Dans son édition du mardi, 16 décembre 2014, le quotidien suisse « Le Matin » titrait : Breel Donald EMBOLO, le joyau du FC Bâle reçoit son passeport suisse et devient éligible pour Vladimir Petkovic, le sélectionneur de l’équipe de Suisse. L’affaire semblait donc réglée. Le pays tout entier qui était suspendu à la décision de la révélation de l’année 2014 pouvait souffler.
En faisant signer Breel Donald EMBOLO, la Suisse réussissait par la même occasion le tour de force, en six semaines, d’arracher au Cameroun trois de ses joyaux, avec le latéral de Toulouse François MOUBANDJE et le gardien de Young Boys Yvon MVOGO.
« Le Matin », sous la plume de Florian Müller, est allé plus loin en expliquant qu’ « au delà de l’effet d’annonce, et du fait que notre nation soit préférée à une des grandes équipes d’Afrique, le choix de Breel Embolo est une aubaine pour Vladimir Petkovic. Ils ne sont en effet pas nombreux qui peuvent se targuer d’avoir dans leurs rangs un attaquant de pointe ayant déjà un vécu aussi considérable en Ligue des champions, à seulement 17 ans… Reste à savoir si notre nouvelle pépite nationale sera déjà convoquée le 27 mars 2015 lors du prochain match officiel de la Suisse face à l’Estonie. Mais Vladimir Petkovic aurait tort de se priver plus longtemps de ce nouvel atout de poids dans son jeu ».
Soit ! Seulement, dans l’euphorie ambiante, ni la famille du jeune prodige, ni les dirigeants du FC Bâle, ni les conseillers du joueur, ni les braves juristes de l’ASF n’ont pris la peine de lire attentivement les règlements d’application des statuts de la FIFA. En effet, depuis 2009, les joueurs qui ont évolué dans les sélections jeunes d’un pays peuvent changer de maillot national, afin d’être éligibles à la sélection A, à des conditions très précises.
L’Article 7 du Règlement d’application des statuts de la FIFA portant sur l’acquisition d’une nouvelle nationalité adopté par le Congrès de la FIFA le 31 mai 2013 à Maurice stipule que :
Tout joueur qui s’appuie sur l’art. 5, al. 1 pour acquérir une nouvelle nationalité et n’a pas disputé de match international conformément à l’art. 5, al. 2 ne peut se qualifier pour jouer dans la nouvelle équipe représentative que s’il remplit l’une des conditions suivantes :
a) il est né sur le territoire de l’association concernée ;
b) sa mère ou son père biologique est né(e) sur le territoire de l’association concernée ;
c) sa grand-mère ou son grand-père est né(e) sur le territoire de l’association concernée ;
d) il a vécu sur le territoire de l’association en question au moins cinq années consécutives après ses 18 ans.
Breel EMBOLO est-il né en Suisse ? Non, il est né au Cameroun. Ses parents biologiques sont nés au Cameroun, ses grands-parents aussi. Il vit sur le territoire suisse depuis 11 ans, mais il n’a que 17 ans. Il doit avoir vécu en Suisse au moins cinq ans sans interruption, après son dix-huitième anniversaire. Conséquence, il ne remplit aucune des conditions fixées par le règlement d’application des statuts de la FIFA portant sur l’acquisition d’une nouvelle nationalité. Au meilleur des cas, il ne pourra vêtir le maillot rouge à la croix blanche qu’en 2020. Il est probable que la Suisse demande une dérogation auprès de la FIFA, en utilisant l’argument selon lequel le joueur a émis le souhait de jouer pour la Suisse. Sauf que cette décision doit être fondée sur l’autonomie de la volonté. Or dans cette affaire, c’est l’entourage qui a décidé pour lui. Le joueur est mineur, et son consentement ne compte que pour du beurre. Vous l’aurez compris, le dossier est très loin d’être clos. La Fécafoot sait ce qui lui reste à faire. Et EMBOLO en vaut la peine.
Claude KANA, consultant Camfoot
Auteur de « LA FABULEUSE HISTOIRE DES LIONS INDOMPTABLES, De Samuel Mbappé Léppé à Samuel Éto’o », paru aux Editions Teham, Paris 2014, 464 pages