Il n’y a pas eu de match hier soir au Camp Nou, où le Barça a laminé le Bayern avec une
déconcertante facilité.
Une mi-temps a suffi aux
Espagnols pour faire
valoir l’extraordinaire
addition de leurs talents
individuels et de leur brio
collectif. Trop diminués,
les Allemands n’ont pas
fait le poids. Ils sont
d’ores et déjà hors
course.
Il n’arrive pas tous les jours
qu’un match respecte à ce point, et
presque jusqu’au moindre détail, les
prévisions et qu’il se coule avec
autant d’exactitude dans le moule
des forces et des faiblesses annoncées.
C’est pourtant bien ce qui s’est
passé hier soir au Camp Nou où le
Barça a nettoyé le Bayern d’un revers
de manche, comme on débarrasse
une nappe de ses miettes. La déconcertante
facilité avec laquelle les
Espagnols ont d’ores et déjà acquis
leur place en demi-finales fut la chronique
annoncée d’un rendez-vous
trop inégal pour que soit épargnée
au Bayern une première mi-temps où
tout aura été écrit dans les fulgurances
catalanes. Le Barça n’a pas eu
besoin de plus que ça. Il a ensuite tranquillement cheminé vers le
terme, accélérant de temps en temps
mais en n’y mettant plus vraiment le
dernier coup de reins. Sans quoi le
Bayern serait revenu d’Espagne avec
la claque du siècle.
De l’aube à la nuit de ce mercredi
couvert par les nuages, le désastre
n’aura cessé de se glisser dans la vie
du Bayern. Bien avant que ne débute
la farandole finale, le forfait de Phillip
Lahm, dont la contracture à un
mollet s’était réveillée au saut du lit,
s’inscrivait déjà dans une suite interminable
d’ennuis. Lucio, Van Buyten,
Klose déjà hors course, il ne
manquait plus que ça : la défection
du meilleur défenseur du Bayern, le
seul qu’on pensait capable de dresser,
sinon un mur, au moins une
palissade sur le chemin de Lionel
Messi. Klinsmann renvoya donc Lell
côté gauche et se résigna, contre son gré on n’en doute pas, à titulariser
Oddo comme arrière droit. La surprise
du chef fut la confiance soudain
accordée à Hans-Jörg Butt à la place
de Michael Rensing dans la cage du
Bayern. Butt, cette saison, n’avait
joué qu’une fois, contre le Sporting
Portugal (7-1) pour une manière de
match de bienfaisance où il encaissa
un des deux tirs délivrés ce soir-là par
les Lusitaniens. Hamit Altintop, à
court de forme, était là aussi. À l’arrivée,
cela aura donné un 4-1-4-1 avec
Van Bommel devant la défense et
Ribéry, finalement à gauche.
Mais ici s’arrête le chapitre consacré
au Bayern qui disparut aussi vite qu’il
était apparu, ne se montrant même
pas à la hauteur dans la conquête du
ballon. Il fut d’une faiblesse sans
nom. Et que vouliez-vous que ça
donne d’autre que ce pur carnage
contre ce Barça-là, magnifique en
tous points de vue.
Et cela aurait pu être pire…
Barcelone s’est régalé de sa considérable
supériorité, et il nous a régalés.
Au Camp Nou, on voit les choses de
tout en haut et on s’est dit un
moment que si le Barça avait Piqué,
le Bayern, lui, avait les piquets. Au
grand complet, les Espagnols ont
tout mis dans un début de match au
cours duquel la défense allemande
vola en éclats. Le quart d’heure
n’était pas encore passé que le break
était fait. Deux fois, le Barça était
passé dans le dos de la ligne bavaroise.
Cela profita d’abord à Messi au
bout d’un enchaînement parti de
Thierry Henry et poursuivi par Iniesta
et Eto’o (9e), puis, comme on est
polis chez ces gens-là, à Eto’o servi à
son tour par Messi (13e), un nomprédestiné
en cette semaine sainte. À
droite, comme à gauche, et comme
dans l’axe d’ailleurs, Barcelone
s’enfonçait à sa guise. Fidèle à luimême,
patient dans son approche,
redoublant les passes, attendant que
l’adversaire bascule. Le Barça multiplia
les occasions mais Henry glissa,
terminant les crampons dans la
figure de Butt (22e), Eto’o était
contré par Breno de justesse (37e).
Ça ne pouvait durer plus longtemps.
Henry offrit à Messi le 3-0 (38e) avant
d’y aller de son intérieur du pied droit
habituel (43e).
À cet instant, on n’avait aucune nouvelle
d’Altintop, Schweinsteiger ou
Toni, bien sûr, qui voyait ça et là un
ballon passer au large. Le Bayern
aura tiré une fois au but en première mi-temps, par Ribéry (45e+ 1) mais
très loin du cadre. Les circonstances
et l’insouciance grandissante des
Catalans auraient pu permettre à
Zé Roberto, lancé par le Français, de
réduire le score si Puyol n’était revenu
comme une fusée (71e). Mais, en
face, par Iniesta ou Messi, dont la
frappe était déviée sur la barre par
Butt (59e), cela aurait pu être bien
plus grave. Marquez profita du
temps additionnel pour obtenir un
carton jaune lui évitant le voyage à
Munich mais qui garantit celui de la
demi-finale. Ribéry aura un peu tenté,
mais comment trouver à boire
dans un tel désert ? On l’a vu à lamitemps
sortir bras dessus bras dessous
avec Henry. Presque comme un
Barcelonais.
JEAN-MARC BUTTERLIN