« Il y a le foot, il y a le foot étranger et il y a le derby Galatasaray – Fenerbahce ». Dans un français impeccable, M. Mustapha, le Directeur sportif du club du lycée français d’Istanbul plante le décor. Plus qu’une rencontre, on parle ici d’une suprématie remise en jeu année après année, de deux dates que tous les habitants d’une ville marquent dans leurs agendas.
« On parle beaucoup de Barcelone – Real Madrid ou du derby de Milan, parce que ce sont des rencontres très médiatiques, poursuit M. Mustapha, mais pour moi, seul le derby d’Athènes entre l’AEK et le Panathinaïkos est comparable au niveau intensité ». Un tour dans la ville suffit à confirmer ses dires. Journaux, radios, télévision, tout le monde est branché sur LE derby. Les supporters se baladent en jaune et bleu ou orange et rouge selon la rive du Bosphore, qui coupe la ville en deux. Et au fur et à mesure que l’on se rapproche de l’heure du match, les chants se font plus nombreux. On chante à la gloire de son club, mais on se moque également de l’adversaire du jour. Il faudra un vainqueur au bout de la nuit, qui pourra célébrer sa supériorité jusqu’en mai, date du match retour.
Justement, le champion en titre, club de la rive asiatique d’Istanbul, compte sur le derby pour se rapprocher de Galatasaray, qui a pris un meilleur départ. Il faut dire que son adversaire du jour reste sur sept années sans succès au Fenerbahce Stadium. Mais les partenaires de Rigobert Song, fidèle à son poste au centre de la défense du seul club turc vainqueur d’une Coupe d’Europe, on ne l’entend pas de cette oreille. Concentré, le capitaine des Lions ne veut pas rater ce derby, « de loin plus chaud que le Marseille – PSG en France ». Il faut dire qu’il a été victime de la ferveur qui entoure cette rencontre il y a un an. Victime d’un léger malaise le jour du match, une campagne de presse a entretenu l’idée qu’il avait été empoisonné par les supporters adverses. Même s’il a pris du retard sur son adversaire du jour, qui peut aligner des joueurs de la trempe de Roberto Carlos ou un coach du nom de Zico, le club de Florya veut conserver son leadership cette année. L’accès au stade d’entraînement est bloqué la veille de la rencontre et les joueurs mis au vert à l’hôtel du club. Du côté des joueurs pourtant, aucun signe apparent de stress, malgré le vacarme autour. Dans le car, les joueurs conversent, certains sont au téléphone. Devant notre surprise, Rigobert Song relativise « on gère, on est encore dans le bus, on reste quand même dans notre ville. Ce sera autre chose tout à l’heure dans les vestiaires ».
L’heure du match approche et avec elle l’arrivée au stade. Malgré la forte présence policière qui accompagne le car de Galatasaray, celui-ci a du mal à se frayer un chemin dans la meute jaune et bleue qui entoure le bijou architectural de Fenerbahce. Coïncidence ou volonté protocolaire, les cars des deux équipes arrivent au même moment mais celui de Galatasaray est le premier à entrer dans l’allée des vestiaires. La sortie des équipes pour les échauffements est un moment particulièrement intense. Sifflets et applaudissements se mêlent dans une ambiance chaude où entendre son voisin relève de l’exploit. On est dans un combat presque physique entre joueurs et spectateurs. 52 500 personnes attendent la mise à mort de l’ennemi historique.
La rencontre commence, les locaux ont la balle et attaquent directement pied au plancher. Et ils sont récompensés par l’ouverture du score par Semih dès la 6ème minute. Le stade est en transe, il accompagnera ainsi tous les déboulés de Roberto Carlos dans une rencontre assez équilibrée, même si les plus grosses occasions sont à mettre au crédit des locaux. La première mi-temps se terminera sans aucun autre but. La seconde démarre sur un autre but. Roberto Carlos trouve Deivid, qui double la marque.
Le match déjà tendu, se transforme en zone de non droit. L’arbitre distribue les cartons, les locaux finiront à dix, le second buteur étant expulsé à la 78ème minute. Pour le capitaine Camerounais, qui portait aussi le brassard ce soir, ce n’est pas ce week-end que se profilera la première victoire dans l’autre stade d’Istanbul. Mais, il restera la consolation de garder un point d’avance et la tête du championnat en attendant le match de Sivasspor, surprise de ce championnat. Une partie de la ville fera la fête jusqu’au bout de la nuit, ce ne sera malheureusement pas les orange et rouge. Galatasaray est vaincu. Jusqu’au prochain derby…
François Djomo