Le Sultan roi des Bamoun, que nous avons rencontré à Foumban, nous livre ses premières impressions après la montée de Fédéral du Noun à l’élite du football camerounais. Toute fois, l’ancien ministre des Sports, dissipe rapidement sa satisfaction, ce d’autant qu’il est conscient des obligations et des difficultés qui attendent cette équipe la saison prochaine, en D1. Sa Majesté Ibrahim Mbombo Njoya en appelle déjà à l’unité renforcée de tous les fils et filles de ce département, à leur mobilisation derrière Fédéral: «qu’on mette le paquet parce qu’aujourd’hui, c’est très difficile de pouvoir maintenir une équipe en première division »…
Camfoot.com: Quel est votre sentiment après cette montée de Fédéral du Noun en D1 ?
Sa Majesté Ibrahim Mbombo Njoya : Évidemment, c’est un sentiment de satisfaction générale. Parce que, ça fait quand même 17 ans que Fédéral est aux enfers, comme nous disons dans le jargon sportif. Et, le voir aujourd’hui accéder en première division, ça ne peut susciter que le sentiment de fierté et de joie au sein de la communauté Bamoun en général.
Camfoot.com: Que dites-vous à ceux qui pensent que Fédéral a été repêché et que sa montée en D1 est une véritable surprise ?
Sa Majesté Ibrahim Mbombo Njoya : Ce n’est pas la première fois qu’une équipe est repêchée dans le cadre du sport. Ce n’est pas un cas d’exception. Ce n’est non plus nous qui avons suscité l’acte qui avait été commis à Bafoussam lors du match que vous avez suivi vous-mêmes, et qui a permis à Fédéral d’accéder aujourd’hui en première division. On dit bien souvent que le malheur des uns fait le bonheur des autres ! Et je crois que nous avons profité de cette maxime.
« Je demande aux sympathisants, aux gens qui soutiennent Fédéral que le moment est venu de montrer qu’ils peuvent permettre à ce que le séjour de Fédéral en première division ne soit pas éphémère. »
Camfoot.com: Comment avez-vous suivi l’équipe de bout en bout pendant qu’elle évoluait à Douala ?
Sa Majesté Ibrahim Mbombo Njoya : Avec beaucoup d’émotion ! Nous étions tous rivés auprès de nos radios. Nous avions un peu confiance en l’équipe, bien que nous avions été handicapés par rapport aux autres; les autres ont eu un mois pour préparer le championnat et nous n’avions eu qu’une dizaine de jours à peine. Et on l’a ressenti à notre premier match. Je crois que dans l’ensemble, on avait quand même confiance aux joueurs, parce que ce sont des joueurs qui évoluent très bien sur le terrain.
Camfoot.com: Quel soutien moral leur avez-vous apporté ?
Sa Majesté Ibrahim Mbombo Njoya : Je suis un supporter de Fédéral. Il y a un encadrement officiel qui nous appelait de temps en temps pour nous donner l’évolution de l’équipe. J’ai juste fait le geste d’un père en leur direction. J’ai envoyé quelqu’un à Douala samedi avec 1 million Fcfa pour donner aux joueurs, en leur disant que cela va leur permettre de traverser la dernière étape de leur compétition. Je crois qu’ils ont beaucoup apprécié. En dehors de ça, on m’appelait de partout pour donner le résultat. Et quand il y a eu cette tornade à Douala, j’ai eu des inquiétudes parce que nos joueurs ne sont pas habitués à jouer sur un terrain comme le stade de la Réunification. Bref, tout s’est bien passé en fin de compte.
Et, ce que j’ai aussi apprécié, c’est le fait qu’on ait décidé de faire jouer les matches au même moment. Bon, la tornade n’a pas permis. En tout cas, cela a été une bonne idée. D’abord, cela a permis d’évacuer certains spectateurs à Buéa et de laisser Fédéral avec ses spectateurs à Douala. Cela a alors permis d’éviter les incidents inutiles.
Camfoot.com: Sa Majesté, Fédéral est en D1. Le plus difficile va commencer…
Sa Majesté Ibrahim Mbombo Njoya : …Ah oui. Maintenant, les gens sont contents, c’est vrai. Toute la nuit ils ont dansé à Foumban, à Douala, à Yaoundé, un peu partout, à Ebolowa et même au Gabon. Mais, je dois leur dire tout simplement que c’est maintenant que le plus difficile va commencer. Il faut qu’on s’arme, parce qu’aujourd’hui ce n’est plus comme à notre époque où l’on jouait pour la gloire, pour le plaisir de jouer. Et on ne collectait pas de l’argent. Quand je m’occupais de l’équipe nationale de l’époque, au temps de Mbappe Leppé et compagnie, je leur disais toujours que c’est une fierté de porter les couleurs nationales. Donc, le joueur devait être fier de porter les couleurs comme les militaires sont fiers d’aller défendre l’intégrité de notre pays. Et en retour, il ne devait pas s’attendre à quoi que ce soit, parce que c’était pour eux une fierté. C’est dans cet esprit qu’on jouait. Mais, aujourd’hui, je crois qu’il n’y a aucune équipe qui évolue en première et même en deuxième division qui ne fait pas le « professionnalisme ». Et quand on parle de professionnalisme, ça veut dire qu’il faut, par exemple, payer chaque fin de mois les joueurs. Donc, je demande aux sympathisants, aux gens qui soutiennent Fédéral que le moment est venu de montrer qu’ils peuvent permettre à ce que le séjour de Fédéral en première division ne soit pas éphémère. Il faut qu’on mette le paquet parce que, aujourd’hui, c’est très difficile de pouvoir maintenir une équipe en première division. Il faut de grands moyens!
« Fédéral du Noun représente une unité, le socle où doit se bâtir l’unité du peuple Bamoun ».
Camfoot.com: Vous avez été ministre des Sports, et de nos jours le football camerounais est en train de vouloir aller vers le professionnalisme. Que les clubs soient par exemple physiquement identifiables dans leur fief. Est-ce quelque chose qui doit être fait pour que Fédéral ait un siège?
Sa Majesté Ibrahim Mbombo Njoya : Moi, je crois que la tendance maintenant n’est plus comme avant. C’est devenu une activité à titre commercial. C’est pour ça qu’on parle de conseil d’administration. Et s’il y a un conseil d’administration, il faut qu’il y ait un siège quelque part ; qu’il obéisse à certaines règles. Je pense que nous tendons vers cela. Et j’avais déjà lancé cette idée longtemps, de créer ce qu’on appelle Linafoot, mais ça n’a pas marché. Mais, si on avait adopté cette idée à cette époque-là, nous serions très loin dans le professionnalisme en Afrique. Maintenant, on a pris le train en marche, et je pense qu’aujourd’hui, une équipe de football doit, que ce soit en première ou en deuxième division, s’articuler comme les équipes européennes, c’est-à-dire comme une activité commerciale qui rapporte à des gens qui sont des actionnaires dans la société. C’est comme ça que ça doit fonctionner aujourd’hui. En tout cas, je le vois à peu près ainsi, et même si les dirigeants me demandent mon avis dessus, je leur dirais de moderniser l’équipe, qu’elle soit bâtie sur des socles réalistes.
Camfoot.com: Finalement, que représente Fédéral aujourd’hui pour le département du Noun, pour peuple Bamoun ?
Sa Majesté Ibrahim Mbombo Njoya : Vous savez, si les Bamoun ont beaucoup fêté la victoire de Fédéral, ce n’est pas parce que c’est Fédéral ! C’est parce que pour eux, cela représente une unité, le socle où doit se bâtir l’unité d’un peuple. Je pense que la carte géographique politique du Noun va changer à partir d’hier (Dimanche, 11 décembre, date de montée de Fédéral). Cela va apporter beaucoup de biens entre les enfants. Moi, j’ai toujours dit que le sport est un facteur d’unité qui permette à ce qu’un peuple puisse avancer. Vous savez, je disais toujours que quand une équipe est en première division, comme le sera Fédéral demain, le dimanche il va jouer un match. Mais de lundi à vendredi, c’est le commentaire sur la rencontre. Ainsi de suite. Tous les partis politiques qui divisent les gens vont être oubliés, après le match. Le lundi, les gens préféreront parler comment l’équipe s’est produite sur le terrain que de parler du rassemblement, des divisions politiques, etc. C’est ça la chance que le sport rapporte dans les pays du Sud où les gens ont les problèmes matériels, économiques, etc. Donc, c’est pour moi un facteur d’unité très important. Je suis convaincu quant à moi que le Noun, à partir d’hier, n’aura plus le même visage.
Camfoot.com: On parle de quelques dispositions particulières traditionnelles qui seraient en train d’être prises à votre niveau pour accueillir Fédéral du Noun à son retour de Douala…
Sa Majesté Ibrahim Mbombo Njoya : Nous sommes en train de préparer justement ce retour. La première des choses que j’ai demandé aux dirigeants, c’est d’aller à Yaoundé voir le ministre Njankouo qui a beaucoup fait pour la montée de Fédéral en première division. Après, ils reviendront à Douala, certainement jeudi pour pouvoir monter ici (à Foumban) samedi, pour venir présenter, selon nos traditions, le trophée à leur roi, le sultan Bamoun. Ensuite, le mercredi d’après (21 décembre), ils iront présenter le trophée au préfet du département du Noun. Voilà à peu près le programme.
Propos recueillis par Kisito NGALAMOU, à Foumban