Le président de Canon de Yaoundé, l’ancien capitaine des Lions indomptables du Cameroun et de Canon de Yaoundé nous a accordé une interview . Il parle de son club, de la Fécafoot, du football camerounais, des Lions indomptables.
Les recettes dans les stades sont médiocres. Comment faites-vous pour gérer Canon après le départ de votre partenaire belge de Lockeren ?
Je peux vous dire que ce n’est jamais facile. Et c’est même suicidaire. Nous faisons ces efforts par ce que c’est notre passion, par ce que nous nous sentons investis d’une mission, c’est notre patrimoine. Mais je dois dire que ces efforts ont une limite. Et nous ne pouvons pas aller au-delà de nos limites. C’est pour cela que je profite de cette occasion pour lancer un appel à tous les supporters de Canon pour qu’ils regagnent la maison et puissent aider leur équipe en contribuant financièrement, en assistant aux matches pour qu’il y ait des recettes substantielles pour que Canon de Yaoundé puisse vivre. A défaut de cela, il serait très difficile à court terme d’envisager quelque chose de positif. Par ailleurs nous mettons en place des plans marketings qui devraient à l’horizon 2006 emmener canon à un équilibre financier. Ce qui va nous permettre d’envisager les ambitions en ayant les moyens de celles-ci.
Vendredi 8 juillet 2005, dans une salle de classe de l’école publique d’Anguissa, plusieurs dizaines de supporters de votre équipe ont tenu une réunion pour la relance des clubs de supporters. A comparer avec votre époque, comment voyez vous l’absence de cette mobilisation depuis quelques mois ?
Le contexte est tout à fait différent. Aujourd’hui, il faut l’avouer, ces supporters éprouvent dans leur chair d’énormes difficultés pour joindre les deux bouts. Et ce qu’ils apportent au football et singulièrement à leur club c’est ce surplus de ressource lorsqu’ils ont satisfait leurs besoins élémentaires. C’est assez difficile que les supporters comme hier puissent soutenir leur club, à cause de la morosité économique ambiante. J’encourage ceux qui se réunissent pour penser à l’avenir de leur club. Je leur tends les bras pour leur dire que Canon est pour nous tous et nous attendons beaucoup de ces supporters.
Votre équipe a connu un séisme avec la co-présidence. Nous voulons savoir ce que celle-ci a apporté à votre équipe ?
Je crois que ce machin n’a rien apporté de positif au Canon de Yaoundé. C’était, il faut l’avouer, une façon de détruire Canon. Les complices de cette machination se morfondent aujourd’hui dans la honte d’avoir raté leur mission. Nous avons continué à croire à notre équipe, à ce que nous faisons. Et c’est pour cela que contre-vents et marrées nous continuons à gérer notre club. Et nous pensons que certaines bonnes volontés se joindront à nous pour nous aider à continuer dans cette voie.
Que diriez-vous à ceux qui vous demanderaient de présenter la fiche sanitaire de votre équipe ?
Je dirai que la fiche de santé est moyenne. Canon ne se porte pas mal et il ne se porte pas très bien non plus. Mais il est présent.
Comment jugez-vous le championnat national ?
C’est très difficile. Les époques ont chacune leurs spécificités. Aujourd’hui il est compliqué de comparer le championnat à celui d’il y a quelques années. Mais je dois dire que des efforts sont faits de part et d’autre pour le rendre attrayant. Disons que l’année dernière nous avons connu le sommet de la cacophonie, de l’inorganisation, de l’incompétence même dans son organisation. Nous sentons de manière perceptible quelques améliorations, un plus de progrès. Mais ces efforts sont annihilés par le manque cruel d’infrastructures. Notamment pour les équipes de Yaoundé qui évoluent au stade militaire où elles éprouvent les difficultés pour s’exprimer dans ce cadre. Cadre que boudent les supporters. Ils ne font pas foule. Ce qui provoque la baisse drastique des recettes. Sur le plan sportif, ce championnat est assez relevé, il est mieux organisé, l’arbitrage malgré quelques dérapages tient également la route. Je crois que tous ces efforts conjugués feront en sorte que l’année prochaine, et même avant la fin de la saison, qu’on assiste à une fin de saison beaucoup plus palpitante.
Comment jugez-vous la sortie précoce des joueurs ? Vous avant de partir à Toulouse, vous étiez un joueur accompli sur le plan africain.
Disons que je suis un très mauvais exemple. Parce que je suis allé chez les professionnels à 30 ans. Chose rarissime aujourd’hui. J’avais été sollicité à l’âge de 20 ans. Et je suis parti 10 ans après. A 30 ans on n’a perdu certains réflexes ou alors on est devenu en quelque sorte un pilier dans la maison donc on ne pleut plus s’adapter ailleurs. C’est pour cela que je n’ai pas pu faire long feu dans ma carrière professionnelle. Déjà que la première année j’ai été sérieusement blessé.
Je dis que ce n’est pas une mauvaise chose que les jeunes joueurs puissent partir pour le professionnalisme. Mais ils doivent d’abord faire leurs preuves ici tant en club qu’en sélection. Ceux qui partent provoquent un appauvrissement de notre championnat mais aussi un fort taux de déperdition. Sur dix camerounais qui s’en vont il y a un seul ou deux qui vont réussir. Les autres, je peux vous l’avouer, de temps en temps on peut les voir évoluer dans ce que nous appelons ici le deux zéro, c’est-à-dire un sport de maintien. Nous ici nous pensons qu’ils jouent dans des clubs alors qu’ils évoluent dans les stades vagues d’Europe.
Si vous étiez dirigeant de la Fécafoot que feriez-vous pour limiter cette hémorragie ?
Je dois dire qu’il faut assainir notre milieu sportif. Parce qu’il y a une race de camerounais maintenant qu’on appelle manager qui sillonne les terrains d’entraînement et les stades à la recherche de quelques talents. Ce sont des gens qui ne dépensent aucun sous ni pour le joueur, ni pour le football. Ils viennent en commerçants, en vautours pour piquer ces joueurs à l’insu des dirigeants des clubs et de la fédération. En ce moment, nous avons sous la main le dossier de l’un de nos joueurs, Eric Mebenga, qui se trouve actuellement en Indonésie et qui a déjà disputé des rencontres sans que ni Canon ni la Fécafoot ne soient informés. Il y a des réseaux de la maffia. Quand les joueurs partent les dirigeants ne sont pas au courant. Ils l’apprennent après coup en menant des enquêtes. Il appartient à la fédération d’assainir résolument le milieu. D’assainir au niveau même de la fédération où se trouvent actuellement de grandes complicités. D’être ferme pour que si un joueur part que cela le soit sur le plan légal et apporte des retombées au joueur, au club et à la fédération. En investissant au club, les autres joueurs qui restent peuvent être mieux encadrés.
Comment jugez-vous l’arrivée d’un directeur général à la tête de la fédération?
Je dois dire que de prime abord c’est une décision courageuse que le président Iya a prise en décidant d’apporter d’e l’innovation dans notre championnat. Ce n’est un secret pour personne, notre fédération était mal gérée, mal dirigée. Et au jour d’aujourd’hui il fallait faire quelque chose. Et le président Iya a courageusement décidé de faire venir un expatrié pour essayer d’apporter plus de transparence, plus d’équité dans la gestion de notre football. Je crois donc que d’emblée, je loue cette initiative en attendant que le concerné fasse preuve de sa compétence, de son équité et de sa clairvoyance. En ce qui me concerne, je dis que pour une fois le président Iya est donc devenu réellement président de la fédération camerounaise de football. Par ce qu’avant cette décision il n’était pas président de la fécafoot. Il était intérimaire ou alors se sont les autres qui dirigeaient à sa place.
Pensez-vous que ceux qui dirigeaient à sa place laisseront les coudées franches à M Patrick Precheur pour assainir la maison Fécafoot où il y a en ce moment de grosses maffias ?
Je crois que si nous aimons notre football nous devons soutenir l’action de Patrick Precheur. Ça peut être lui ou une autre personne. Mais celui qui est directeur général aujourd’hui mérite le soutien et la confiance de tous. Toute autre attitude serait nombriliste, égoïste. Si tant soit peu on aime notre football, je pense que la conduite à tenir est de supporter le nouveau directeur général. Et lui, de son côté, doit se méfier car il rencontrera de faux amis, des gens qui ne regardent que leurs propres intérêts en transportant ici et là des ragots de bars pour nuire à son action. Il fera face aux calculateurs.
Quel jugement portez-vous globalement sur le football camerounais ?
Le football camerounais dans son ensemble connaît des turbulences. Turbulences dues à l’excès de suffisance de ses dirigeants. Nous avons ces derniers temps tout gagné en Afrique. Nous avons été parmi les meilleurs au monde et cela a grisé nos dirigeants. Ils se sont abandonnés, ils se sont laissés aller. Ils ont pensé que le Cameroun pouvait tout gagner tout seul. Ils se sont détournés du football pour ne regarder que les aspects négatifs ou les aspects connexes du football notamment les aspects financiers qui intéressaient la plupart de nos dirigeants sportifs en abandonnant le football à lui-même.
Selon vous les lions seniors feront-ils un bon parcours dans ces éliminatoires couplées can-coupe du monde 2006 ?
Les problèmes que rencontrent les lions aujourd’hui sont la résultante des maux qui minent notre football dans son ensemble. Les lions font bel et bien partie de notre football. Une fédération qui ne marche pas, qui ne regarde pas le football, les lions ne peuvent pas marcher à leur vrai rythme. Je crois que les reformes qui sont entreprises actuellement permettront à nos lions de rester les meilleurs et d’évoluer avec beaucoup plus de sérénité. Je sais que les lions ont toutes leurs chances de qualification pour les deux grands rendez-vous du football africain et mondial. Mais à conditions que cet apaisement, ces reformes soient soutenues par tous si un tant soit peu nous soutenons notre football et si les Camerounais souhaitent que notre équipe se qualifie, surtout ceux qui le dirigent. La qualification des lions ne sera pas celle de Iya ou d’un groupe de personnes mais celle de tous les Camerounais.
Interview réalisée par Sandeau NLOMTITI