On reparlera encore de ce long et pénible voyage des Lions espoirs. Avec deux jours à squatter dans un aéroport international pour défaut de visas, un joueur abandonné sur le chemin retour, il y a eu de la matière pour des divers. De retour du Zimbabwe, le chef de délégation raconte ; « on n’a jamais vécu ce qu’on a vu d’une équipe nationale en l’espace d’une semaine. »
Vous revenez fraîchement du Zimbabwe où l’équipe du Cameroun a perdu ce match aller par un but à 0. Comment s’est passé globalement ce voyage ?
J’avoue que je n’étais pas de la première délégation qui est partie d’ici (le 18 mars, ndlr) ; simplement parce que mon nom ne figurait pas sur la liste. Pourtant, c’était moi le chef de la délégation, et je n’étais pas parmi les 25 personnes qui partaient ni pris en charge. La fédération a dû faire encore des efforts pour me trouver un billet d’avion. Je n’ai donc pas assisté au film qui s’est passé à Nairobi où les joueurs ses sont retrouvés sans visas. A Nairobi, le chef de services d’immigration de l’aéroport que j’ai rencontré m’a dit qu’il attendait juste un coup de fil du Zimbabwe pour faire embarquer l’équipe du Cameroun. Ce qu’il faut savoir en matière de transport aérien, c’est que la loi dit que si vous transportez quelqu’un qui n’a pas de visa dans votre avion, ça fait 4000 Dollars (environ 2 millions de FCfa) de pénalité pour une personne. Dans cette situation, et au regard du nombre de personnes constituant la délégation du Cameroun, la compagnie ne pouvait pas prendre le risque de la faire embarquer. La compagnie ne pouvait pas transporter les gens tant qu’elle n’avait pas l’accord de principe ou une lettre des services d’immigration zimbabwéens. Ces services ont été clairs : ils n’étaient au courant de rien.
Qui devait les informer ?
C’est le service qui a organisé le voyage. On a au niveau du football aujourd’hui un coordonnateur des équipes nationales qui, aux dernières nouvelles, a dit qu’il était là-bas.
Justement en mission avancée …
Oui. On dit qu’il était au Zimbabwe. Cette mission avancée devait servir à quoi ? Pourquoi ne pas responsabiliser M. Bekoum, le Team Manager par exemple. Nous avons été bien traité à l’hôtel où on a logé. Mais, quand il a fallu rentrer, nous avons demandé à savoir ce qui a été dépensé, on ne nous a rien répondu. Quand vous faites un déposit à l’hôtel, à la fin de votre séjour, on doit vous faire le point. En tant que chef de délégation, je ne connaissais rien. J’étais un chef de délégation qui n’était au courant de rien. Comment est-ce que le coordonateur des équipes nationales a pu prendre l’argent des visas des Camerounais pour aller remettre entre les mains d’un Zimbabwéen ? Un monsieur qui n’est même pas connu des services d’immigration. Pourquoi ne pas confier cette responsabilité à un Camerounais ? Décentraliser ou déléguer un peu les pouvoirs ? Ce qui est arrivé est arrivé.
Et comment se fait-il qu’au retour il n’y pas le billet d’avion pour un joueur ?
C’est à ce niveau que je suis intervenu comme chef de délégation. On m’informe au moment de l’embarquement à l’aéroport qu’il y a le billet d’avion d’un joueur, Simo en l’occurrence, qui n’a pas été établi, parce qu’on a payé que le voyage aller et pas le retour. Imaginez que ni le Team Manager, M. Bekoum, ni le chef de délégation que je suis, n’a reçu le moindre radis pour régler un problème urgent et imprévu qui peut survenir. Je ne pouvais rien. L’enfant était en larmes. Je suis allé vers lui pour lui parler. Je lui ai dit : vous avez déjà plus de 20 ans ; cela veut dire que vous n’êtes plus un gamin. Nous l’avons raccompagné à l’hôtel pour négocier sa prise en charge ; ce qui a été fait. J’ai promis de tout faire pour que la fédération lui envoie un billet d’avion le lendemain et en ce moment, il est tranquille. Il venait de prendre son petit déjeuner, puisque je l’ai appelé. Ça fait énormément mal qu’on se retrouve dans ces conditions-là.
On connaît votre franc parlé. Dites-nous exactement, à votre avis, qui est responsable de tout ce qui s’est passé pendant ce voyage au Zimbabwe ?
L’image du Cameroun a pris un coup. Quand vous, Camerounais, vous arrivez à Nairobi, tout le monde y compris les hôtesses rient. Quand on retournait, j’avais honte. Nous avons trouvé des photos de nos joueurs en survêtement d’équipe nationale couchés à même le sol et sur les bancs dans tous les journaux kenyans. On a dit : quelle image ! Dans un pays sérieux, la responsabilité devait être bien établie. Vous ne pouvez pas arriver dans une maison et c’est ce que je décrie depuis, et vous refusez d’apprendre. Ce que je dis concerne tous les domaines. J’ai dit un jour au Pr Owona Nguini dans une émission que s’il y avait l’Université du football, je serai agrégé. Ceux qui ne connaissent rien d’un domaine et forcent pour y entrer trouvent toujours des écueils et ça commence déjà à être compliqué.
Au moment où il y a eu ce problème de billet manquant pour un joueur, pourquoi n’avez-vous pas en tant que chef de délégation, cherché à joindre le coordonnateur des équipes nationales au pays ?
A l’aéroport, nous avons fait retarder le vol de près de 45mn, parce que avons tenté tous de le joindre et ni lui, ni aucun de ses collaborateurs n’a décroché. Nous avons fait bloc pour dire même que personne n’allait bouger. Mais, ça allait encore coûter beaucoup d’argent à la fédération pour payer les pénalités. Simo lui-même nous a dit de partir et qu’il espère qu’on ne va pas l’oublier. Ça fait près de 30 ans que je tourne autour de ces équipes nationales. Mais à l’époque d’un monsieur comme André Nguidjol , on responsabilisait un chef de délégation qui revenait rendre compte. On ne peut pas comprendre que vous êtes responsable et vous faites seul le tour du monde alors qu’il y a des Camerounais qui peuvent faire le même travail. Même dans la pire période du Cameroun, on n’a jamais vécu ce qu’on a vu d’une équipe nationale en l’espace d’une semaine. Il faut que les responsabilités soient bien établies.
Entretien mené par Antoine Tella à Yaoundé