d’un joker de luxe. Un statut qui lui pèse, forcément.
«Comment avez-vous vécu cette saison galère où Reims a lutté jusqu’au bout pour son maintien ?
Avec vingt-huit points à la trêve, on aurait pu espérer se maintenir beaucoup plus facilement. On a vécu des choses vraiment difficiles. Reims est un club qui lutte pour se pérenniser et s’installer un peu plus dans le Championnat de France. C’est un club historique qui mérite sa place dans l’élite.
Le remplacement de Jean-Luc Vasseur par Olivier Guégan a-t-il été la clé de ce redressement ?
Oui, c’est vrai. Le président l’a fait pour créer un électrochoc. Aujourd’hui, comme on est sauvés, on peut dire que cela a marché. Mais je pense que c’est surtout nous les joueurs qui avons pris conscience de la situation. Aucun n’avait envie de se retrouver en Ligue 2. Les changements d’entraîneurs ne fonctionnent pas à tous les coups. Ceux qui ont la solution, ce sont les joueurs.
Considérez-vous avoir inscrit le but le plus important de la saison lors de la victoire (3-2) face à Evian à la 36e journée ?
Oui, je le pense. On a pris trois points importants qui nous ont permis de prolonger notre bail en L1. Et puis, on a enfoncé notre adversaire direct. C’était un match assez difficile. J’étais remplaçant pendant ce match. Quand on l’est, on n’est pas content. Mais il faut vite se plonger dans le match. Du banc, j’ai eu la possibilité d’analyser le jeu d’Evian, et notamment les failles défensives. Je suis entré à l’heure de jeu, on était menés deux buts à un. J’ai mis beaucoup d’envie, et j’ai fait basculer le match en notre faveur. Et puis, il y a eu aussi le boulot de David N’Gog et ses deux buts. C’est dans les moments difficiles qu’on voit les très bons joueurs.
Cette performance contre Evian est à l’image de votre saison durant laquelle vous avez gagné le surnom de « supersub », à l’instar d’Ole Gunnar Solskjaer avec Manchester United. Vos huit buts (en 18 titularisations) ont rapporté seize points à Reims. Avez-vous apprécié ce rôle d’intermittent ?
Honnêtement, je ne l’ai pas aimé. En début de saison, je me disais que j’avais fait le nécessaire pour gagner la confiance, et devenir un titulaire à part entière. Mon agent m’a beaucoup parlé à cette période-là et me disait que le plus important n’était peut-être pas d’être dans le onze entrant mais plutôt de voir ce que je pouvais apporter à Reims. Avec le recul, je me dis qu’il vaut mieux jouer dix matches et marquer dix buts qu’un but en 100. Comme on dit, j’ai fait les stats, et dans le football moderne, c’est qu’on regarde…
«Peut-être que je ne suis pas assez marketing…»
Avez-vous exprimé votre mal-être auprès de vos coéquipiers ?
Intérieurement, j’ai souffert. Mais je n’ai jamais partagé cette souffrance avec les membres de l’équipe. Je n’ai pas été un élément déstabilisateur. Quelque part, je crois que j’en sors grandi car je suis resté professionnel.
Cette saison, on vous a vu sur les côtés et en pointe. Qu’est-ce que vous préférez ?
Aujourd’hui, je me sens mieux plus près du but. J’ai été formé dans l’axe au Cameroun. Quand je suis arrivé à Rennes, on m’avait mis sur un côté. Au début, je me plaignais et j’appelais mon agent tous les jours: «Je ne peux pas jouer sur les ailes, ça demande beaucoup d’efforts, c’est trop difficile etc…» Mais j’ai tenu. C’est une force dont je suis fier. Je peux jouer partout sur le front de l’attaque. Je crois que c’est un plus parce que des profils comme le mien, il n’y en a pas beaucoup. Tactiquement, je suis rôdé, et je peux changer de position en cours de match.
Avez-vous l’impression d’être sous-côté ?
Honnêtement, je ne vois pas les choses comme ça. Je sais que j’ai réalisé une saison correcte, mais je pense que je peux faire mieux. Et puis, la médiatisation à outrance, je n’en ai pas envie. Peut-être que je ne suis pas assez marketing…
A un an de la fin de votre contrat, avez-vous envie de revivre une saison supplémentaire à Reims dans ce rôle de joker de luxe ?
Je pense d’abord au Stade de Reims et à son président Caillot qui m’ont fait confiance. Ils m’ont fait venir de Nancy et m’ont permis de réaliser cette saison. Après, on s’interroge toujours sur son avenir. Le bilan, on va le faire très prochainement. J’espère déjà qu’ils sont satisfaits de ma saison. Mais je ne resterai peut-être pas toute ma carrière à Reims. On a toujours envie de nouveaux challenges.
C’est-à-dire ?
Ont-ils envie de me garder ? Ont-ils confiance en moi ? Je ne peux pas me contenter d’être remplaçant. Je suis un compétiteur, j’ai besoin de temps de jeu et de confiance.»
Nabil DJELLIT