À 27 ans, Carlos Idriss Kameni a déjà connu plus de tribulations que la normale des joueurs de sa génération. L’an dernier, celui qui avait connu une séquence de quatre ans devant les filets des Lions comme titulaire indiscutable dans le but du Cameroun a dû suivre la première Coupe du Monde de la FIFA organisée sur le sol africain depuis le banc des remplaçants.
Fort de ses précédents douze départs tout au long de la compétition préliminaire, le portier de l’Espanyol Barcelone ne pouvait que s’attendre à se voir renouveler la confiance.
Finalement, de numéro un, il n’aura que le maillot, Paul Le Guen lui préférant Hamidou Souleymanou au dernier moment. « C’était une expérience très difficile », reconnaît-il aujourd’hui dans un entretien exclusif accordé à FIFA.com. « Personne n’aime se retrouver sur le banc. Mais pour moi, c’est du passé. Aujourd’hui, je suis de retour. »
Après avoir été laissé de côté pour les deux premiers matches officiels du Cameroun au lendemain du mondial, Kameni a été rappelé par Javier Clemente au mois de mars, pour affronter le Sénégal. Malgré la défaite 0:1 à Dakar, le gardien s’estime satisfait de la performance de ses coéquipiers. « Nous avons perdu, mais nous avons bien joué. Personnellement, je pense que nous avons livré un excellent match. Nous nous sommes procuré plus d’occasions que les Lions de la Teranga mais nous avons manqué de réussite », poursuit-il, sans doute en référence au but inscrit dans le temps additionnel par Demba Ba.
“Moi, je crois que les critiques permettent d’avancer. Nous avons fait des erreurs, nous en commettrons d’autres. C’est dans la difficulté qu’on apprend”.
« C’est terrible de perdre dans ces conditions », concède Kameni, rappelé en sélection après un décevant match nul (1:1) face à la RD Congo. « Je sais que nous pouvons faire bien mieux. Avant le match, tout le monde nous considérait comme des perdants. On disait que nous allions en prendre trois ou quatre. Pourtant, à la pause, je peux vous dire que les Sénégalais n’en menaient pas large. Tout peut arriver lors du match retour à Yaoundé. »
À l’heure actuelle, le Cameroun est encore loin d’avoir son billet pour la phase finale en poche. Cependant, Kameni veut croire que ses coéquipiers seront du voyage au Gabon et en Guinée Équatoriale. « Il faut penser positif ! Moi, je crois que les critiques permettent d’avancer. Nous avons fait des erreurs, nous en commettrons d’autres. C’est dans la difficulté qu’on apprend. »
Une ascension météorique
L’ascension du natif de Douala commence en 2000, lorsqu’il intègre à la surprise générale la sélection olympique camerounaise qualifiée pour les Jeux de Sydney. Le jeune homme, alors âgé de 16 ans, ne s’attend pas vraiment à prendre part à la compétition et, de fait, Jean-Paul Akono fait confiance à l’expérimenté Daniel Bekono au premier tour. Mais en quart de finale, le sélectionneur crée à nouveau la surprise en titularisant le jeune Kameni contre le Brésil. Réduits à neuf pendant l’intégralité de la prolongation, les Camerounais inscrivent un but extraordinaire pour l’emporter 2:1. À l’autre bout du terrain, Kameni multiplie les interventions de grande classe.
Celui que l’on surnomme Caka (à cause de ses initiales) conserve sa place pour l’affiche contre le Chili en demi-finale, remportée 2:1 par les Lions Indomptables. Au tour suivant, le jeune homme entre définitivement dans la légende en arrêtant un penalty espagnol en première mi-temps. Quelques minutes plus tard, son équipe remporte la médaille d’or au terme de l’épreuve des tirs au but. Ce jour-là, Kameni devient le plus jeune joueur de l’histoire à remporter le Tournoi Olympique de Football Masculin.
Avec son club du Havre, les choses sont plus compliquées. Arrivé en Normandie en 1997, le jeune prodige peine à s’adapter à son nouvel environnement. International depuis 2000, le portier se retrouve rapidement avec davantage de sélections que d’apparitions sous le maillot du club doyen. En 2002, l’Allemand Winfried Schaefer le convoque pour disputer la Coupe d’Afrique des Nations de la CAF et la Coupe du Monde de la FIFA. Toutefois, le jeune homme doit se contenter de suivre les deux compétitions depuis le banc de touche.
Un an plus tard, il s’impose comme titulaire et prend part à la Coupe des Confédérations de la FIFA. Cette année-là, les Lions Indomptables imposent de nouveau leur loi au Brésil et s’adjugent la deuxième place du tournoi. S’il multiplie les exploits au niveau international, le Camerounais ne parvient toujours pas à se faire un nom en France. Les dirigeants havrais l’envoient en prêt à Saint-Étienne, sans que celui-ci ne parvienne à se défaire du costume de simple doublure.
N’Kono à la rescousse
Wolverhampton s’intéresse de près à son cas, mais Kameni ne parvient pas à obtenir un permis de travail en Angleterre. C’est à cette époque que Thomas N’Kono décide d’intervenir. Vétéran des Coupes du Monde de la FIFA 1982 et 1990, l’ancien portier international occupe alors les fonctions d’entraîneur des gardiens à l’Espanyol Barcelone, un club dont il a lui-même porté les couleurs entre 1982 et 1991. Convaincu du talent du jeune homme, N’Kono convainc ses dirigeants de le recruter en 2004.
Depuis, l’ancien Havrais a accumulé plus de 200 apparitions en Liga, confirmant enfin les qualités que les fans des Lions Indomptables lui connaissaient depuis longtemps. « J’ai de la chance d’évoluer dans le meilleur championnat du monde. Je chéris chaque minute que je passe sur le terrain », affirme-t-il aujourd’hui.
Compte tenu de son jeune âge, Kameni peut légitimement espérer surpasser son mentor N’Kono, aussi bien club qu’en équipe nationale. À moins qu’un géant européen ne décide de l’arracher à sa vie catalane… D’aucuns n’hésitent pas à affirmer que le grand Alex Ferguson penserait à lui pour prendre le relais d’Edwin van der Saar à Manchester United. Un transfert vers l’un des plus grands clubs de la planète marquerait sans doute un nouveau tournant dans une carrière qui ne manque jusqu’ici pas de piquant.
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