L’international camerounais Eric Djemba vient de poser ses valises au Qatar SC, où il retrouve son compatriote Bill Tchato. Après une carrière débutée en France, à Nantes, puis en Angleterre (Manchester United, Aston Villa et Burnley) celui que l’on surnomme « Cantona » a-t-il préféré se retirer en exil sous le soleil du Golfe? De passage à Paris après un but dès son premier match à Doha, Eric évoque sa nouvelle vie, et se souvient de ses belles années en Ligue des Champions, compétition qui l’a révélé au grand public…
Le Golfe. Le football du Golfe est dans l’esprit des gens comme le cimetierre de footballeurs, qui veulent finir sur une note paisible et financière leurs carrières bien remplies. Eric Djemba s’en défend, lui qui vient de signer pour un an au Qatar SC, club qui a vu passer des pointures comme Claudio Canniggia, Fabrice Akwa, Pius Ndieffi ou Marcel Dessailly. A l’aéroport de Roissy, où il est entre deux avions, le « pro » a joué la veille son premier match sous ses nouvelles couleurs. Il a marqué un but dans ce match qui finira sur le score de 1-1. Son voyage en Europe est rapide, juste quelques heures pour regler les derniers détails de son déménagement. Soudain passe devant le comptoir Air France Fodé Mansaré de retour de sélection. Le guinéen raconte comment son pays vient de se qualifier pour la CAN 2008, et Eric lui parle de son nouveau club.
« Même si tu es loin maintenant, il faut donner des nouvelles hein! » martèle le toulousain qui semble très content de revoir un ancien collègue du championnat de France. Les deux hommes s’échangent les numéros de téléphone et Mansaré s’éclipse rapidement. Djemba est maintenant rejoint par ses « enfants« , des amis d’enfance venus revoir leur « papa » maintenant basé à plus de 6 heures de la France. Les laissant un peu discuter entre eux, le néo qatari explique son transfert dans le Moyen Orient.
« Je ne suis pas allé m’enterrer là bas. Je vais vous prendre un exemple, celui de Joseph Désiré Job, qui était en Arabie Saoudite, puis qui est retourné en Europe, à Sedan puis à Nice. Il est même revenu en équipe nationale » rappelle le joueur qui affirme aussi avoir croisé au Qatar « des joueurs de 22, 23 ans, ainsi que des internationaux en activité« . Il faut remarquer que Djemba a trouvé sur place Ali Karimi, transfuge du Bayern et international iranien, ainsi que Talal El Karkouri, actuel capitaine des Lions de l’Atlas. Après son intermède de 6 mois en D2 anglaise, Eric avait quelques touches au Portugal (Benfica) et surtout à Lille en France. Mais le transfert ne se fait pas et son agent lui suggère le Qatar.
Reçu par le fils d’un émir local, qui est aussi le président du club, Djemba-Djemba signe rapidement pour an. »La proposition financière ne pouvait pas être refusée ». Le joueur est tout de suite opérationnel pour les entrainements qui se déroulent souvent le soir, à cause de la chaleur. Mais il fait tout de même plus de 40 degrés à ce moment de la journée! Son compatriote Bill Tchato l’a bien accueilli, et il avait déjà croisé Talal sur les stades anglais et français. « Physiquement ça m’a fait du bien les 6 mois à Burnley. Depuis mon arrivée il y a un mois au Qatar, j’ai fais deux matches amicaux, et un en championnat le 10 Septembre, et j’ai marqué. »
6 ans auparavant, Eric Djemba se révélait aux Camerounais, puis à l’Europe lors de la Champions League avec le Fc Nantes. Le jour même où les tours étaient détruites à New York, le 11 septembre 2001, Nantes recevait et battait le PSV Eindhoven 4 à 1. « Ce sont des moments inoubliables » se souvient Eric. « Je remercie le Seigneur, parce que grâce à lui, ma vie a changé. Je garde tout cela en tête, surtout quand je vois jouer Nantes ou le Psv à la télé. A Aston Villa, j’ai cotoyé Wilfried Bouma qui était au PSV à l’époque, et on en parlait souvent. ça fait partie d’une carrière et j’espère retrouver un jour ce haut niveau. » Le haut niveau, on y serra la semaine suivante, à Rome contre la Lazio. Pour la première fois titulaire avec Nantes, alors qu’il n’avait joué que des bouts de matches en Ligue 1, Djemba éblouit la rencontre et les français reviennent d’Italie avec une victoire trois buts à un.
« J’ai gardé le dvd de ce match, et aussi la plupart de ceux de mes matches avec Nantes, Manchester et Aston Villa. J’ai bien gardé les copies de mes matches en ligue des Champions, qui sont de bons souvenirs. Il y a par exemple le match retour en Hollande (0-0) où je me suis disputé avec l’avant centre Kezman : j’avais vraiment faim ce soir là. On voyait le petit africain qui venait du bled, et qui, lancé parmi les grands, saisi sa chance. » Cette chance lui avait été donnée par Raynald Denoueix, l’entraineur du Fc Nantes en cette année 2001, et que Eric « remercie beaucoup » et ne va « jamais oublier« . En Ligue des Champions, Nantes ira au deuxième tour, où il est éliminé par…Manchester United, le futur club de Djemba.
Ce sont donc ces matches qui vont le conduire en équipe nationale. Djemba, qui avait joué plus tôt dans l’année la CAN junior d’Ethiopie, en février 2001 se retrouve pour la première fois en équipe A en stage « en Allemagne, le 15 Septembre, avec Makoun et Momha« . A-t-il encore des vues sur cette équipe, avec qui il a « fait une Coupe du monde, une Coupe des Confédérations, et participé à trois CAN dont une gagnée« ? Il répond, imperturbable: « le tout est de jouer, et d’avoir un entraineur qui vous fasse confiance. Nous les pros, on a juste besoin de discipline et de travail. Je suis confiant qu’un jour, je vais remettre ce maillot de l’équipe nationale qui m’a propulsé au devant de la scène. » Mais on peut lui opposer le fait qu’il y ait une forte concurrence au poste de milieu défensif en sélection, notamment les jeunes Nguémo et Mbia, sans parler de la génération montante chez les Espoirs en course pour les Jeux Olympiques…
« C’est clair que la concurrence c’est bien » souligne le nouveau numéro 10 du Qatar Sc. « La concurrrence fait travailler tout le monde et relève le niveau de l’équipe nationale. Chacun a sa particularité, et l’entraineur sait ce qu’il recherche. Il peut trouver ça chez n’importe qui, et après il fait son choix. Ces jeunes qui montent, qui se battent et qui montrent qu’ils ont envie, on doit leur donner leur chance. Je suis très content qu’ils soient là, et après, comme j’ai dit si jamais on fait appel à moi, ce sera le choix de l’entraineur. » Toujours en contact avec ses coéquipiers de la sélection, Djemba se promet ce matin là de contacter Gérémi ou Douala Mbella, qui ont perdu trois jours auparavant à Malabo contre la Guinée Equatoriale. « On a perdu, mais ce sont des choses qui arrivent, on était déjà qualifiés. Mais je sais qu’ils feront une bonne CAN, le groupe est bon. »
A l’heure de se quitter, quel bilan tire Eric de sa carrière de footballeur? « Je dis que dans une carrière, il y a des bons et des mauvais moments. Souvent, c’est bon d’en avoir de mauvais quand on est encore jeune. On prend de l’expérience, et il y a ensuite des erreurs qu’on ne peut plus commettre. Franchement, je n’ai pas eu une très grande carrière, mais je suis content de celle-çi. J’ai joué 20 matches de ligue des Champions, j’ai gagné la Coupe et le Community Shield avec Manchester United, et aussi le Championnat avec Nantes. C’est bien et je ne vais pas m’arrêter là. Je vais continuer. Qui sait, si je ne vais pas aussi ramener des trophées du Qatar? C’est toujours une carrière… »
Propos recueillis à Paris par Jean-Pierre Kongué Esso