A peine le ticket pour le troisième et dernier tour qualificatif à la Coupe du monde 2018 est-il acquis que l’on évoque l’arrivée éventuelle d’un nouveau sélectionneur sur le banc de touche des Lions indomptables. Avec comme favoris des « sorciers blancs » qui n’ont plus rien à prouver.
Par Jean Marie NZEKOUE
Trois mois et pas plus. Voilà le délai imparti au début du mois de novembre 2015 par le Ministère des Sports et de l’Education physique à la Fédération camerounaise de football (FECAFOOT) pour trouver un sélectionneur définitif aux Lions indomptables, en remplacement de Volker Finke précédemment limogé par ses employeurs. Alors que l’échéance s’approche à grands pas, les spéculations vont bon train sur l’identité du prochain coach des quadruples champions d’Afrique. Des rumeurs distillés, non par une voix audible, autorisée et identifiable, mais par le biais des réseaux sociaux et d’autres supports médiatiques dont on a du mal à décrypter les intentions réelles ou supposées. Depuis le début du mois de décembre, le sujet fait la « une » de plusieurs médias, de presse écrite comme de l’audio-visuel.
Trois noms reviennent ces derniers temps avec insistance aux devants de l’actualité : les Français Hervé Renard, ancien sélectionneur de la Côte d’Ivoire et Claude Leroy, qui a déjà occupé la même fonction à deux reprises : le Serbe Milovan Rajovac, ancien sélectionneur du Ghana, entre autres.
A s’attarder sur certaines manchettes, tout se passe comme si ce fauteuil, aussi convoité qu’éjectable, était resté vacant depuis le départ de l’ex-sélectionneur allemand. Il est pourtant occupé depuis lors, à titre intérimaire, par un nouveau venu. C’est vrai que le séjour d’Alexandre Belinga sur le banc des Lions est toujours considéré par certains observateurs comme une simple parenthèse appelée à se refermer aussi vite qu’elle a été ouverte. Pourtant, les premiers résultats plaident pour plus de circonspection. Même si la prestation d’ensemble de l’équipe nationale laisse encore à désirer, la victoire et le nul face au Niger constituent des motifs d’espoir dans la perspective d’un réveil définitif.
Pour la première fois depuis bien longtemps, les Lions ont marqué plus d’un but par match sans en encaisser. Cet « exploit » est toutefois loin de convaincre les sceptiques pour qui les jours du staff actuel sont comptés. Ils se fondent pour cela sur certains éléments d’information diffusés notamment sur Internet, faisant état d’un recrutement imminent du « vrai » sélectionneur des Lions. Les rumeurs au sujet du recrutement d’un nouveau sélectionneur se sont amplifiées depuis le départ pour l’Europe de Tombi à Roko, le président de la Fecafoot. Bien qu’il officiellement en mission de prospection dans le cadre d’un renforcement des effectifs chez les Lions, le passage de l’intéressé à Nuremberg, le siège de la firme Puma qui est l’équipementier des Lions, constitue pour certains une preuve tangible des tractations en cours quand on sait que l’avis de Puma a toujours été décisif dans le choix définitif du sélectionneur des Lions : depuis l’époque des Clemente, Arthur Jorge, Schaffer, Volker Finke, etc. Désormais en charge de la gestion de l’équipe nationale, la Fecafoot possède certainement ses propres critères pour dénicher l’oiseau rare. A condition que cela se fasse en toute objectivité et transparence.
« chômage technique »
Car à bien y regarder, ce n’est pas tant la personnalité ou les états de service des candidats pressentis pour entraîner les Lions qui pose problème, mais plutôt le timing et surtout cette impression de vouloir avancer en opérant un retour vers l’arrière. Outre le fait d’avoir déjà officié à la tête de plusieurs sélections africaines, ces techniciens ont en commun le fait d’être en situation de « chômage technique » ou presque. Auréolé du prestigieux titre de champion d’Afrique (CAN 2015 ) avec les Eléphants, Hervé Renard qui avait déjà triomphé avec la Zambie, voulait sans doute franchir un nouveau palier en coachant un club professionnel de la Ligue 1 française. Mal lui en a pris puisqu’il vient d’être limogé pour défaut de résultat, par l’équipe de Lille. Quant à Claude Leroy, après s’être prévalu des titres de « sorcier blanc » et de « spécialiste du football africain » au Cameroun, au Sénégal, au Ghana, en RDC ou au Congo, il vient de se voir renvoyer à ses chères études par ce pays voisin pour des motifs qui restent à élucider. Le plus curieux c’est l’instance de l’intéressé à relancer sa carrière et d’y mettre un terme au…Cameroun où il a commencé il y a plus de 30 ans. Le récent entretien accordé à la chaîne cryptée Canal+ apparait pour beaucoup d’observateurs comme un appel du pied à l’endroit des nostalgiques d’une ère que l’on croyait pourtant révolue. Pour un futur coach le pari n’est-il pas risqué de faire en 2015 des promesses mirobolantes au sujet d’une éventuelle victoire à la CAN 2019 alors que l’horizon semble encore bouchée par de nombreux préalables ?
Partout dans le monde, les sélections nationales sont à la recherche du sang neuf, tant au niveau des joueurs de champ qu’à celui de l’encadrement technique. Même dans les grands pays de football qui nous servent de référence, une page fermée est rarement réouverte par la suite. Malgré leurs états de service antérieurs, on verrait d’un mauvais œil le retour d’un Aimé jacquet sur le banc de touche de l’Equipe de France, d’un Javier Clémente en Espagne, d’un Zagalo au Brésil ou d’un Beckenbauer en Allemagne.
Le plus gênant aux yeux de certains observateurs c’est de nous faire croire dans le cas de l’Afrique que les « sorciers blancs » sont des faiseurs de miracle, capables de transformer tout vulgaire pièce métallique en or pur. Contrairement aux nationaux, les sélectionneurs d’origine étrangère jouissent d’un préjugé favorable auprès d’une certaine opinion publique qui les jugent plus « objectifs » dans leurs choix et moins manipulables que des nationaux parfois tentés par les pulsions tribalistes ou le monnayage en sélection. Qui croire ?
Toujours est-il que les expatriés ne sont pas toujours exempts de tout reproche. Avec le recul, force est de constater que beaucoup de « sorciers blancs » se sont plus servis des sélections nationales africaines comme tremplin pour accéder à la notoriété et enrichir un palmarès jusque là désespérément vide. « S’ils étaient si décisifs et incontournables, comment expliquer qu’aucun de ces « grands entraineurs » ne soit parvenu à rééditer l’exploit ailleurs. Depuis son départ du Cameroun, Claude Leroy n’a plus goûté la joie de soulever une Coupe d’Afrique des nations, ni avec le Sénégal, ni avec le Ghana, ni avec la RDC. Hervé Renard vient d’être renvoyé de Lille, idem pour Paul Le Guen qui a perdu son poste de sélectionneur d’Oman dans le Golfe persique », observe avec dépit l’entraineur d »un club de football Elite 1.
« Vielles recettes »
Aussitôt parti de la Côte d’Ivoire, Renard est tombé de son piédestal. Il n’est d’ailleurs pas exclu que tous ces techniciens rebondissent de la façon la plus spectaculaire, mais aux yeux de plusieurs observateurs patentés, ce serait une bonne surprise plutôt que la règle. Interrogé récemment sur une chaine télévisée, un ancien lion a même estimé que « le football a évolué depuis trente ans, le contexte a changé et il ne semble pas indiqué de regarder vers l’arrière, mais plutôt vers l’avant ». et d’ajouter qu’un sélectionneur relativement jeune, bien formé, à cheval sur des principes et ambitieux est de loin préférable à un technicien expérimenté mais usé par l’âge et sans projection manifeste. Comme pour dire qu’en football comme dans d’autres domaines, l’application des mêmes vieilles recettes n’est pas toujours un gage de succès. Un avis que ne partagent pas certains inconditionnels qui continuent à croire que la seule présence d’un « sorcier blanc » suffirait aux Lions pour remporter leur cinquième trophée continental.
Sans vouloir établir l’ordre des priorités, certains observateurs estiment que la recherche d’un « sélectionneur définitif » devrait aller de pair avec la quête des solutions urgentes aux problèmes récurrents qui continuent de pourrir l’ambiance dans les vestiaires et en dehors. Car il a été prouvé à maintes reprises que le meilleur entraineur du monde ne peut rien tirer de bon d’une équipe médiocre ou engluée dans des querelles sans fin. A titre d’exemple, le retour à plus d’apaisement et de sérénité en ce qui concerne le dossier de l’élection à la Fecafoot devrait constituer une priorité absolue avant toute chose, car la bonne santé (retrouvée) des Lions en dépend. Si ces rumeurs persistantes au sujet d’un nouveau sélectionneur des Lions venaient à se confirmer, les adeptes d’un renouvellement en profondeur du football camerounais et africain en général, dans ses structures, son fonctionnement comme dans ses hommes, verraient sans doute dans le retour de certains « vieux chevaux » un aveu d’échec doublé d’une sorte d’inertie paralysante. En attendant, il faudrait clarifier, au plus vite, avec tact et franchise, la situation de l’équipe technique en poste.