L’élimination de la Foudre en demi-finale par Aigle Royal de la Menoua, à l’origine des violences et autres actes de barbarie exercés sur les ressortissants de la province de l’Ouest par les populations du chef-lieu du département du Nyong et Mfoumou, province du Centre. Destruction des biens, blessés graves et pertes en vies humaines au bout du compte.
En réunion ordinaire à Limbé le mercredi 16 juillet 2008, le Comité exécutif de la Fédération camerounaise de football ne s’est pas prononcé sur les malheureux incidents survenus au stade Cenajes de Dschang, dimanche dernier, lors de la demi-finale retour de la coupe du Cameroun, soldée sur la victoire, 2 buts à 0 et par conséquent la qualification de Aigle de la Menoua, au détriment de la Foudre sportive d’Akonolinga, vainqueur à l’aller, 3 buts à 1. Une défaite de trop pour les fans, les populations et davantage les autochtones de la région, qui n’avaient plus que la coupe du Cameroun pour sauver une saison gâchée par la relégation de des « Kanga boys » en deuxième division.
En voulant se venger des violences dont ils ont été la cible au match aller joué à Akonolinga, les supporters de l’oiseau de la Menoua ont à leur tour brillé par un comportement anti-sportif en agressant physiquement, non seulement les joueurs, le staff technique et l’encadrement administratif de la Foudre, mais aussi en passant à tabac journalistes, photographes et cameramen accrédités pour cette rencontre (notre correspondant a été molesté) pour les empêcher de rendre compte.
Comme au Sénégal où les journalistes sportifs ont décidé la semaine dernière d’arrêter les retransmissions des rencontres, à la suite des agressions dont ils faisaient l’objet, le collectif des journalistes sportifs de la province de l’Ouest a écrit au gouverneur avec ampliation au préfet de Dschang, pour décrier les incidents de dimanche, qui une fois de plus, n’honorent pas le football camerounais. Mais, alors que la réaction des autorités était encore attendue, les autochtones de la ville d’Akonolinga et des populations parties en masse des campagnes environnantes, par solidarité à leur équipe, ont décidé de s’en prendre à leur tour aux allogènes, et surtout les citoyens originaires de la province de l’Ouest avec qui ils avaient jusqu’ici vécu en paix et en parfaite harmonie.
Sur les rives du fleuve Nyong, à 180 km de Yaoundé, la capitale politique du Cameroun, Akonolinga, donc le stade municipal porte le nom d’un footballeur émérite, Marc Vivien Foé, cette ville de plusieurs milliers d’âmes vit un véritable calvaire depuis lundi. Une chasse à l’homme y est organisée, de nuit comme de jour, par des milices armées de fusils de chasse, de gourdins, flèches, machettes et couteaux…
Si à ce jour, l’on ne déplore officiellement qu’une seule perte en vie humaine, il y a néanmoins lieu de constater que le bilan matériel est lourd. Impuissants, les ressortissants de l’ethnie bamileké voient leurs biens détruits, leurs habitats saccagés et leurs commerces anéantis! Ce sont de longues et pénibles années d’efforts et de sacrifices qui s’envolent ainsi en fumée, à cause de la passion débordante de quelques supporters.
C’est par dizaines que ces «étrangers », hommes, femmes, enfants, jeunes, moins jeunes et vieillards…, désormais sans abris, prennent le chemin d’un exil forcé. Malgré de nombreux appels au calme, la vague de violence prend chaque jour une tournure absolument dramatique. Akonolinga vit une véritable guerre civile. La brigade de gendarmerie locale, avec des effectifs réduits, est dépassée par les évènements, même si certaines sources annoncent une vingtaine d’arrestations ces derniers jours. Plusieurs fois annoncés, des renforts en provenance de la capitale sont toujours attendus. Pour le plus grand bonheur des bandes armées qui n’en font qu’à leur tête et profitent de la cacophonie orchestrée pour se livrer non seulement à des pillages intensifs, mais aussi et surtout à des actes de barbarie entraînant des blessures et allant parfois jusqu’au viol des mineurs et des femmes enceintes…
Le sport en général et le football en particulier n’est plus ce moment de communion autour du ballon rond, un outil important de politique nationale, de coopération et de rapprochement qui permet de briser les freins à l’intégration parce qu’il reste une activité fédératrice. A cause du ballon rond, un nouveau foyer de tension est né au Cameroun. Hélas, trois fois hélas.