Nous avons rencontré Son Excellence l’Ambassadeur mardi au stade annexe omnisports de Yaoundé alors qu’il présidait à l’ouverture d’un championnat de jeune. Il a accepté de faire le diagnostic du football jeune au Cameroun et nous parle aussi des lions indomptables et des rumeurs sur sa présumée mise à l’écart.
Camfoot.com: Bonjour Son Excellence. Quel est votre commentaire à l’issue de ce match entre Le Bon FC de Bafoussam et Semences Olympiques de Yaoundé?
Roger Milla: Ce que je peux dire c’est que Le Bon FC a été simplement bon. Je pense qu’on a assisté à un match très engagé, surtout avec une très bonne équipe de Le Bon Fc. Je ne savais pas qu’il y avait d’aussi bons joueurs comme ça dans d’autres provinces. Nous avons donc intérêt à prospecter dans toutes les provinces pour détecter les talents afin de les intégrer dans les différentes équipes nationales.
Camfoot.com: Il y a trois ans qu’aucun championnat de jeune digne de ce nom n’est organisé, Y a-t-il lieu d’interpeller la fédération ?
Roger Milla: Il ne faut pas oublier qu’il n’y a pas longtemps, la fédération a organisé le football des jeunes, mais ce championnat a été interrompu sans qu’on ne sache trop pourquoi. C’est dommage que nos équipes de première division ne puissent avoir d’équipe réserve. Si on continue dans cette voie, je ne sais pas où est-ce qu’on ira chercher les joueurs pour la relève. Je pense qu’il faut rapidement mettre en place un véritable championnat de jeune qui sera une sorte de pépinière.
Camfoot.com: Que vous inspire l’organisation d’un championnat comme celui que vous venez de présider ?
Roger Milla: Je pense que c’est tout simplement un championnat de vacances comme il y en a des milliers au Cameroun. J’ai participé dernièrement à une finale à Meiganga dans la province de l’Adamaoua où j’ai vu deux très bonnes équipes de jeune. Je crois qu’il faut vraiment sillonner toutes les villes du Cameroun pour sortir ces jeunes, même s’ils ne peuvent pas tous jouer dans des équipes, qu’on ait au moins un centre où l’on peut loger tous les meilleurs venus de province, afin qu’ils s’entraînent pour assurer la relève.
Camfoot.com: Avant de pratiqué le football de haut niveau, vous aussi avez sûrement commencé comme ces jeunes que nous avons regardé cet après midi ?
Roger Milla: Nous avons commencé avec beaucoup de difficultés. Nous n’avions pas de godasses comme ces jeunes. On jouait pieds nus et on rentrait à la maison le soir avec des blessures aux orteils, et nos mamans mettaient du piment pour les guérir rapidement. Je pense qu’ils ont beaucoup de chance aujourd’hui parce que les choses ont évolué. C’est pourquoi il faut être très proche de ces enfants pour leur donner des conseils nécessaires à leur épanouissement.
Camfoot.com: Avez-vous pensé vous-même à avoir un centre de formation pour encadrer les jeunes ?
Roger Milla: Vous savez, on me combat déjà ailleurs. S’il faille que j’aille encore faire un centre de formation, ça va encore être un autre combat. Pour l’instant, je préfère encourager les autres centres en leur offrant des dons. J’en profite d’ailleurs pour vous dire que je prépare une cérémonie de remise de ballons à tous les centres de formation à travers le pays et aux clubs de première division ainsi qu’à d’autres disciplines sportives. Nous n’allons pas tous avoir des centres de formation. Il faut des gens pour encourager les initiateurs.
Camfoot.com: S’ils vous demandaient votre avis, quels conseils leur prodigueriez-vous ?
Roger Milla: Il faut simplement être sérieux dans son travail, parce que lorsqu’on arrive à avoir un agrément signé par l’État pour l’ouverture d’un centre, il faut être sérieux. Quand je dis sérieux, c’est qu’il faut obéir aux règles de la Fifa, il faut avoir des médecins pour assurer le côté santé, des entraîneurs qualifiés. Bref, il faut créer un cadre propice pour l’évolution des enfants, parce que la base est très importante.
Camfoot.com: Excellence, vous vous êtes absenté longtemps sans que l’on ne sache la raison. Beaucoup de choses se sont passées sans que l’on ait votre point de vue, par exemple la nomination d’un directeur général français à la Fecafoot, le rendez-vous crucial d’Abidjan …
Roger Milla: (Hésitations) Il est vrai que je suis un ancien lion, peut-être plus proche de la fédération camerounaise de football, mais il faut dire que j’ai aussi des choses à faire, j’ai mes enfants qui sont en Europe. De temps en temps, il faut que j’aille rester un ou deux mois avec eux. J’en ai profité pour faire mon bilan de santé pour savoir où j’en suis, parce qu’il y’avait des moments où j’avais quelques petits malaises, soit après le sport, soit simplement de temps à autre. Il a donc fallu que j’aille voir mes médecins pour faire un bilan général. C’est ainsi qu’on peut justifier mon absence.
Camfoot.com: Parlant des lions, si on fait un rapprochement avec l’équipe de France où les anciens comme Zidane, Makelélé, Thuram reviennent, pensez-vous possible un tel mouvement du côté des Lions ?
Roger Milla: C’est ceux qui gèrent les lions indomptables qui peuvent répondre à cette question. Moi j’ai toujours dit qu’il n’y a pas d’âge en football. Quand on a ses jambes, son cœur en bonne place, on peut même à 40 ans, 50 ans revenir et faire beaucoup de choses. Donc si les anciens qui ont pris la pré retraite sont en forme dans leur équipe et qu’on peut faire appel à eux, ce serait une bonne chose parce que nous avons besoin de résultat immédiat. Ce ne sont plus que deux matchs qui nous restent pour la qualification à la coupe du monde de 2006. Le match du 4 septembre prochain contre la Côte d’ivoire sera un match très difficile pour les deux équipes, mais beaucoup plus pour nous puisqu’on joue à Abidjan. Et là-bas beaucoup de choses se passent et les Ivoiriens sont à un doigt de leur première qualification à une phase finale de coupe du monde. Il y a beaucoup de choses qui vont rentrer dans ce match. Donc nous devons nous attendre a priori à un match très difficile.
Camfoot.com: Quel message adressez-vous aux joueurs camerounais à la veille d’un tel match ?
Roger Milla: Je leur demande tout simplement de continuer comme ils ont toujours fait. Les lions ont démontré dans beaucoup de pays qu’ils étaient capables de gagner à l’extérieur. On a gagné la coupe d’Afrique des Nations au Mali en battant le Mali. On a gagné la coupe d’Afrique au Nigeria en battant le Nigeria à Lagos. Je crois qu’ils sont capables d’aller gagner à Abidjan. Maintenant, il nous appartient à partir du Cameroun, de mettre tout en œuvre pour que les jeunes se sentent à l’aise pour gagner ce match.
Camfoot.com: Excellence, vous êtes sûrement au courant de la rumeur qui dit que vous avez été chassé de l’entourage des lions ? Est-elle fondée ?
Roger Milla: (En colère) Personne ne peut me chasser autour des lions. Je crois avoir fait des lions ce qu’ils sont aujourd’hui. Donc, ce n’est pas un individu qui va sortir de je ne sais où, pour me chasser de l’équipe nationale. Si je ne suis pas autour, c’est simplement que j’ai pris du recul parce que je n’aime pas du désordre, je n’aime pas être dans un milieu où il y a la concurrence malsaine. La personne qui a des compétences doit être mise à la place qu’il faut. Il faut qu’on laisse nos jalousies de côté.
On est là tous pour un même but, celui de faire avancer notre pays. On doit écouter tout le monde parce que personne n’a le monopole de la parole. Même si on a la dernière signature, personne n’a le monopole de la parole parce que celui qui a la dernière signature peut avoir une mauvaise parole, alors que la bonne parole peut venir d’ailleurs.
Je pense qu’il faut accepter tout le monde lorsqu’on fait un travail. Ce n’est que comme cela qu’on peut avoir de bon résultat.
Personne ne m’a écarté de l’équipe nationale. Je suis là, j’observe.
Camfoot.com: Est-ce que vous donnez peut être raison à Etamé Mayer qui dit qu’il ne peut pas revenir dans cette équipe tant que la situation de désordre persiste ?
Roger Milla: Sur ce point là, il a tout à fait raison. Si on ne peut pas mettre les gens qui véritablement doivent faire leur travail, qui sont des techniciens qui connaissent leur boulot, si on ne peut pas les mettre à leur place et qu’on aille prendre les gens parce qu’on a tel ami à gauche, tel autre à droite qu’on nomme pour les contenter, c’est tout à fait normal que Etamé vous dise qu’il ne peut pas revenir et moi je lui donne raison. J’aurais été à sa place que j’aurais fait la même chose.
Propos recueillis par Guy Nsigué à Yaoundé