Il y a peu, lors d’une conférence de presse des Lions indomptables au Mont Febe hôtel, un journaliste s’était vu rabroué parce qu’il s’était intéressé à la présence de Robert Corfou, directeur technique national (Dtn) du Cameroun parmi les panélistes. Le modérateur l’avait censuré carrément, estimant que sa préoccupation était tendancieuse, si tant est qu’il voulut savoir vraiment le rôle du Dtn auprès de l’équipe nationale. Il avait fallu l’intervention du secrétaire général de la Fécafoot, Jean René Atangana Mballa pour que ladite conférence de presse ne tourne pas au vinaigre, les journalistes voulant déserter la salle. C’est dire combien la personnalité de Dtn du Français Robert Corfou embarrasserait, du moins serait complexe.
Corfou se plaint dans cette interview accordée tout librement à Camfoot. Tout à côté, il parle de l’organisation du football national, en ce qui concerne les jeunes, qui est très mal orienté. Ce qui ne faciliterait pas une bonne sélection de joueurs qui puissent valablement intégrer l’équipe nationale du cameroun. Cet « arbre qui cache la forêt », puisque contrôlée par des vautours qui perturberaient le travail du sélectionneur national, Winni Schäfer. A qui, Robert Corfou exige dialogue et collaboration pour une qualification du Onze national à la Can et au Mondial 2006. Lisez plutôt…
Camfoot.com: Monsieur le directeur technique national, vous revenez des congés en France. On peut dire que ces congés étaient mérités ?
Robert Corfou: Oui. En vérité. Tout d’abord, merci de me donner la parole pour informer un petit plus les gens qui s’intéressent de près ou de loin au football et à ce que nous faisons, en ce qui concerne la formation des éducateurs. Malheureusement, je me trouve dans un problème où le ministère et puis la fédération ne me donnent pas trop les moyens pour travailler, pas du tout. Mais, les formations certainement vont recommencer, puisqu’on a demandé à tous les présidents des Amicales d’éducateurs que les stagiaires puissent payer leur formation. Donc, on va recommencer à faire le tour du pays pour le stage de deuxième niveau, tout en mettant en place le premier niveau pour d’autres. Ça c’est le premier point.
Le deuxième point : j’arrive, il n’y a personne d’aucune part, ni la fédération, ni le ministère. Donc, ma hiérarchie n’est pas là ; je suis encore au point mort. Pourtant, tout a été fait de notre côté. Les transactions ont été faites avec le budget en place et on ne me laisse que miroiter. C’est un petit peu le désordre au niveau de la hiérarchie.
Camfoot.com: Vous étiez en congés, mais il y a votre adjoint qui est resté travailler non ? Des lettres seraient envoyées ces derniers jours aux ligues provinciales pour des stages, non ?
Robert Corfou: Je dirais que je suis parti en laissant quand même quelques missions à la direction technique. C’est moi qui ai fait la grille avec mes collègues, parce qu’on travaille toujours collectivement. A mon retour hier (19 août, ndlr) j’ai joint au téléphone Dominique Wansi qui est mon adjoint pour savoir ce qu’il a fait entre temps. Il m’a fait savoir que tout s’est bien passé… Il faut que le football grandisse au Cameroun pour qu’on puisse avoir des compétitions dignes de ce nom. Il faut former des éducateurs qui ne le sont pas. Ils ont une certaine expérience mais, ils ont besoin de donner toutes les nouvelles qui reviennent sur le tapis. La première priorité c’est la formation des cadres. Il faut qu’on se précipite le plus rapidement possible pour mettre ça en place. On a écrit dans les ligues provinciales, malheureusement on n’a pas de réponse. Et on ne sait plus quoi faire ! On a écrit aux présidents de ligues, pour qu’ils voient avec l’entraîneur provincial chacun, comment organiser le recyclage des entraîneurs de deuxième division. Et là je suis en train d’attendre et toutes les ligues provinciales ont le même courrier ! Ce n’est pas quand même sorcier décrire à la Dtn pour qu’on puisse prendre nos marques !
Camfoot.com: Est-ce qu’il y aurait un problème entre les ligues provinciales et la Dtn de manière à ce qu’elles ne répondent pas, de manière expresse, à vos correspondances ?
Robert Corfou: Non. Il n’ y a aucun problème. Nous sommes en parfaite osmose avec les présidents des Ligues. Je crois que c’est la négligence.
« … Thierry Henri, Anelka, Gallas, Thuram, Makélélé…Tous ces joueurs, je les ai eu en minimes et cadets… »
«Si la Dtn n’atteint pas ses objectifs, c’est la faute aux dirigeants et non à Corfou!»
Camfoot.com: Est-ce que la situation que traverse la Fécafoot depuis peu ne serait pas pour quelque chose ?
Robert Corfou: Oui. Peut-être. Mais nous, on n’est pas concerné. On demande seulement à la hiérarchie de nous donner les moyens pour travailler. Je suis venu détecter, former et sélectionner pour toutes les sélections nationales. Mais, il est bien évident qu’il y a des habitudes qui ont été prises et, tous ces gens là qui sont autour de ces équipes nationales ont des principes. Est-ce qu’ils sont bons ? Est-ce qu’ils ne sont pas bons ? Moi, je dis qu’ils ne sont pas bons ! Parce qu’il n’y pas dialogue. Un entraîneur comme Winfried Schäfer n’a jamais dialogué avec le Dtn. Moi, dès que je suis arrivé ici, j’ai pris l’équipe des Lions indomptables pour un temps. Je l’ai fait parce que je rendais service au pays. Je n’étais pas venu pour ça spécialement. Et puis, ça ne me pose pas de problème, prendre une équipe nationale ! Au contraire. C’est le même reproche que je peux formuler à l’endroit des journalises qui ne se sont jamais renseignés sur la personnalité de Robert Corfou.
Camfoot.com: Et c’est quoi donc la personnalité de Robert Corfou ?
Robert Corfou: C’est une personne qui a vécu très longtemps avec la Dtn. Qui a été joueur de football jusqu’à un certain niveau en D2. Qui n’a pas signé professionnel pour de bonnes raisons de continuer les études pour être plus tard prof. Et donc, j’ai fait dix ans de carrière en D2. J’ai été pris en sélection pré-olympique pour les Jeux de Mexico en 1968. C’est vieux bien sûr mais, c’était pour vous dire que je n’ai pas les pieds carrés.
Dans la région parisienne, avec la Dtn, j’ai détecté et formé beaucoup de joueurs. Si on prend le cas de Thierry Henri, de Anelka, de Gallas, de Thuram, de Makélélé…Tous ces joueurs, je les ai eu en minimes et cadets. Donc, voyez-vous, c’est parce que les gens ont de fausses idées. Mon objectif c’est de venir bosser ; bosser pour que des éducateurs amènent à l’intérieur des clubs des notions techniques, tactiques. Et c’est ici qu’on retrouve le plus gros problème du Cameroun ; parce qu’on n’a pas fait la formation avec les jeunes. Ils ont pris de mauvaises habitudes. On les a laissés jouer avec l’envie de gagner uniquement. Ce n’est pas ça l’objectif seul, c‘est de donner aussi le spectacle pour que le public vienne et revienne.
Camfoot.com: Vous dîtes que la hiérarchie ne vous donne pas les moyens. Il s’agit de laquelle ? Le Minjes ou la Fécafoot ?
Robert Corfou: Les deux.
Camfoot.com: Et quelle est la part de chacun…
Robert Corfou: Ecoutez, on a fait un budget d’un coté pour la détection, sélection et rassemblement à la Fécafoot. Et la formation de cadres, recyclage et tout ça, c’est soutenu par le ministère. Mais, je n’ai rien. Rien ! Pourtant, je l’ai demandé en bonne et due forme. J’ai eu rendez-vous par deux fois avec le ministre, Son Excellence qui m’a bien reçu, heureusement. Il m’a écouté. Il faut que le directeur des sports, qui est notre patron, fasse un effort, un petit effort de mettre quelque chose à notre disposition, pour tous les sports. Il n’y a pas que le football. C’est toutes les Dtn qui ont besoin d’un budget pour fonctionner ; on ne soutient pas que le football !
« Un entraîneur comme Winfried Schâfer n’a jamais dialogué avec le Dtn…. Normalement et hiérarchiquement, il est sous mon contrôle, pas celui du directeur des sports.»
Certes, c’est vrai qu’on m’a fait venir pour ça. Mais, si on fait venir un expatrié comme moi, qui est un dur des durs (sic) sur le plan de la Dtn en France, ce n’est pas pour autre chose que travailler ! Si on n’atteint pas nos objectifs, c’est la faute aux dirigeants ! Je ne fais que me battre. On ne demande pas le Pérou. On demande le minimum pour que nos éducateurs soient formés. Ce n’est pas terrible ça quand même ! C’est parce qu’ils n’ont pas été habitués à avoir des Dtn ! La Dtn, c’était l’entraîneur national qui faisait le travail du Dtn. Et c’est impossible de travailler dans ces conditions là. Il faut un Dtn, que ce soit moi ou un autre, et un entraîneur national qui rentre dans le giron de la Dtn. Normalement et hiérarchiquement, Winfried Schäfer est sous mon contrôle, pas celui du directeur des sports. D’abord technique c’est moi, administrativement c’est le directeur des sports.
Camfoot.com: Depuis que vous êtes au Cameroun, qu’est-ce que vous pouvez dire en terme de bilan ? Est-ce que des jeunes ont été détectés dans les régions du pays ?
Robert Corfou: Bien évidemment ! On a fait des cadets, qui sont donc qualifiés pour la coupe d’Afrique. On était en coupe du monde. On n’a jamais démérité partout où on est passé. Nos juniors se comportent bien. Les A’ ont quand même gagné le tournoi Cemac. Avec seulement trois professionnels, on a gagné les Jeux d’Afrique. Pour les formations, j’ai formé 600 éducateurs. Nous faisons des recyclages des entraîneurs de D1 et deuxième division. Tout le monde sait qu’il y a une Dtn active mais, il faut aller plus loin, surtout dans la préformation et la formation. Donc, le bilan, par rapports aux moyens qu’on m’a donnés, est tout à fait positif.
Camfoot.com: Est-ce que les relais que vous avez dans les provinces font ce que vous leur assignez comme missions ?
Robert Corfou: Oui. Je vous donne un exemple, la ligue provinciale de l’Ouest avec quelqu’un comme l’entraîneur Nana Saleng qui est un homme aussi intéressant. Les entraîneurs provinciaux sont toujours prêts à me donner des rapports. Donc, je n’ai pas de problème avec les entraîneurs provinciaux. Et ils me sollicitent tout le temps et je me déplace vers eux quand je peux.
Camfoot.com: Vous êtes revenus des congés, quels sont les prochains chantiers de la Dtn ?
Robert Corfou: Disons que d’ici la semaine prochaine, on va réunir les cadets. On va faire un tournoi avec les meilleurs cadets des provinces. Je vais également savoir à quel niveau sont les juniors. On a fait beaucoup de détections ; on a brassé beaucoup de joueurs. Donc, on va savoir où est-ce qu’on en est. Au football féminin, les dames sont qualifiées pour la Can. Ça, c’est une bonne chose, malgré l’impréparation et, ce n’est qu’au Cameroun qu’on voit ça. On va savoir ce que c’est que le futsal, parce qu’il existe. Les minimes, on va les avoir pour le tournoi de Limbé pour l’objectif du tournoi de Montaiqu. Avec une organisation totalement différente par rapport à celle qu’on a vécu dernièrement, qui a été une catastrophe, une honte avec des gens qui ont été malhonnêtes envers moi et l’encadrement et envers les jeunes. Malgré cela, ça nous a permis d’avoir six joueurs qui ont été sollicités par des clubs professionnels en France.
Parlant des Amicales, dans chaque province il y a une amicale des éducateurs avec un président en place. On pourra mettre sur place une assemblée générale des éducateurs. C’est Jean Paul Akono qui est le président du Comité mais, depuis il n’a rien fait. Alors, il faut savoir où est-ce qu’on en est. On a besoin de personnes qui soient courageuses, qui connaissent bien le football, qui donnent une bonne aura. Il y a une Amicale des entraîneurs de première division. Je ne sais pas pourquoi ils ont monté une amicale ; je vais voir avec Dominique Wansi, le Dtn adjoint. Il y a une sélection Coorpo qui va prendre corps dans notre pays. Et puis, on est en train de voir avec Ebwellé Bertin, l’ancien joueur des Lions, pour monter un stage accéléré des meilleurs joueurs qui sont passés chez les Lions indomptables. Je vais les avoir pendant un mois et demi. Pour cela, nous sommes en train de rechercher les sponsors.
« Ce n’est quand même pas normal que les minimes, les cadets et les juniors n’aient pas de compétition dans ce pays. »
Camfoot.com: Monsieur le Dtn, à vous entendre durant cet entretien, vous vous insurgez totalement contre l’organisation nationale du football au cameroun. S’il y avait des suggestions à faire pour que les choses se passent plutôt bien, que diriez-vous ?
Robert Corfou: Comme suggestions, c’est la formation des cadres et la reprise totale des activités du football des jeunes, qui ont vu l’amorce pendant deux-trois mois et qui ont été arrêtées par manque de moyens. L’objectif c’est de s’occuper de la jeunesse du pays. Pourquoi est-ce qu’ils arrêtent les compétitions des jeunes ? Il n’y a pas les moyens ? Mais, il faut en trouver ! Ce n’est quand même pas normal que les minimes, les cadets et les juniors n’aient pas de compétition dans ce pays. C’est pas normal ! Quand on voit les Lions indomptables automatiquement on ne voit pas ce qui se passe en dessous. C’est l’arbre qui cache la forêt. Mais, il faut que les dirigeants, de tous les cotés, se mobilisent et donnent les moyens en fonction des équipes qui vont être engagées. Et qu’on ait une compétition de jeunes avec des encadreurs formés. Et vous verrez que dans trois ou quatre ans, les fruits vont porter.
Camfoot.com: Monsieur le Dtn, quel est votre poids au sein de l’équipe nationale du Cameroun ? Comment la voyez-vous dans les éliminatoires de la Can et du Mondial 2006 ?
Robert Corfou: Moi, je trouve que c’est vraiment regrettable que monsieur Schäfer avec l’expérience qu’il a, ne s’est pas entouré de personnes qui pourraient apporter certaines orientations pour la bonne marche de l’équipe nationale. Par exemple, aller filmer les matches de nos adversaires, demander et voir les matches de préparation et amicaux. Je crois que le Bénin, la Libye et la Côte d’Ivoire ont eu des matches de préparation la semaine dernière ! Il n’y a que le Cameroun qui n’a pas de matches ! Pourtant, la Dtn, avec la cellule administrative, nous, on pouvait s’occuper de ça ! Vous allez dans tous les pays, l’équipe nationale est rattachée à la Dtn.
Voyez-vous, l’entraîneur Domenech en France, c’est le directeur technique national qui a demandé que ce soit lui. Il faut qu’ils comprennent qu’il y a une Dtn qui a des responsabilités. Et pour les Lions indomptables, j’estime qu’on peut apporter certaines choses à Schäfer et que c’est lui qui décide. Personnellement, je peux lui apporter beaucoup de choses dans les observations, dans la manière d’évoluer, dans les responsabilités au poste. Parce qu’on peut rester au banc de touche, on voit le match et il y a beaucoup de choses qui sont derrière qu’on ne voit pas. Quand j’étais au Mali, je lui ai fait un rapport détaillé. J’allais voir les équipes. Pourquoi il ne l’a pas fait pour Tunisie 2004 ? Je ne sais pas. Je crois que c’est l’environnement surtout qui perturbe ces relations.
Camfoot.com: Vous voudriez dire que vos consignes ou propositions ne seraient pas prises en compte ?
Robert Corfou: Mes propositions quand j’étais au Mali (Can 2002) ont été prises en compte, et on a gagné. Là, on a été en Tunisie, on n’a pas été visionné une seule fois une ou deux équipes et on a perdu ! Moi, ce que je souhaite c’est que, pour ces éliminatoires Can/coupe du monde 2006, on peut envoyer Robert Corfou ou un autre entraîneur aller observer les autres matches des adversaires des Lions. Voir les points forts, les points faibles et les lacunes des équipes. Ça, c’est le travail professionnel. Mais, s’il veut tout prendre…que voulez-vous que je fasse ? C’est regrettable surtout.
Camfoot.com: Parlant de vous-même monsieur le Dtn. Il y a des choses qui se disent sur votre statut au Cameroun notamment sur votre salaire. IL se dit que vous accumuleriez plusieurs mois d’arriérés de salaire ou que vous ne serriez pas payé du tout. Qu’en est-il exactement ?
Robert Corfou: Vous voyez bien que sans salaire, je peux quand même travailler. Puisque vous le dîtes, moi, je n’ai rien dit. Je n’ai rien dit du tout si j’avais mon salaire ou pas ! J’estime que j’ai confiance en ce pays, financièrement. Eux, ils sont venus me chercher ; je n’ai pas fait une demande pour être là. Donc, au niveau de mon salaire, ils ont quand même un peu de retard.
Camfoot.com: Ça veut dire que vous êtes payé quand même non ?
Robert Corfou: On arrive à être payé.
Camfoot.com: Pour terminer, quel regard avez-vous sur la nouvelle formule à deux poules du championnat national de D1 qui est expérimentée cette saison ?
Robert Corfou: Écoutez, cette nouvelle formule…Je pense qu’il doit y avoir de très bonnes choses là dedans. Il doit y avoir de mauvaises aussi. Il faut faire une analyse totale à la fin de la saison. Pour le moment il serait à mon avis inopportun de porter quelconque jugement et dire que c’est mauvais ! C’est impossible. J’estime qu’il faudrait optimiser les idées qui pour le bien du championnat. Faire passer du mauvais au bon championnat. On va tirera donc les enseignements à la fin du dit championnat.
Entretien mené par Kisito NGALAMOU à Yaoundé, ngalamou@camfoot.com