Samuel a occupé l’espace médiatique durant tout l’été. D’abord avec son transfert à rebondissement vers l’Inter Milan. Ensuite avec le brassard de capitaine qu’il a arboré durant le premier match du sélectionneur Le Guen. Sur ces sujets et bien d’autres, le »9 » ou Pichichi selon les supporters a accepté de se livrer. Rencontre avec un homme qui devra donner de lui-même s’il veut atteindre son objectif avoué : la Coupe du monde 2010.
Camfoot.com : Tes impressions après les premières séances de travail avec Paul Le Guen ?
Samuel Eto’o : Je suis très heureux, on a l’air de revivre de nouveau au sein de l’équipe nationale. Il y a cet espoir qui est né depuis quelques temps en nous où on se dit, tout en respectant le leader de notre poule, que nous avons les moyens pour nous battre et avoir du succès.
Ce que je puis dire et affirmer c’est que nous allons tout donner pour ne pas avoir des regrets. On a pris du retard certes, mais nous voulons travailler dur, nous battre comme des lions pour ne pas avoir de regrets. Et si cela ne donne rien, on pourra se dire qu’on a tout tenté et que c’est la volonté de Dieu. Mais, l’expérience me dit aussi que quand tu rentres dans un stade de foot et que tu te dis que je vais sortir de là victorieux, tu finis par gagner parce que tu fais bien ton boulot, parce que tu cours, parce que tu ne cèdes aucun ballon facilement.
Depuis quelques temps, on avait déjà réussi à former un groupe bien discipliné mais, comme vous le savez chez nous il y avait déjà comme une habitude qui veut que quand vous sortez d’un problème, il y a un autre qui surgit. Je suis content aujourd’hui parce qu’on essaye de regarder tous dans la même direction et le plus important est notre pays. Nous allons mettre nos états d’âmes de coté et nous mettre au service de notre pays.
Camfoot.com : Es-tu le nouveau capitaine ?
Samuel Eto’o : Ça je ne le sais pas. Même si je le savais, je ne pourrais pas le dire car il revient à l’entraîneur de prendre ses responsabilités et de dire publiquement ce qu’il pense. Tout ce que je peux vous dire c’est que j’ai toujours été un des leader de cette équipe. Même si je n’ai pas forcement porté le brassard, vous connaissiez tous mon rôle dans cette équipe.
Camfoot.com : Au cas où ce capitanat devenait officiel, comptes-tu avoir de nouveaux rapports avec la presse Camerounaise avec laquelle plusieurs fois il y a eu des accrochages?
Samuel Eto’o : J’ai la chance d’avoir des amis comme le président (Gustave Samnick, président de l’AJSC ndlr) avec qui on échange beaucoup. Le véritable problème c’est de se faire confiance. Si je vous le dis c’est parce que je sais que vous allez rapporter exactement mes propos.
Le problème était basé sur la confiance. Dites-vous aussi qu’il y a des gens qui ont des intérêts qui ne dépendent pas de nous. À partir de là il ne faut pas mélanger tout le monde parce que c’est comme si j’en voulais à la presse Camerounaise. C’est faux. Il y a des gens qui ont d’autres intérêts que vous ignorez. Vous allez beau faire quelque chose de bien quelqu’un va toujours trouver que ce n’est pas bien. Mais le plus important c’est dire aux Camerounais que je n’ai aucun problème avec qui ce soit. Vous êtes mes frères. Et si vous l’êtes, vous savez forcement que j’adore mon pays et que je ne peux pas détester un Camerounais. Impossible que je le fasse.
Maintenant, je peux être d’accord ou pas sur certaines choses mais on doit comprendre qu’il y a maintenant une structure dans le domaine qu’il faut respecter, que les joueurs doivent respecter, que la fecafoot doit respecter, que le Minsep doit respecter.
Vous travaillez aussi pour gagner votre vie et aussi faire partager aux Camerounais qui sont aux fonds des villages la vie au sein de l’équipe nationale parce qu’ils doivent le savoir. C’est leur équipe nationale. Il ne faut pas que ce soit un secret d’Etat. Nous avons trouver un terrain d’entente. Il y aura toujours un accès facile dans le respect de tous. Quand vous viendrez, il y aura toujours deux joueurs à votre disposition. Après c’est le coach qui doit décider qui vient ou pas mais vous aurez toujours deux joueurs à qui poser vos questions toujours en respectant la vie de l’équipe nationale. Il faut que ce soit un truc sur le long terme parce que ça se passe comme ça partout.
Camfoot.com : Paul Le Guen semble vouloir s’appuyer particulièrement sur toi …
Samuel Eto’o : Dans toutes les équipes, il y a toujours un ou deux joueurs autour desquels l’entraîneur bâtit le groupe.
Camfoot.com : Et pour ce qui est du projet de jeu de Mr Le Guen ?
Samuel Eto’o : On est revenu sur une certaine tactique qu’on avait employée il y a quelques années. Maintenant vous savez que ce sont les joueurs qui mettent en valeur un système de jeu. La chance qu’on a aujourd’hui c’est qu’on a de très bons joueurs qui évoluent dans des clubs importants. Donc, il devrait être plus facile pour nous d’assimiler facilement certaines choses. J’espère qu’on va rapidement se retrouver dans ce système que plusieurs utilisent déjà en club.
Camfoot.com : Pour ce qui est de sa singularité, Eto’o restera-t-il dans l’axe de l’attaque ?
Samuel Eto’o : Le plus important pour moi c’est de jouer et de trouver la cohésion avec mes coéquipiers, que ce soit ceux du milieu de terrain ou ceux de l’attaque. Donc, je dois toujours trouver ma position dans le stade et me libérer de façon que mes coéquipiers puissent me trouver facilement.
Camfoot.com : Le problème de cette équipe réside dans on inefficacité offensive. Un paradoxe avec toi, l’un des meilleurs attaquants du monde …
Samuel Eto’o : Le meilleur attaquant du monde ne va pas prendre le ballon des buts de Kameni et aller marquer. Non. Il faut que nous trouvions des façons de profiter chacun de notre talent. Oui je peux marquer beaucoup de buts, et même quand je suis suivi de près par deux ou trois joueurs adverses, l’équipe peut en profiter à cause des espaces que cela va sûrement créer. Disons plutôt que l’action se doit collective.
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Camfoot.com : Comment se passent tes débuts à l’Inter?
Samuel Eto’o : Ça se passe très bien, l’entraîneur m’a bien reçu. J’avais déjà eu à discuter avec lui, donc il n’y avait pas de problèmes à ce niveau. Je savais ce qui m’attendait là bas. Milan est une très belle ville, je suis encore entrain d’essayer de trouver mes repères.
Camfoot.com : Tu es aussi très lié à la mode et Milan c’est la capitale de la mode …
Samuel Eto’o : Rires … Oui ! Milan c’est la capitale de la mode mais je ne vais pas y mettre tout mon argent. C’est vrai qu’après le football, il faut prendre soin de soi. De ce côté-là, j’ai toujours eu la chance de faire des grandes villes : Madrid, Majorque, Barcelone et maintenant Milan. Je suis vraiment content d’être à Milan et j’espère que les cinq prochaines années seront au minimum comme à Barcelone en termes de bonheur, de trophées. C’est le plus important.
Camfoot.com : Trop de rumeurs ont circulé durant le dernier mois. As-tu eu des différents financiers avec Barcelone au moment de votre transfert ?
Samuel Eto’o : Je ne gère pas ça. J’ai quelqu’un qui est payé pour ça. Ma préoccupation c’est de jouer, celle de mon avocat est de trouver un terrain d’entente s’il y a un problème. Je ne peux pas être partout. S’il a jugé qu’il y avait un litige quelque part qui devrait être résolu en ma faveur, il trouvera sûrement la solution.
Camfoot.com : As-tu eu le temps de dire au revoir à tes anciens coéquipiers ?
Samuel Eto’o : Non ! Vu que je suis au téléphone chaque jour avec la plus part d’entre eux, ce n’est pas trop grave. Mais, j’aurais le temps de passer par Barcelone déjeuner ou dîner avec eux et leur dire merci parce que je suis arrivé dans cette équipe avec des coéquipiers et je suis reparti de là en ayant des amis.
Camfoot.com : Ne ressens-tu pas une grosse pression par rapport aux attentes avec l’Inter et particulièrement l’impératif de gagner la Champions League ?
Samuel Eto’o : Non aucune ! Je vais jouer ma carte à fond pour tous les matchs. Je sais qu’on a une bonne équipe, on essayera de donner le meilleur de nous même pour arriver au bout de toutes les compétitions. On sait que ce ne sera pas facile mais bon, essayer ne nous coûte rien. Quand vous allez avec cette mentalité là, au final vous pouvez vous retrouver avec de belles surprises. Mon job à l’Inter est de jouer et essayer de trouver les solutions pour marquer et faire marquer à mes coéquipiers.
Camfoot.com : ton début de saison à l’Inter pourrait jouer en ta faveur au niveau des récompenses individuelles de la FIFA ou de Francefootball …
Samuel Eto’o : Je ne pense pas à ça. Vous pouvez dire que je suis le meilleur ou non, ça c’est votre opinion. Mon job c’est de jouer, de prendre du plaisir et d’en donner. Après s’ils me choisissent c’est bon mais, je crois que j’ai prouvé l’année dernière que malgré toutes les difficultés que j’ai pu connaître, il y a très peu d’attaquants qui ont marqué autant de buts que moi, très peu qui ont gagné des titres en marquant autant de buts importants quand il le fallait comme moi. Je ne vais pas le changer. Aujourd’hui je ne vais pas me mettre la pression en disant je vais gagner le ballon d’or donc il faut à tout prix marquer des buts. Non ! Je dois travailler dans mon équipe, je dois gagner la confiance dans mon équipe. Ils doivent dire de moi, on a amené un joueur qui est le symbole de l’équipe. Mon ballon d’or aujourd’hui, c’est de gagner la confiance de mon équipe.
Camfoot.com : Tu m’as dit à Zurich quand tu était troisième joueur du monde FIFA que tu avais une pensée pour ta maman qui se levait tôt chaque matin pour aller vendre du poisson afin de te nourrir …
Samuel Eto’o : Il y a quelques jours à Paris, j’avais l’occasion de dire à mes coéquipiers qu’on comprenne qu’on a de la chance. J’ai voyagé au Cameroun dans un endroit où je n’avais jamais pensé aller ; et je sais combien les Camerounais nous aiment. Dites-vous que quelqu’un fait des kilomètres pour vous voir jouer après avoir longuement économiser ses 300 frs CFA. Nous sommes des millionnaires et le seul plaisir que nous poussions donner à ces gens c’est de gagner des matchs. Il n’y a que ça.
Je ramène toujours ces exemples à ma maman et beaucoup se demandent pourquoi je ne parle pas beaucoup de mon papa. Mon papa a beaucoup fait pour moi et je lui dirais éternellement merci parce que c’est mon Dieu vivant sur terre. Mais, ma maman c’est celle qui m’a donné la vie, c’est celle qui a souffert pour moi, c’est celle qui m’a porté pendant neuf mois. Nos mamans sont celles qui nous portent dans toutes les situations, c’est le sein qu’on aura toujours pour pleurer ou pour rire. Je ne sais pas si vous comprenez ce que je veux dire ? À chaque fois que j’ai l’occasion de recevoir quelque chose, ma première pensée est toujours pour ma maman. Nos mamans sont uniques, la mienne plus encore. C’est pour ça que je vous l’ai dit à Zurich. Vous savez quand vous souffrez comme elle et qu’aujourd’hui le bon Dieu a voulu que je puisse m’en sortir, vous vous dites quand même que les miracles existent. Qui pouvait prédire il y a quelques années à New-Bell que je ne devais pas devenir voleur ? Que les gens allaient payer beaucoup d’argent aujourd’hui juste pour me voir faire ce que j’aime le plus qui est de jouer au football ? Il n’y avait que cette dame là qui se battait et qui croyait en moi.
Camfoot.com : Parlons de ta marque de montre de luxe …
Samuel Eto’o : Je suis d’abord un passionné de montre. Pour nous les hommes, la plus part du temps nous sommes en Jeans et la différence est là – il pointe sa montre du doigt. Donc, c’est notre bijou même si on s’attend à le voir chez une femme. Je voulais créer quelque chose qui me ressemble. J’ai décidé de lancer cette ligne et là je suis entrain de travailler sur la nouvelle collection homme. La collection femme sortira après. Il y aura des colliers, des bagues qui pourront suivre mais, toujours avec une touche du Cameroun. Tous nos articles rappèlent toujours mon pays parce qu’il faut que les gens se disent – quand je ne serais plus là – que celui qui a fait ça vient du Cameroun. Pour moi, c’est ça le plus important.
Propos recueillis par Stephen Sunou à Klagenfurt (Autriche)