Le match le plus attendu des 8èmes de finale de la Champions League était celui-là. Le match qui allait opposer de nouveau Drogba à Eto’o, quinze jours après leur rencontre au stade militaire du Caire, soldée par la qualification de l’ivoirien (tirs au but). Les supporters du camerounais du Barça ne pouvaient évidemment pas manquer ce nouveau rendez-vous devant le petit écran. Camfoot.com était au coup d’envoi, à 20h45, dans un resto-bar parisien…
L’occasion était donc offerte mercredi soir au « Pichichi » comme on aime le surnommer (meilleur buteur du championnat d’Espagne) de relever le défi européen qui s’était arrêté pour le FC Barcelone à ce stade des 8emes l’an dernier, contre ce même adversaire, le Chelsea de Mourinho, de Drogba et de Gérémi Njitap. Depuis la CAN d’Egypte où la Côte d’Ivoire de Didier Drogba est sortie finaliste, Samuel Eto’o a remporté un 3ème ballon d’Or africain. Le Cameroun n’étant pas qualifié pour le Mondial allemand, beaucoup de ses supporters attendent de leur numéro « 9 » favori de marquer beaucoup de buts et de ramener des trophées cette année, notamment celui de la Champion’s League. Dans ce bar du quartier Guy Moquet à Paris, une vingtaine de clients sont attablés à l’heure du coup d’envoi. Aucune équivoque quant à savoir pour quel camp roule la maison: les murs sont recouverts de posters et maillots de joueurs camerounais. Mbami, son numéro 23 du PSG, le maillot rouge et jaune de Song et Galatasaray, et bien sûr Samuel Eto’o fils, maillot de la sélection floqué à la gloire de ses deux premiers ballons d’or africains.
Les tables sont garnies, les verres pleins et l’un des téléviseurs présente les compositions des deux équipes. L’autre poste est branché sur Ajax-Inter, qui intéresse peu de monde ce soir, en vérité. Tous les yeux sont rivés sur Stamford Bridge, où les joueurs sont maintenant dans le couloir les menant sur l’aire de jeu.
« Eto’o a mis le maillot des Lions en bas de celui du Barca » remarque l’un des attablés. Pas sûr. Le liséré rouge qui dépasse de son col semble dépasser de celui de plusieurs autres de ses coéquipiers. Il y a un drapeau vert rouge jaune affiché sur l’une des tribunes. Est-il pour Njitap? Pour Eto’o? Certainement pour les deux camerounais, opposés d’un soir, qui rendent fiers leurs compatriotes devant la télévision, impatients maintenant que les débats commencent.
L’arbitre siffle et c’est parti! « Mais ça c’est quel terrain? » s’étonnent quelques-uns. La pelouse de Stamford Bridge gorgée d’eau et complètement défaite, ressemble à un champ de patates; terrain peu propice à la pratique d’un football de qualité. « Le terrain n’est pas bon », « il ne faut pas que cette pelouse gâte le pied de notre joueur ». D’entrée, des mécontents, qui sont tempérés par un supporter de Thierry Henry victorieux la veille au Real de Madrid. « La pelouse est mauvaise pour les deux équipes, et pas seulement pour le Barça! Ils vont tous jouer ce soir, on va voir« .
Samuel Eto’o que tout le monde attend et dévore des yeux n’est pas à la fête dans ces premières minutes. Il amortit un ballon vers le quart d’heure de jeu, mais son action est stoppée par la position de hors-jeu de Deco. À partir de ce moment on commence à le voir, notamment sur ce centre de Messi qu’il aurait pu laisser pour Ronaldihno, mieux placé. La paire s’emmêle les crayons et les Blues se dégagent. C’est presque la 20ème minute. Le match n’est pas très animé, les équipes se surveillent, personne ne veut véritablement se livrer. Sur le deuxième téléviseur, il y a nettement plus de rythme, et déjà 2-0 pour l’Ajax devant l’Inter de Milan.
« Eto’o, appliques toi! » supplie une voix au fond de la salle. « Sur un terrain comme ça, il peut faire quoi? » rétorque une autre voix plus indulgente. Comme pour mettre tout le monde d’accord, le Barca obtient de nouveau une énorme occasion. Oleguer s’échappe côté droit, centre en retrait vers Eto’o qui laisse le ballon à Ronaldinho. Le Brésilien place un plat du pied droit, mais Cech se couche bien et détourne le ballon! ça chauffe! On repart sur les bases du match de l’an dernier dans le même stade, avec cette année un nouveau venu qui commence son festival. Messi, puisqu’il s’agit de lui fait à peu près ce qu’il veut du ballon. Del Horno le basque de Chelsea n’est pas d’accord et le tacle violemment une première fois. La 2eme fois, c’est à la suite d’un « petit pont » de Messi sur Robben que Del Horno charge encore le petit prodige argentin. C’est le rouge direct! Tout ça est bon pour Eto’o et ses amis qui pourront ainsi profiter des espaces en supériorité numérique, malgré l’état du terrain. Mourinho fait entrer Njitap Gérémi, qui va se placer en défense, à droite. Le camerounais se fait rapidement remarquer par une main décollée du corps qui touche une balle dans la surface de vérité. Petit flottement, et l’arbitre laisse jouer! Ouf!
C’est la mi-temps, on souffle, on boit une Guinness en regardant le résumé de PSV-Lyon de la veille. « Arouna, petit joueur! » Moquerie camerounaise…L’occasion en or que l’ivoirien a mise sur le poteau est passée en boucle,avant que le match ne reprenne.
Et ça repart, avec l’entrée en jeu de Didier Drogba! Chelsea domine un peu, malgré deux occasions de Eto’o et Motta. Puis c’est le coup de théâtre : Motta marque contre son camp sur un coup franc lointain de Lampard! Panique chez les supporters parisiens du Barca qui ne souhaitent surtout pas une victoire des Blues de « l’ennemi » ivoirien. Messi continue son show, Drogba manque une belle occasion et c’est au tour de John Terry de tromper son gardien, sur un coup franc de Ronaldhino.
« C’est zéro-zéro maintenant » clame-t-on dans le restaurant. « le match va alors commencer ». Messi ne perd pas de temps, efface un vis-à-vis et place son ballon sur la barre, juste sur le coin. Larsson et Sylvinhio viennent renforcer les Catalans qu’on voit bien maintenant en position de gagner ce match. Après plusieurs tentatives, c’est une action préparée par Ronnie (jusque-là verrouillé par Gérémi) qui va sceller la rencontre. Le brésilien lance Larsson sur le côté, qui remet à Marquez monté aux avants postes. Le centre du défenseur est pour l’inévitable « Pichichi » qui s’élève plus haut que tout le monde. Sa tête smashée transperce les filets de Cech! « Etoooooooooooooooooooooooooo! Eto’o!« C’est sur les sonorités de la chanson à son nom que tout le resto-bar se lève, crie, se congratule et jubile…C’est la libération. Les commentaires fusent, à la vue des exploits de Messi, on se demande en riant « où est Giuly? » L’attaquant français du Barça que les médias de l’hexagone adulent tant…
Les minutes s’égrènent et le match prend fin. Eto’o est en gros plan, et prend la peine de saluer un à un ses adversaires du soir. « Il est en train de soigner ses relations avec eux, il ira là-bas non? » lance quelqu’un bien au courant des propositions mirobolantes de transfert du camerounais au Chelsea de Roman Abramovitch. Les deux joueurs africains les plus populaires du moment sont au micro de Canal +. Michel Platini félicite Samuel Eto’o, mais on n’entend pas bien ce qu’il répond, le silence ayant du mal à se faire dans la salle surchauffée. On se dit alors que l’on lira les commentaires sur internet en rentrant. « Que Drogba vienne encore pleurer le ballon d’Or on voit! » C’est fini! Le débat est relancé, pour au moins deux semaines encore, entre supporters des deux camps, en attendant la manche retour, le 8 mars. Au fait, à Amsterdam, l’Inter est revenu à 2 buts partout. Who cares?
Jean-Pierre Esso, à Paris