Inspecteur principal des Impôts, en service à la division de la législation à la direction générale, il apporte un éclairage sur la loi de Finances 2013 au sujet du financement des clubs d’Elite par les entreprises. Le taux de déductibilité des impôts est passé de 0,5% à 5% sur le chiffre d’affaire des sociétés qui font des dons aux clubs d’Elite One ou d’Elite Two, de même qu’une exonération totale de la taxe foncière des propriétés appartenant aux clubs.
Camfoot.com: Comment comprendre la loi de Finances 2013, concernant le financement des clubs d’Elite de football au Cameroun ?
Térence Adrien Tocke: La loi des Finances pour l’exercice 2013 a prévu effectivement un certain train des mesures, qui visent à encourager le financement du sport de haut niveau, notamment le sport d’élite. Ici, la première matérialisation concerne le football d’élite, c’est-à-dire les clubs d’Elite One et d’Elite Two. Il s’agit de dire que les entreprises peuvent désormais accorder des dons dans le cadre global du mécénat, appuyer les clubs de football ou, comme ce sera le cas bientôt des clubs de handball, le basket-ball et toutes les autres disciplines.
Leur appui par le passé pouvait donner lieu à une déduction de charge, c’est-à-dire que l’argent sorti devait tenir en réduction des impôts du montant payé au titre de l’activité de l’entreprise à hauteur de 0,5% de son chiffre d’affaire. Ça veut dire que si vous prenez une entreprise qui a un milliard de chiffre d’affaire, si elle accorde un don de 100 millions, normalement, il n’y a que 0,5%, soit cinq millions qui auraient été admis en déduction. Maintenant, avec la nouvelle loi, on est passé de cinq millions à 5%, soit 50 millions. Désormais, si elle accorde un don à un club à hauteur de 100 millions, et non plus cinq millions comme par le passé. Il s’agit pour l’administration fiscale d’encourager les entreprises à aider au développement du sport.
Quelle est désormais la place des entreprises qui font du sponsoring ?
Ce sont les entreprises qui y trouvaient un intérêt, qui pensaient pouvoir aider au développement du football. A ce niveau, il faut faire un distinguo avec le sponsoring. Le sponsoring ne pose pas de problème, parce qu’il n’est pas plafonné. Mtn par exemple soutient le football, l’accompagne et en contrepartie, fait de la publicité autour. Il jalonne les stades de sa publicité, pour une meilleure visibilité, avec des panneaux, habille les clubs. Là, c’est du sponsoring, parce qu’il y a un retour immédiat. Si vous prenez un exemple comme la Sodecoton. Elle appuyait l’équipe de Coton sport, mais cela ne pouvait pas excéder 0,5% de son chiffre d’affaire. Maintenant, elle peut le faire à hauteur de 5%. Concrètement, si la Sodecoton fait 100 milliards de chiffre d’affaire, désormais elle peut appuyer le club à hauteur de cinq milliards, qui ne poseront pas de problème au plan fiscal. Il y aura réduction sur le montant fiscal en fin d’année. Il y a aussi Astres de Douala qui est financé par une entreprise. Il n’y pas de contrepartie en retour. Bien que le club s’appelle Astres ou Coton sport, ce n’est pas une marque qui est vendue. Ce qu’ils font est considéré comme un don. Il n’y a pas de contrepartie directe. On est passé de 0,5% de déductibilité à 5% et cela incite beaucoup d’entreprises à se lancer désormais à l’appui au football et tout ce qui est sport d’Elite au Cameroun.
Depuis que la loi de Finances 2013 est en cours, avez-vous déjà quelques signaux sur le terrain ?
La vérité, c’est que nous ne pouvons constater cela qu’en fin d’année lorsqu’une entreprise déclare son résultat. Nous ne faisons pas de la publicité véritablement, parce qu’on pense que lorsqu’une loi est votée, tout le monde est sensé la connaître. Tous les contribuables sont désormais informés de ce qu’ils ont la possibilité d’aider les clubs, le mouvement sportif d’Elite jusqu’à une certaine hauteur. Il y a désormais un cadre incitatif qui leur permet d’aider le sport sans avoir à craindre une facture fiscale à payer en fin d’année.
On parle aussi d’exonération totale de la taxe foncière des propriétés appartenant aux clubs, associations ou organismes sportifs agrées…
La taxe foncière est un impôt qui est attaché à la propriété foncière. Cela veut dire que lorsque vous êtes propriétaire d’un titre sur une propriété foncière bâtie ou non, vous devez payer un impôt, parce que l’Etat a besoin de toutes ces ressources pour mettre à votre disposition les routes, l’électricité, les adductions d’eau et autres infrastructures. Toutes ces taxes permettent à chacun de contribuer en fonction de ses capacités. Elle s’élève à 0,1% de la valeur de l’immeuble bâti ou non.
Jusqu’-là, ceux qui ne payaient pas ces taxes, étaient : l’Etat pour ses propriétés, les collectivités territoriales décentralisées. Maintenant, cette exonération est étendue désormais aux clubs d’Elite et cette fois-là, l’exonération porte sur les infrastructures elles-mêmes. Il ne s’agit pas des bureaux des dirigeants des clubs. On parle des gymnases, des stades. Il s’agit d’infrastructures appartenant aux clubs ou aux organismes sportifs agréés. Lorsqu’une entreprise a son stade, ce n’est pas la même chose que si le stade était celui d’un club ou d’une fédération sportive. Il s’agit ici d’infrastructure à vocation de compétition ou pour la préparer. Pour bien noter la différence, si la Fécafoot construit un immeuble siège, elle payera forcément la taxe foncière. Mais, si un club construit un stade, ou une entreprise construit un stade pour une équipe, ces infrastructures. Justement, il faut es ne payeront pas de taxe foncière.
Y a-t-il une exonération dans cette loi sur le matériel sportif des clubs ?
Ce premier train de mesure n’englobe pas l’exonération sur l’importation du matériel de sport. Pour le moment, il n’y a que la mesure de la déductibilité des impôts aux entreprises qui accordent des dons aux clubs et l’exonération des taxes foncières sur les équipements à caractère d’infrastructures sportives. Peut-être que pour les prochaines années, on arrivera à la défiscalisation du matériel sportif. Mais, pour l’instant, on n’en est pas encore là.
Comment faire pour contrôler que l’argent déclaré comme don par les entreprises est effectivement arrivé dans les caisses d’un club ?
Pour appliquer ce train de mesure, il faut passer par une loi obligeant les clubs en se constituer en sociétés, parce qu’il faut qu’il y ait de la traçabilité. Si l’Etat accepte de perdre de l’argent, d’exonération d’impôt une somme qui est versée à un club, il faudrait qu’après on retrouve ce montant-là dans la comptabilité du club. Le justificatif de ce montant et l’utilisation qui en a été faite. Sinon, il y aurait détournement de la loi en disant qu’on a reversé au club alors qu’il n’en est rien. Il faut que les clubs aient une comptabilité, qu’il y ait des commissaires aux comptes qui valident leur comptabilité. C’est la loi sur les activités sportives qui doit tenir compte de ces paramètres et obliger les clubs d’Elite à se constituer en sociétés anonymes à objet sportif. Désormais, il y aura un suivi de la comptabilité et ce ne sera plus l’affaire d’une seule personne. Il y aura des actionnaires et des commissaires aux comptes. Cela doit être désormais par habilitation légale.
Propos recueillis par Antoine Tella à Yaoundé