Rare cadre à être resté à Lille, malgré des contacts à Lyon, Manchester ou Arsenal, Jean Makoun ne cache pas ses inquiétudes. Avec seulement trois recrues et beaucoup de jeunes, il s’attend à vivre une saison difficile. Déçu, le Camerounais veut croire que ses dirigeants savent ce qu’ils font.
JEAN II MAKOUN, avec le recul, comment expliquez-vous la fin de saison catastrophique du LOSC ?
J.M. : C’est difficile à expliquer. Même lorsque l’on revoit nos derniers matches, on s’aperçoit que l’on n’a jamais été dominé de la tête et des épaules. On a fait de bons matches mais il nous a manqué beaucoup de réussite. Après, le fait de plonger comme on l’a fait jusqu’à la 10e place, je ne me l’explique toujours pas. Avec l’effectif qu’on avait… Mais je pense qu’il n’y a que chaque joueur qui peut expliquer ce qui s’est passé dans sa tête. Pourtant, même quand c’était difficile, on a toujours bien vécu ces choses ensemble.
On a parfois dit que quelque chose s’était cassé après votre élimination à Manchester en Ligue des Champions…
J.M. : Non, je ne pense pas. On a été éliminés en Ligue des Champions mais on avait enchaîné par un bon résultat à Lorient (0-0). Ensuite, on recevait deux fois et on espérait se relancer. Malheureusement, on a perdu deux fois à domicile (contre Le Mans et Valenciennes, 0-2). Je crois que ça a été un gros coup d’arrêt pour nous. Ces deux défaites nous ont vraiment fait beaucoup de mal. Derrière, on n’a pas su donner le dernier coup de collier pour pouvoir s’accrocher au wagon de tête. Et quand vous n’arrivez pas à vous accrocher, ça n’est pas évident par la suite. C’est ce qui nous est arrivé.
Cette fin de saison est-elle digérée à présent ?
J.M. : Oui, c’est fini. Même si on n’a jamais baissé les bras et qu’on a continué de jouer à fond, à un moment donné, on savait que ce serait difficile. Mais cette saison est terminée. Je pense que c’est digéré. Maintenant, on pense à la prochaine.
Certains joueurs qui avaient la tête ailleurs sont partis. Est-ce la fin d’une époque au LOSC ?
J.M. : Je ne sais pas si ça a joué que certains joueurs aient la tête ailleurs. Après, est-ce que c’est la fin d’un cycle ? Peut-être… Je ne sais pas s’il faut dire les choses comme ça. Mais c’est vrai qu’il va falloir essayer de reconstruire beaucoup de choses parce que pas mal de joueurs importants sont partis et beaucoup de jeunes sont arrivés. Même si ces jeunes étaient déjà intégrés au groupe pro la saison dernière, ils ont pu voir comment ça se passait et certains ont même fait quelques apparitions. J’espère que ça va les aider et que ça aidera l’équipe. Mais faire une saison complète, c’est autre chose que simplement quelques matches.
Avez-vous le sentiment que Lille s’est affaibli cet été ?
J.M. : Oui, ça c’est sûr ! Il n’y aucun doute car on a quand même perdu des mecs qui possédaient beaucoup de talent et qui avaient quand même une certaine expérience en Ligue 1. Là, on prend des jeunes qui n’ont que quelques matches au compteur. Je suis un peu inquiet. C’est quand même la Ligue 1, il ne faut pas l’oublier. Il faut de l’expérience, savoir récupérer, savoir certaines choses. Il faut apprendre très vite entre les matches et les entraînements mais on n’a pas le temps. J’espère que le staff sera assez intelligent pour permettre à tout le groupe, pas seulement les jeunes, de se mettre rapidement dans le rythme de la Ligue 1.
Pourtant, avec ces ventes, le club dispose d’une enveloppe assez conséquente*. Espérez-vous encore des arrivées ?
J.M. : Ça, ça n’est pas à moi de vous répondre. On espère toujours avoir quelques renforts. C’est toujours bien pour un groupe. Ça motive, ça apporte de la concurrence et ça laisse tout le monde en éveil. Mais c’est aux dirigeants de régler ça. Pour l’instant, il n’y a eu que trois arrivées. Mais je pense qu’ils savent ce qu’ils font.
Vous vous attendez donc à vivre une saison difficile ?
J.M. : C’est évident. Il ne faut pas se voiler la face. On a perdu je ne sais pas combien de joueurs et on en a pris que trois, plus des jeunes qui sont plus habitués à jouer en CFA qu’en L1. Donc il ne faut se dire que ça va repartir tout seul. On sait que ce ne sera pas facile. Sans se le cacher, il va quand même falloir s’accrocher et reconstruire toute une équipe cette saison. Le plus difficile, ce sera de retrouver un collectif. Depuis pas mal de temps, c’est la grande force du LOSC. Et il faudra surtout bien démarrer la saison pour ne pas commencer à se poser des questions très tôt.
Selon Claude Puel, Lille repart dans un cycle de trois ans. Mais ne craignez-vous pas que cette saison marque un frein au développement du club ?
J.M. : Ça, il n’y a que le temps qui pourra nous le dire. J’espère que ce ne sera pas le cas. Par rapport à notre envie de grandir, si le club a laissé partir tout le monde, je pense que les dirigeants savent pourquoi. Mais il faut tout reconstruire. Ça ne se fera pas du jour au lendemain avec l’intersaison agitée que l’on a connue. Il va falloir que tout le monde trouve ses marques, que les jeunes entrent dans le grand bain de la Ligue 1 pour ensuite revivre de grands moments comme ceux que l’on a vécus en Coupe de l’UEFA ou en Ligue des Champions. Mais si on arrive à être la surprise de la saison, ce serait pas mal !
Vous a-t-on fixé des objectifs ?
J.M. : Pas encore. J’espère qu’on se réunira bientôt tous ensemble et qu’on se fixera des objectifs. Est-ce qu’on peut retrouver la Ligue des Champions ? Avec tout ce qu’on a perdu comme joueur et tout ce qu’il va falloir acquérir dans la saison, j’ai du mal à l’imaginer pour l’instant.
Finalement, vous êtes l’un des rares cadres à ne pas être parti…
J.M. : C’est vrai que ça fait réfléchir de voir tout le monde partir et de se dire : « Oh, comment on va faire ? ». Mais j’ai pleinement confiance en tous ces jeunes et tous les nouveaux. J’espère que ça se passera bien pour eux, mais aussi pour moi et le club. J’espère qu’on pourra s’accrocher et qu’on ne vivra pas une saison cauchemardesque.
Rester à Lille, c’était un choix ?
J.M. : J’ai discuté avec les personnes qui s’occupent de moi et mes dirigeants. Bon, c’est vrai que je ne m’attendais pas à ce que tout le monde parte comme ça… Mais ça ne me dérange pas. Chacun gère sa carrière comme il veut. Je pense que le club est assez sage pour savoir pourquoi il a laissé partir tout le monde. Personnellement, j’ai discuté avec le coach. Il a envie de faire de certains joueurs des rampes de lancement pour tous ces jeunes, et je pense en faire partie. Même si ça ne garantit pas une excellente saison. Les paroles ne peuvent pas garantir les résultats. Comme être le leader ne vous garantira pas d’être le meilleur dans une saison. Mais être assuré d’être l’un des leaders de l’équipe, ça reste un beau challenge. On a discuté et on a décidé de repartir ensemble. Mais je fais confiance au club. J’espère que tout le monde y trouvera son compte et que l’on fera quand même une belle saison.
On vous sent très déçu par votre situation…
J.M. : Oui, parce qu’on était en train de grandir. Depuis quatre ans, on disputait quand même les Coupes d’Europe. On a aussi un grand stade qui va arriver. Pour arriver dans un grand stade, il faut une grande équipe pour pouvoir disputer pourquoi pas la Ligue des Champions. Ça ne veut pas dire qu’on ne peut pas le faire avec notre groupe mais on sait que ça ne sera pas facile. On espère toujours que nos anciens, nos cadres ou notre collectif ne bougent pas trop pour avoir des ambitions plus élevées. Même si je pense qu’on gardera quand même des ambitions cette année. Mais il ne faut pas se voiler la face. C’est sûr que ça n’aurait pas été pareil si on avait conservé tous ceux qui sont partis.
Pour vous, cela voudra dire plus de responsabilités cette saison ?
J.M. : C’est sûr. Il va falloir prendre certaines choses en main et assumer un peu plus de responsabilités. Sans toutefois se mettre la pression ou mettre la pression sur qui que ce soit.
Regrettez-vous tout de même d’être resté ?
J.M. : Non, non, pas du tout. Si je commence à dire que je suis déçu, j’aurais mieux fait de partir. J’avais des contacts très, très sérieux. Il y avait Lyon, Manchester United. J’ai vu les dirigeants d’Arsenal. Mais ça ne s’est pas fait et la saison est repartie. Moi, je ne veux surtout pas avoir de regrets si jamais il y avait des difficultés pendant la saison. Surtout pas. Si ça ne se passe pas bien sportivement, il faudra se dire que ça peut arriver et s’accrocher pour repartir du bon pied. Ces contacts, c’est flatteur mais je suis à Lille à 100 %.
Cette année, il y aura aussi la CAN avec le Cameroun…
J.M. : Oui. D’ailleurs, je pense que le fait que ce soit une année de CAN a aussi pas mal joué (dans le fait qu’il soit resté à Lille, ndlr). Mais la CAN c’est une chose, le championnat en est une autre. On verra. La CAN, c’est dans six mois. On a le temps de débuter la saison et donner d’abord tout ce qu’on a pour le club. Il nous reste un match mais on est déjà qualifiés.
* Avec les ventes de Mathieu Bodmer, Kader Keita, Mathieu Chalmé, Stathis Tavlaridis et Peter Odemwingie, Lille a récolté environ 40 millions d’euros, auxquels il faut ajouter 25M pour les droits télé et 18M pour les primes de la Ligue des champions.
Propos recueillis par Anthony PROCUREUR