Il y a forcément pensé au moment où le panneau de M. Derche, quatrième arbitre du match Sedan – Le Havre comptant pour la 23e journée du championnat de Ligue 2 de la saison dernière annonçait l’entrée en jeu du numéro 7 se¬danais. A ses frustrations, à cette découverte du football professionnel qui s’est tant fait attendre, à ses coéquipiers qui avaient trouvé un port d’attache pendant que lui attendait…
Peu importait alors que ce soit une saison de transition pour les Sangliers qui n’avaient pas digéré leur descente en Ligue 2, que le stade Louis Dugauguez soit à moitié vide et « ce froid glacial auquel (il) n’était pas habitué », Marcus Mokake foulait enfin les pelouses d’un championnat européen.
Le temps a en effet paru long à ce joueur qui a trusté toutes les récompenses individuelles dans son pays depuis qu’il a terminé sa formation à l’école des Brasseries du Ca¬meroun qui a produit tant d’internationaux. Meilleur joueur de la finale de la. Coupe nationale en 2001, Crack d’Or (meilleur joueur du championnat) en 2000 et 2003, il n’avait plus rien à prouver sur le plan local. Mais le championnat camerounais n’est plus la vitrine qui permettait dans les années 1980 aux joueurs tels George Weah, James Debbah ou François Omam-Biyik de signer des contrats en Europe. J’ai effectué plusieurs essais dans des clubs, notamment en Turquie à Denilsizport, mais à chaque fois, il y avait un problème.
Il faut dire que je souhaitais intégrer une équipe où l’on me ferait confiance et pas un centre de formation. J’avais confiance en mes moyens, et je me disais que mon tour allait finir par arriver »
C’est l’équipe nationale qui va lui permettre de se faire remarquer. Sélectionné dans toutes les catégories de jeunes, il va conduire une formation constituée de joueurs locaux à la victoire aux Jeux afri¬cains d’Abuja (Nigeria), qu’il terminera comme meilleur joueur et meilleur goleador, inscrivant notamment les deux buts de la finale gagnée contre le pays organisateur. Alertés par ses performances durant cette quinzaine, les dirigeants sedanais eurent l’occasion de se faire une idée plus précise sur la qualité de l’attaquant lors du match disputé en l’honneur de Marc-Vivien Foe le 11 novembre dernier à Lyon. La carrière de Marcus prend alors la direc¬tion des Ardennes. « J’avais été contacté après les Jeux afri¬cains, mais les dirigeants seda¬nais souhaitaient me voir à l’oeuvre. J’ai demandé conseil à mes coéquipiers, notamment Modeste Mbami qui m’a dit du bien du club et de ses installations. Comme ils me promettaient du temps de jeu et que je pouvais compter sur mon compatriote Pierre Njanka pour faciliter mon adapta¬tion, je n’ai pas hésité. Le challenge sportif étant plus important que l’aspect financier ». Mokake rejoint donc les Sangliers, un contrat professionnel en poche, pendant le mercato au début de l’année 2004.
Comme tout au long de sa carrière, Marcus Mokake se fait rapidement remarquer en inscrivant un but lors de sa première titula¬risation, une semaine seulement après avoir débuté sous ses nouvelles couleurs. Hasard ou coïncidence ? Toujours est-il qu’il inscrit ce but dans le chaudron de Saint-Étienne, le 14 février, jour de la finale de la dernière Coupe d’Afrique des Nations, compétition où l’équipe du Cameroun avait abandonné son titre et dont il avait été exclu, déclen¬chant de larges polémiques sur la non-re¬connaissance des joueurs locaux par la sélection. Ces polémiques avaient fini par entraîner son rappel comme vingt-troi¬sième homme, devant se tenir prêt au cas où…
Seize matches, trois buts et un changement de coach après ses débuts sous ses nouvelles couleurs, le jeune joueur a réussi son adap¬tation. Il est désormais titulaire, profitant de sa polyvalence. Se définissant comme « un numéro 10 ou un deuxième attaquant chargé de balayer le front de l’attaque », il évolue désormais dans le couloir droit depuis l’arrivée de Serge Romano aux com¬mandes de l’équipe. « Le changement d’entraîneur a apporté une modification tactique, M. Romano préférait que j’évolue sur le côté, ce qui me donne plus de travail défensif, mais me permet également de pro¬gresser tactiquement ».
Joueur de taille moyenne (1,68m), doté d’une bonne technique individuelle, et d’une bonne vision du jeu, il ne regrette qu’une chose pour sa première saison fran¬çaise, « que Sedan n’ait pas pu retrouver la Ligue 1. Nous avons fait tout notre pos¬sible, mais nous avions laissé trop de points en début de saison. C’est dommage, car il y a tout ici pour que nous retrouvions le niveau supérieur». Cette entame terminée, il espère maintenant « confirmer avec Sedan l’année prochaine à titre individuel et retrouver l’élite avec le club » Son autre ambition est de gagner un temps de jeu plus important avec la sélection nationale en pleine reconstruction
Un défi de plus pour l’enfant de Limbé, qui part de plus loin que ses concurrents Pierre Boya, Mohammadou Idrissou ou Herve Tum (…) Voilà une mission à priori à la portée de ce joueur qui a choisi de construire patiemment sa carrière, sans brûler les étapes : D2, Dl camerounaise, Champions League de la CAF, sélection « Espoirs », Ligue 2 française.
Propos recueillis par Laurent Amilcar, FootAfrica