Éric Djemba tente d’oublier une coupe du Monde manquée avec le Cameroun. Son esprit semble parfois ailleurs, ses jambes nulles part. Arrivé seulement depuis sept jours à Reith Seefeld, Eric Djemba Djemba s’avoue encore fatigué après une coupe du Monde qu’il a pourtant vécu sur le banc. Pour autant, le milieu de terrain récupérateur du FCNA se montre ambitieux à l’attaque de sa deuxième saison dans les rangs professionnels.
Dans son regard perce une note de lassitude. Lui revendiquait « du rab », les dirigeants n’ont pas obtempéré à ses désirs. « Quatorze jours de vacances, c’est peu. Il était normal que je réclame, les autres ont bien bénéficié de six semaines. Maintenant, il faut savoir se comporter en professionnel. Pour autant, c’est vrai, je suis encore un peu fatigué. » Là ou ses partenaires ont enchaîné mercredi huit séries de tests d’efforts, lui s’est contenté de la moitié. « Pour ne rien arranger, je souffre d’un début de tendinite au tendon d’achille gauche, suite à un changement de baskets. »
Évoquer avec Eric Djemba-Djemba la coupe du Monde, c’est un peu comme souffler sur les braises d’un foyer que l’intéressé tente peu à d’étouffer. « De mauvais souvenirs. Quand vous ne jouez pas la moindre minute alors que vous avez disputé pratiquement tous les matches amicaux, que vous devez parcourir douze heures de car pour une rencontre amicale, vous ne pouvez être que frustré. Quand on est resté sur la touche, on se sent toutefois moins fautif… » Le jeune milieu de terrain camerounais tempère son point de vue. « Il s’agissait tout de même d’une coupe du Monde. Quand on sait que bon nombre de joueurs accomplissent leur carrière sans en disputer une… » Car le voyage asiatique s’est voulu malgré tout instructif. « Ce Mondial m’a beaucoup apporté, notamment au niveau de l’expérience. Se frotter à l’Angleterre, l’Argentine ou le Danemark lors de la préparation et côtoyer au quotidien des joueurs plus expérimentés, laissent toujours une trace. Je suis certain que si les blessures ne viennent pas perturber ma progression, mon tour viendra, et très bientôt. »
Pendant un mois, le Lion Indomptable du Cameroun s’est donc effacé devant celui de la Téranga. L’Afrique s’est trouvé d’autres héros, qui prêchent eux aussi la fraternité et la convivialité… « Je n’ai jamais déclaré comme le prétend Jules Bocandé que l’équipe sénégalaise ne représentait rien du tout. Je ne pouvais pas faire cela à l’Afrique. Franchement, ils avaient faims, ils ont prouvé, c’est bien. Maintenant, certains de leurs joueurs m’ont déçu par leur propos. On n’a pas le droit de déclarer que le Cameroun est fort seulement sur le continent africain. Ils m’ont donné l’impression de ne pas avoir digéré leur défaite en finale de la C.A.N. On se doit d’être pros. »
Se muer en buteur…
De l’histoire ancienne pour celui que l’on surnomme encore là-bas Cantona. Le cadet de cette famille de dix enfants répartis en Arabie Saoudite, au Canada, en Côte d’Ivoire ou en France, s’est en effet tracé une route qui doit le conduire un jour en Espagne, en Italie ou plus sûrement en Angleterre. « Je suis attiré par ce championnat, c’est celui qui correspond le mieux à mes spécificités. Changer d’air, jouer dans un grand club, demeure à terme mon objectif. » Mature et nature, pimpant et bravache, bosseur et fondeur, Djemba-Djemba a conscience de passer les premiers écueils de sa carrière avec une extrême légèreté mais aussi d’attiser de plus en plus les regards. « J’ai conscience que les gens attendent aujourd’hui beaucoup de moi. Cela ne me fait pas peur, au contraire, cela me galvanise, me donne encore plus de tonus. »
Sans se départir de sa raison, ce jeune homme de 21 ans évoque son épanouissement. « Faire plus de matches que la saison dernière (Ndlr: il a joué 14 matches de D1) et obtenir une bonne place en championnat avec Nantes. L’équipe n’a guère changé, il faut simplement que l’on parvienne à se compléter avec la nouvelle génération. » Dans la peau d’un vieux, Eric Djemba voudrait que le solide récupérateur parvienne davantage à se muer en buteur. « Même si ce n’est pas dans mes attributions, j’aimerais parvenir à marquer davantage. C’est toujours bon pour la confiance d’inscrire un but. À moi de travailler cet aspect du jeu. » Dans la bouche d’un joueur qui ne lâche rien, ces mots prennent une véritable signification.
Lui le taquin, le rigolo, s’est déjà beaucoup découvert « Malgré mon apparence, je n’aime pas trop faire de bruit… Quand tu vis caché, tu vis heureux. » Alors l’enfant de Douala s’est éclipsé, pour une nouvelle sieste réparatrice. Son péché avec la musique africaine et surtout le portable. Voilà pratiquement deux mois et demi, que du côté de Nantes, une petite fille de trois ans réclame son papa…