Depuis quelques jours, le contrat du technicien français est arrivé à expiration. C’est un homme déçu, choqué, humilié que nous avons rencontré dans son bureau de la Fecafoot qu’il s’attelle à libérer. Robert Corfou parle de son bilan et surtout comment il compte récupérer ses onze mois d’arriérés de salaire. Sans détour, il affirme que c’est la mort dans l’âme qu’il est obligé de porter plainte au Cameroun afin d’entrer en possession de son dû. Un pays qu’il quitte malgré tout avec beaucoup de peine.
Camfoot.com: Depuis le 03 mai dernier votre contrat est arrivé à terme, comment doit-on vous appeler désormais Dtn, ancien Dtn ?
Robert Corfou : D’abord avant de répondre à votre question, je tiens à remercier Camfoot pour l’occasion que vous m’avez donné chaque fois de m’exprimer. Vous au moins, vous avez permis au peuple de s’apercevoir de ce que j’étais capable de faire. Par rapport à votre question, le nom Dtn restera gravé toute la vie au moins avec les éducateurs qui me connaissent, mais pour ceux qui ne veulent pas, je suis l’ancien Dtn.
Camfoot.com: Il y a une semaine que vous êtes en fin de contrat. Que vous dit votre employeur ?
Robert Corfou : Je ne sais pas ce qu’il me dit pour le moment. J’ai reçu un courrier de sa part comme quoi tout devrait être réglé avant la fin de mon contrat. Ensuite il y a une réunion avec tous les responsables du ministère à savoir, le DAG, le Directeur des Sports, le Juriste du ministère, le Secrétaire Général et moi-même. On s’est mis d’accord sur les dettes qu’on me doit, ils ont signé. Je ne vois pas où il y a le problème. Maintenant il y a des personnes qui bloquent mon dossier, j’en suis persuadé. Le problème qu’il y a maintenant c’est que je ne peux plus me permettre de continuer à m’endetter. Ces fonctionnaires là qui gagnent leur salaire et touchent autre chose se permettent de mettre les expatriés dans l’embarras. Je n’ai pas demandé à venir au Cameroun même si je ne regrette rien, car c’est une bonne expérience, mais l’image qu’ils donnent au Cameroun est triste et malheureuse.
Camfoot.com: Que retiendra-t-on de vos quatre années passées au pays de Roger Milla ?
Robert Corfou : C’est de comprendre, d’essayer de bâtir, de mettre en place un plan d’action qui était clair et net signé par le ministre et le président de la fédération. Mais ils ne m’ont jamais donné les moyens pour travailler. J’ai fait le maximum jusqu’au 03 mai date de la fin de mon contrat. J’ai formé à ce jour 1000 éducateurs de football niveau 1, 2 et 3. Avant, les parents ne savaient pas qui s’occupaient de leur progéniture. Maintenant ces éducateurs ont les rudiments nécessaires pour la base. La France est devenue championne du monde et d’Europe à cause de la formation et j’y ai participé grandement. J’ai fait le tour du Cameroun pour installer les écoles de football. J’étais à Ma’an, à Wum, dans les coins les plus reculés. Quand je suis arrivé, j’ai fait un séminaire pour expliquer aux camerounais le plan d’action de la Direction Technique Nationale et la politique technique, ce qui a été présenté au ministre qui a d’ailleurs accepté, mais je ne comprends pas pourquoi personne n’a adhéré. On m’a confié à un moment les lions pour les éliminatoires de la coupe du monde; ce que j’ai fait avec professionnalisme. Avec mes propres moyens, j’ai servi ce pays.
Camfoot.com: On vous doit onze mois de salaire. Comment comptez vous recupérez votre argent ?
Robert Corfou : Je viens de vous dire à l’entrée en matière qu’on me doit onze mois et j’ai horreur de faire beaucoup de bruit. Mais il arrive un moment puisque mon contrat est fini et par rapport au courrier que j’ai eu du ministre que tout devait être fait en temps et en heure. Une réunion a été organisée avec les cadres du ministère où l’on a mis tout au point et on était tous d’accord sur le montant qui m’est dû. Je crois qu’à l’arrivée, il y a un problème d’incompétence. Le ministère des Finances et tous ceux qui gravitent autour n’ont pas conscience de ce gros problème. Ils se foutent de ma gueule. Alors puisque c’est ça, on va en venir à ce que je ne voulais pas et il faut que le peuple le sache. La Fifa va se saisir du dossier et si la Fifa ne peut pas résoudre ce problème, on ira en justice, même si ça dure un an, deux ans ou trois.
Camfoot.com: Sur quatre années, on vous doit seulement 11 mois. Vous étiez donc régulièrement rémunérés au début?
Robert Corfou : Vous savez, il y avait le ministre Bidoung Mpkatt ensuite le ministre Etamé et le ministre Mbarga, il y avait aussi l’ancien directeur administratif Nguidjol et Madame Betala qui est une femme gentille. Je n’arrivais pas à comprendre leur système. Je devais être salarié comme un fonctionnaire tous les mois, je crois que ce qui s’est passé est très compliqué. Je pense que tout travailleur mérite salaire. La vérité c’est que ces gens ne pensent qu’à eux, mais pas à ceux qui sont dans l’embarras comme moi. Dans mon pays, je me suis endetté pour vivre ici et faire mon travail, c’est pas possible.
Camfoot.com: Vous voulez dire qu’avec le ministre Bidoung Mpkatt tout se passait bien et que c’est avec les autres que la situation s’est détériorée ?
Robert Corfou : On arrivait à jongler. J’arrivais à gagner un peu d’argent, mais je crois qu’ils sont tous pareils. Je ne sais pas si c’est le Cameroun qui le veut, mais ils sont tous pareils. Ils ont un intérêt par apport à mon salaire. S’ils veulent quelque chose qu’ils me disent clairement. Mais c’est une honte. Dites-moi si c’est ce qu’il faut faire. Qu’ils prennent conscience de la gravité de ce qu’ils me font.
Camfoot.com: Avez-vous reçu des sollicitations d’aide pour faire débloquer votre dossier ?
Robert Corfou : Vous savez, vous les journalistes, que je n’ai jamais adhéré à une certaine politique. C’est vrai que de temps en temps je le regrette parce que je n’ai pas compris au départ, car les médias n’ont jamais parlé de moi si ce n’est vous.
Camfoot.com: Quel montant vous doit-on ?
Robert Corfou : Le montant, je vous le dirais dans une conférence de presse comme promis.
Camfoot.com: D’aucuns parlent de 100 millions ?
Robert Corfou : Quand on calcule par rapport aux journalistes qui parlent de dix millions par mois de salaire c’est ça, mais je vous dirais combien je gagnais en France et vous verrez pour combien d’argent je suis venu et après vous allez calculer. Je n’ai pas demandé à venir. Que les gens me fichent la paix avec ça. J’ai fait des choses pour ce pays. Ils le savent tous. Que les éducateurs qui ont travaillé avec moi le disent haut et fort, mais personne ne dit rien, tout le monde a peur.
Camfoot.com: Trouvez-vous que ce soit normal de traîner le Cameroun en justice, un pays où vous avez vécu tout de même en paix et que vous dites aimer ?
Robert Corfou : (Enervé) Là je vais vous dire quelque chose. Là vous n’êtes pas sympa. Vous me choquez et je suis très malheureux pour ce que je vais vous dire. Comment voulez-vous que je récupère mon argent? Tout ce système, je ne le connaissais pas du tout. Mes avocats depuis deux, trois mois m’ont averti en me disant Robert, tu ne seras pas payé, car c’est comme ça le Cameroun, tu vois vous avez déjà une image qui n’est pas très bonne, alors comment voulez-vous que je récupère mon argent. J’ai attendu au dernier moment, j’étais conciliant jusqu’à la dernière minute. J’ai laissé passé trois, quatre jours, je suis obligé de confier l’affaire à mes avocats qui vont voir la Fifa qui doit faire l’arbitre. C’est regrettable et je ne suis pas très fier.
Camfoot.com: Schäfer est parti avec les arriérés. Vous, vous n’êtes pas payé, aujourd’hui c’est Artur Jorge qui attend de voir son premier salaire. Vous qui avez vécu 4 ans dans ce pays, qu’est-ce qui peut expliquer cette situation?
Robert Corfou : Dans ce que vous avez dit, il y a un français, un allemand et un portugais donc vous voyez c’est pas bien pour l’image de ce très beau pays.
Camfoot.com: Maintenant que vous partez, y a-t-il un technicien au Cameroun capable de remplir cette fonction de Dtn ?
Robert Corfou : Le problème est que s’il y avait une superbe organisation au niveau du ministère et même de la fédération, j’aurais pu former quelqu’un. Il y en a qui sont formés, je pense à mon collègue Ewané Bertin qui est jeune et qui a de grosses qualités mais on ne sait pas s’en servir. Dominique Wansi n’est pas une personne d’aujourd’hui. Mais j’ai toujours dit quand je suis arrivé, que je souhaitais former un Camerounais pour me remplacer et les gens se foutaient de ma gueule. Maintenant on s’aperçoit qu’il faut relever le football, et comment on va le relever. La fédération n’a pas toutes les sélections nationales, qui vont-ils mettre comme entraîneur? Les joueurs de haut niveau ? Bien sûr qu’ils vont tomber sur des joueurs qui n’ont pas besoin d’être techniquement et collectivement préparés, mais il y a un langage. J’avais proposé de recycler ces anciennes gloires, mais personne ne m’a pris au sérieux.
« …les entraîneurs nationaux qui ont été nommés par le ministre des choses, il va falloir qu’ils se regardent dans la glace… »
Camfoot.com: On vous annonce dans plusieurs structures au Cameroun, certains parlent même du Bénin où l’on vous propose le poste de Dtn. Quel est votre avenir ?
Robert Corfou : J’ai des contacts, ce qui veut dire qu’il y a des gens qui reconnaissent ce que j’ai eu envie de faire et que je n’ai pu mettre en place. Je ne peux pas vous dire exactement les clubs et les pays qui me sollicitent, mais je vous reproche, vous les médias de ne pas avoir la gentillesse de vous adresser à mon Dtn à Paris Aimé Jacquet.
Camfoot.com: Et la piste béninoise ?
Robert Corfou : Le Bénin c’est une possibilité, le Qatar c’est une possibilité, le Congo, le Tchad c’est des possibilités. Je vais essayer de voir maintenant avec l’expérience – et je vous en remercie au Cameroun – que j’ai acquise auprès des africains que je ne maîtrisais pas trop. Par contre, sachez que le Cameroun me tient à cœur; mais sachez que je ne suis pas l’individu qui se fait une place au soleil comme les entraîneurs. Je suis venu mettre en place quelque chose, mais personne ne m’a suivi.
Je voulais aussi dire deux mots, les entraîneurs nationaux qui ont été nommés par le ministre des choses, il va falloir qu’ils se regardent dans la glace parce que je trouve que c’est très grave ce qu’ils ont fait envers la Direction Technique Nationale.
Camfoot.com: On sait que depuis trois ans, vous avez en dehors du football mis sur pied un orphelinat. Maintenant que vous partez, quel avenir sera reservé à cette structure ?
Robert Corfou : Je pense que je me relâche un peu parce que maintenant je ne suis pas sous contrat, parce que personne ne me dira plus que je n’ai pas le droit de parler sans salir le ministère ou la fédération. Je dis simplement la vérité. C’est vrai que depuis 3 ans et demi j’ai un orphelinat, est-ce que vous croyez que j’ai voulu flamber avec ça, pas du tout. Oui c’est vrai que j’ai vendu des poupées à Paris, à la fédération française de football, dans les ligues et dans les districts, oui ils ont adhéré à ce projet d’orphelinat, oui la coopération m’a aidé, le secrétaire général m’a donné un coup de pouce. Je ne veux pas faire pitié, ce que je souhaite c’est que ces orphelins que j’ai depuis 3 ans et demi, qui sont de 2 ans à 15 ans qu’on ne les laisse pas tomber, je crois que c’est le plus gros problème de mon départ. Je ne peux que les aider gentiment avec mes petits moyens, ils mangent bien, dorment bien et vont à l’école. C’est une prière, qu’on ne laisse pas tomber.
Camfoot.com: Si on revenait sur vos soucis, votre contrat a été signé par le ministère et la fédération, que dit cette dernière devant vos problèmes ?
Robert Corfou : Rien, mon contrat était signé de Monsieur Bidoung Mpkatt et du président Iya. Il y a sept articles de ce contrat qui n’ont jamais été respectés. Que les Camerounais me comprennent. Je n’ai pas demandé à venir, je suis un homme très sensible et très respectueux de la culture camerounaise, alors qu’on ne m’incrimine pas si ailleurs il y a des gens malhonnêtes.
Camfoot.com: Avec votre permission on va parler de tout autre chose, la fécafoot vient d’engager un de vos compatriotes, Patrick Prêcheur. avez-vous une idée de ce nouveau Directeur Général ?
Robert Corfou : Je vais vous dire un truc. Dans le milieu du football en France, si ce n’est qu’il a joué à Nancy, je ne sais pas ce qu’il faisait vraiment. Donc, je ne connais pas ce monsieur.
Camfoot.com: Pourtant on nous parle d’un entraîneur chevronné en France ?
Robert Corfou : Je suppose que si Iya Mohammed l’a engagé, il avait de bonnes raisons, mais je suis surpris parce que connaissant le Cameroun, je pense qu’il aura besoin de l’aide de Louis Marie Ondoua. Toutefois, je suis surpris parce que je ne connais pas ce monsieur, mais je lui souhaite beaucoup de bonheur, et c’est pas hypocrite ce que je dis, beaucoup de réussite parce que le Cameroun le mérite. Mais ça va être très dur pour lui tout de même.
« …je pense que le français qui arrive à la Fecafoot n’est pas trop bête, il va essayer de gérer, mettre des couloirs et des responsabilités dans chaque bureau. »
Camfoot.com: Justement quand on sait que la Fécafoot n’est pas bien structurée, vous pensez que monsieur Prêcheur va s’en sortir ?
Robert Corfou : Pour moi c’est très compliqué. J’ai été DTN, j’habitais à la fédération, mais je n’ai jamais été présenté aux personnels et même à qui que ce soit. Il y a qu’au Cameroun qu’on voit ça. En plus, les moyens de fonctionnement qu’ils m’ont promis, je n’ai jamais rien vu. Je me suis bagarré jusqu’à la fin et j’ai compris que c’était une perte de temps, c’est trop, trop, trop difficile. Donc ce monsieur a tout à refaire de A à Z, car il n’y a aucune organisation administrative à la Fecafoot.
Camfoot.com: S’il y a ce désordre à la Fécafoot, à qui la faute ?
Robert Corfou : Cinq ou six vices présidents ça sert à quoi? Il faut me l’expliquer. Maintenant c’est le Cameroun, c’est l’Afrique. Si c’est comme ça en Afrique j’accepte. Je vais vous dire quelque chose, je pense que le français qui arrive à la Fecafoot n’est pas trop bête, il va essayer de gérer, mettre des couloirs et des responsabilités dans chaque bureau.
Camfoot.com: Quand on sait que la liste de ceux qui ne sont pas payé s’allonge chaque jour, peut-on espérer tout de même que celui-là soit payé ?
Robert Corfou : C’est malheureux, c’est une honte. Même si les gens sont très agressifs et méchants avec les expatriés, parce que là c’est l’Allemagne, la France, le Portugal, et là c’est le cœur qui parle, c’est une honte que vous ne méritez pas.
Camfoot.com: Si on vous demandait de donner un seul conseil à ce compatriote qui arrive dans un terrain que vous connaissez, que lui diriez-vous ?
Robert Corfou : D’écouter, de regarder et de composer
Camfoot.com: Un dernier mot aux Camerounais ?
Robert Corfou : Gros plaisir d’avoir vécu dans ce pays, et tel qu’on me connaît c’est sincère, j’adore les camerounais et les camerounaises
Camfoot.com: Vous parlez bien des camerounaises?
Robert Corfou : Elles sont belles, gentilles et agréables.
Camfoot.com: Et vous avez eu l’occasion d’en savoir plus sur les Camerounaises ?
Vous savez quand on est sportif, on côtoie toute famille et on est des hommes de contacts et de communication. Je pense que c’est important de montrer au vu du monde et envers les femmes en plus que le football est quelque chose de sérieux et d’agréable.
Camfoot.com: Robert Corfou, si tout le monde reconnaît que vous êtes un grand technicien et un grand travailleur, on dit également que vous aimez la vie ?
Robert Corfou : Ça c’est vrai, j’adore la vie et le prends en pleine dent, d’abord parce qu’il ne me reste pas beaucoup de temps et puis ça fait partie de ma mission, qui consiste à faire découvrir l’image d’un sportif qui n’a pas franchit une barrière parce qu’il n’a pas voulu. J’estime qu’ici je voulais mettre une impulsion aussi bien avec les femmes qu’avec les hommes, seulement on ne s’est pas intéressé à ce que je fais, soit par jalousie, soit par incompétence. Mais j’adore la vie. Bien sûr que j’adore la vie. J’adore manger, boire, sortir.
Camfoot.com: Robert Corfou, merci beaucoup
Robert Corfou : Non c’est moi qui vous remercie. Vous savez ce que je vais vous dire, c’est que je vais avoir un gros pincement au cœur de partir de votre pays.
Propos recueillis par Guy Nsigué à Yaoundé