Stéphane Mbia a vécu un début de saison mouvementé. Entre retard à la reprise de l’entraînement, en juillet, et blessure à un genou, en août, il a traversé cette entame comme une ombre. Titulaire contre Zilina (1-0) mardi soir, en Ligue des champions, Mbia, arrivé à l’OM à l’été 2009, avait jusque-là choisi de se murer dans le silence. Pour la première fois, le Camerounais (24 ans) a accepté hier d’évoquer longuement ses derniers mois. le papa de Kassandra, quatre semaines, se livre.
Comment vous sentez-vous aujourd’hui ?
Très bien, mais je suis un peu fatigué. Être papa m’a changé la vie. Ça risque d’être pénible, mais je dois faire la part des choses. J’ai du mal à me lever le matin, car ma fille pleure la nuit. Heureusement, j’ai pris une chambre à part.
Qu’est-ce que ce rôle de père a changé ?
J’ai des responsabilités. Dès la fin de l’entraînement, je pars m’occuper de ma fille, je change les couches, je donne le biberon. Un biberon de 120 ml, c’est six cuillères de lait et on secoue comme ça (il mime). J’ai eu un bon apprentissage (rires). Je maîtrise bien.
Vous maîtrisez plus les biberons que votre début de saison. Deschamps n’a pas toujours été très content de vous…
Non. Il m’a fait comprendre qu’il était énervé car j’avais des petits bobos, mais c’était lié aux trois mois d’attente de ma petite. Il m’a dit que c’était normal. C’était un peu dans la tête, j’appréhendais cette paternité, j’étais un peu stressé et ç’a amené des blessures.
Vos problèmes ont débuté en juillet. Deschamps vous a même dit que, si vous aviez un club, vous pouviez partir…
C’était sous le coup de la colère (sourire). Mais j’ai eu des problèmes importants en août. Je suis conscient de l’attente. Je veux revenir le plus vite possible et ça passe par la discipline. Je dois être à l’écoute de tout le monde.
Vous l’étiez moins en août ?
Je n’étais pas « à la ramasse », mais entre mon retard et mes problèmes extrasportifs, ce n’était pas facile.
Et vous vouliez voir votre salaire revalorisé ?
Non.
Au club, on le dit…
Je ne me suis jamais plaint. Je gagne bien ma vie.
Quels genre de problème extrasportifs aviez-vous ? Avez-vous d’ailleurs changé de conseiller ?
Il y a des choses qui n’ont pas été correctes à mes yeux, je l’ai fait savoir à monsieur Ralf (Ralf Isenegger), mon ancien avocat. On a eu des discussions très, très dures. Il était là pour prendre ce qu’il avait à prendre. Mais dans la vie de tous les jours, j’ai besoin qu’on gère mes impôts, le fisc… tout ce qui est du domaine de l’extrasportif. Je voulais quelqu’un de présent. Moi, mon métier, c’est footballeur. Tout ça a joué sur mon mois d’août. Je devais aussi m’occuper de mes frères, mes soeurs, faire venir mon père, ma mère… J’avais trop de choses dans la tête. J’étais un peu emporté (sic). Il y a aussi cette histoire de voiture. J’étais aux États-Unis quand l’accident est arrivé. Le coach m’a demandéce qu’il en était car j’ai été entendu par la police. Je suis aussi allé régler des problèmes au Cameroun. J’en avais avec le coach, qui a été très compréhensif. Maintenant, tout est derrière moi. J’ai un mental d’acier.
En interne, votre attitude a irrité des joueurs…
Personne ne m’a rien dit. Je suis à 200% à l,entraînement. On n’a jamais douté de mon professionnalisme.
Avez-vous eu des touches cet été ?
Tout à fait, j’en ai parlé avec le coach. je n’ai pas émis le souhait de partir de l’OM. Le plus important, c’est de conserver notre titre. Après, des clubs m’ont approché. Le coach voulait absolument que je reste. Le fait de ne pas être parti dans un grand club comme le Real, Manchester, qui m’ont approché, ce sont aussi des leçons à retenir.
Vous leur faites encore envie ?
Oui, on est toujours en contact. Ils m’appellent regulièrement, mais le plus important, c’est Marseille.
Vous sentez-vous redevable envers l’OM ?
Je dois beaucoup à ce club. Si je suis à ce niveau, c’est grâce à l’OM. Et les supporters sont très cool avec moi car ils savent que je mouille le maillot.
Quel rapport avez-vous avec Deschamps ?
J’ai toujours été proche de mes coaches. Il me conseille, prend des nouvelles de ma petite. C’est le chef, il décide. Je ne suis pas un tricheur, je bosse même quand je ne suis pas bien dans ma tête. Il voit mon investissement. Il me dit de faire attention, m’a fait comprendre aussi que maîtriser deux postes, derrière et au milieu, ce serait un plus dans ma carrière. Je deviendrais plus sobre, plus intelligent.
Prenez-vous enfin du plaisir derrière ?
Honnêtement, ce n’est pas évident. Techniquement, je suis bien, je suis intelligent aussi. Et j’ai la chance d’avoir Souleymane Diawara à côté. Donc c’est facile par rapport au milieu, où je fais plus de courses. J’y trouve difficilement mon compte. Je suis un peu à l’écart du jeu, mais le plus important, c’est le succès du collectif.
Vous avez bien changé !
Je suis papa. Et le coach m,a travaillé l’esprit.
C’est un gourou ?
C’est un vrai bon gourou (rires). Il est comme mon deuxième papa ici, il m’apporte son expérience. Et le groupe est vraiment super.
Qui vient le plus vous parler ?
Presque tout le monde: Taïwo, « Gaby »…
Quelles sont vos relations avec Heinze ?
C’est: petit frère, grand frère. Il me donne des conseils. gaby, je le respecte énormément. Chaque fois que j’ai un souci, je l’appelle. Je l’ai même eu durant la Coupe du monde.
Votre attitude ne l’a pas énervé ?
Gaby énervé ? Non. Il est comme un parent. il gueule ? Je suis souvent d’accord avec lui. La veille du match contre Zilina, on a fait un petit jeu, le groupe était endormi et il a haussé le ton: « Les gars, faut rigoler ! » Il avait raison.
À votre image, on attendait mieux de l’OM…
La marque des grandes équipes, c,est la victoire. Plus on gagnera, plus on reprendra confiance. Le Championnat se jouera à la mi-mars et on sera présents. On croit aussi en notre qualification en Ligue des Champions.
Raphaël Raymond et Hervé Penot