Prisonnier au Betis Séville, Achille Emana réalise pourtant un bon début de saison avec les Andalous…Interview.
Avec son bon début de saison, il semblerait que le Betis soit enfin décidé à quitter la deuxième division…
On a perdu à Carthagène, mais c’est vrai qu’on est concentrés cette saison. J’espère que cette année, on ne laissera pas filer l’opportunité de remonter en première division.
Comment se passe ton retour à l’entrainement après ta blessure au genou ?
Ça va, je vais bien même si je ressens encore une petite douleur. Je suis un lion indomptable, je peux tout supporter.
Tu penses que tu manques à tes coéquipiers ?
Non parce qu’ils ont gagné plein de matchs sans moi. Je ne suis pas irremplaçable, je suis juste un joueur de plus dans le groupe.
Pourtant quand on voit tes matchs, on a l’impression que tu es un cran au-dessus des autres. Tu te sens supérieur ?
Je ne me sens supérieur à personne. Dieu m’a donné des qualités que j’essaie d’exploiter au maximum et de mettre au service de mon équipe.
Qu’est-ce qui a changé chez toi depuis ton arrivée au Betis en 2008 ?
Je n’ai pas beaucoup changé, je suis la même personne qu’à mon arrivée en Espagne. Mon jeu n’a pas changé non plus, je fais toujours les mêmes trucs, sauf qu’avant, il y avait des gens qui racontaient des conneries sur mon compte alors qu’aujourd’hui, ils m’encensent parce que je réalise de jolis gestes techniques. Les gens retournent toujours leur veste. Dans mon cas, ils m’ont critiqué et maintenant ils me félicitent.
C’est pour ça que vous tentez des panenkas aujourd’hui (NDLR : contre le Rayo Vallecano) ?
Je suis en confiance donc je m’autorise des panenkas mais maintenant je ne vais plus en faire jusqu’en 2011 : j’ai pas envie que les gardiens m’arrêtent tous les pénaltys. Je tente beaucoup de choses sur un terrain. Avant ça ne passait pas, mais aujourd’hui quand je rate des gestes, les gens essaient de m’aider au lieu de m’enfoncer. En fait je suis en confiance parce que je me sens soutenu.
Tu as un frère dans la cantera du Betis. Comment ça se passe avec lui ?
Je lui donne des conseils. Il est très entouré et c’est bien, parce qu’à 16 ans, on peut faire pas mal de conneries… le foot c’est bien, mais ce n’est pas plus important que l’école ou la famille. Je suis content de lui parce qu’il y a une semaine, il a été convoqué avec la sélection des moins de 16 d’Andalousie. Il est entré pour les vingt dernières minutes et il a marqué un but en plus de faire une passe décisive. C’est bien, il m’écoute ! (rires)
Tu vas le voir jouer ?
Oui, mais je me cache pour ne pas l’influencer. S’il me voit, il pourrait ne pas jouer comme il sait le faire. Quand je le regarde, j’ai l’impression de me voir quand j’étais jeune. Je voudrais vraiment qu’il devienne professionnel, mais pour l’instant, il faut qu’il vive le football comme une passion.
Est-ce que tu t’intéresses encore à l’actualité du TFC ?
Oui, beaucoup, mais j’ai moins de contacts avec les dirigeants et les joueurs du club. Ils sont tous nouveaux. Malgré cela je continue encore à entretenir des bonnes relations avec le président du club.
Qu’est-ce que tu penses de la Ligue 1 ?
C’est une bonne compétition mais elle n’est pas comparable à la Liga, qui est pour moi le plus grand championnat du monde. Ici, il y a plus de buts qu’en France, c’est plus “Joga Bonito”.
La Ligue 1 est aussi plus disputée que la Liga…
C’est parce qu’il n’y a pas de véritable hiérarchie. La saison dernière et cette année, il y a plus de prétendants, Lyon, Marseille et même Bordeaux… Il est impossible de définir un favori clair parce que tous les week-ends, il y a un leader différent.
Tu comptes renouveler ton contrat avec le Betis ?
C’est quelque chose que je n’envisage pas. Il faudrait voir si on arrive à remonter en Liga, si les dirigeants me veulent encore et surtout s’il y a d’autres offres… Si des clubs veulent me prendre et que tout le monde est content avec le deal, ça sera bien, mais si ça n’arrive pas, je continuerai au Betis sans problème. Ici tout le monde est sympa avec moi. Au début, on a eu du mal à se comprendre mais maintenant, c’est de l’histoire ancienne.
Ton agent a révélé qu’il avait déjà été contacté par quinze clubs différents dans les derniers mois. Ça t’inspire quoi ?
Je lui ai demandé de se taire et de ne plus parler de transfert jusqu’à ce que la saison soit terminée. Je sais que je plais à plusieurs clubs mais tant qu’il n’y aura pas de contrat sur ma table ça ne veut rien dire. Les promesses, ça ne remplit pas l’estomac.
Après la coupe du monde, tu as annoncé que tu ne rejouerais plus pour le Cameroun. Tu comptes revenir sur ta position ?
Je ne compte pas revenir sur mon choix. Il m’est très difficile d’envisager de porter de nouveau le maillot des Lions indomptables tout simplement parce que rien n’a changé depuis la coupe du monde. Alex Song, Kameni et moi avons été désignés publiquement comme les seuls coupables de l’élimination. J’ai demandé des explications mais on ne m’en a jamais donné… On m’a manqué de respect. Je ne reviendrai pas en sélection tant que je n’aurai d’excuses publiques.
Qui t’a accusé ?
La fédération, le ministre des sports, tout le monde… Ils ont déclaré à la presse qu’ils allaient m’appeler mais personne ne l’a fait. Personne n’est venu me voir pour me parler comme un homme. Il s’est passé beaucoup de choses qui m’ont réellement énervé. Après avoir gagné deux matchs, Javier Clemente a dit qu’il n’allait rien changer. Ça c’était avant le match nul contre le Congo. Après ce match, Clemente a raconté qu’il avait seulement deux vrais joueurs professionnels à sa disposition et maintenant tout le monde veut que je revienne en sélection. C’est le flou le plus complet.
Tu connais Javier Clemente ?
Pas du tout. Les supporters du Cameroun me veulent, mais ceux qui sont à la tête de la sélection, non. Le capitaine Rigobert Song est parti et normalement je devrais être le deuxième capitaine après Eto’o. Ils devraient me respecter pour les dix années que j’ai consacrées à la sélection mais ils n’ont pas les couilles de me donner des explications : ce sont des menteurs et des voleurs.
Comment ça s’est passé avec Le Guen durant le Mondial ?
Mal. Tout simplement parce qu’il n’a pas été juste. Il a manqué de loyauté. Le Guen se laissait trop influencer et il n’a pas été capable de taper du poing sur la table. Il a changé toute l’équipe pour le Mondial sans explications… On connait la suite.
Propos recueillis par Carlos Yague à Séville