Le directeur technique national (Dtn) du football camerounais parle de sa fonction, de son oeuvre au Cameroun, des Lions indomptables et leurs futures échéances, de son salaire mensuel faramineux, de Winfried Schäfer…
Vous êtes directeur technique national du football camerounais depuis bientôt trois ans. Qu’avez-vous fait au cours de ces années ?
Jusqu’à nos jours, mon bilan est positif. La direction technique nationale a mis sur pied des sélections nationales minime, cadette et junior; composées des jeunes venus de diverses régions du pays. Nous avons travaillé pour que les clubs soient structurés avec des éducateurs formés et des joueurs évoluant avec des licences dès le bas âge jusqu’à l’âge adulte. Les footballeurs camerounais sont tous fichés par la direction technique nationale (Dtn) qui les suit au jour le jour.
Nous avons formé des éducateurs de premier niveau. Un travail qui a été très passionnant, très réussi. Le regret que j’ai c’est qu’on a oublié pendant un an de me donner les moyens pour faire le deuxième niveau. Je crois que c’est une erreur monumentale que la hiérarchie aurait dû comprendre. Nous avons par ailleurs mis en place ce qu’on appelle formation des animateurs des quartiers avec la coopération française. Nous sommes en train de mettre actuellement en place le statut des éducateurs et les contrats d’entraîneurs. Grosso modo, nous nous battons pour que l’on reconnaisse que le football des jeunes jusqu’à celui des Lions indomptables doit être pris en compte dans ce pays. Il est donc question que l’on reconnaisse le rôle de la Dtn dans ce pays.
J’ai mis en place un système d’organisation administrative et technique du football camerounais. Bref, une politique nationale de gestion du football sur tous les plans. Les fruits sont là. Les cadets ont remporté la Can. Les juniors sont passés à côté de la qualification pour la Coupe du monde, à cause d’un nul face aux Ivoiriens en Côte d’Ivoire. Les Eléphanteaux avaient égalisé à moins deux minutes de la fin du match. Cette Côte d’Ivoire s’est qualifiée pour les 1/4 de finale en Coupe du monde. L’équipe nationale de football féminin s’est classée 3e aux 8e Jeux africains à Abuja en octobre dernier.
Nous allons faire le bilan de la Dtn en janvier 2004. Je pourrais aisément vous dire à ce moment-là combien de jeunes nous avons répertorié, qui peuvent constituer les différentes sélections nationales.
On vous a aussi vu à la tête des Lions indomptables pour les derniers matches qualificatifs de la Coupe du monde 2002…
J’avais été appelé en sapeur pompier. Il y avait du désordre. J’avais pour mission de remettre de l’ordre au sein des Lions indomptables et de les qualifier pour la Coupe du monde. Ce que j’avais fait. Il y avait deux matches et cela s’était bien passé. L’environnement des Lions est très difficile à gérer. Bon, aujourd’hui, c’est très difficile de travailler avec la sélection nationale. Pourtant, elle fait partie de la Dtn. Je souhaiterais que Winfried Schäfer se rapproche un peu de la Dtn pour nous indiquer et à tous les entraîneurs le travail qu’il met en place avec les Lions. Nos entraîneurs du pays ont besoin de savoir ce que Schäfer fait avec les Lions. Pour le moment, je n’ai pas de contact avec Schäfer. Je ne le connais pas bien. Et, ceci me pose des problèmes parce que les Lions ne sont pas une maison spéciale ; ils font partie du pays. Ils font aussi bien partie de l’image du pays que les minimes et autres sélections nationales.
Quelles griffes avez-vous laissées chez les Lions quand vous étiez leur entraîneur ?
J’ai fait venir et classer de jeunes footballeurs professionnels tels Tchuisseu, Feutchine et Tchato qui ont crevé l’écran au cours des matches que j’ai faits avec les Lions étant entraîneur. Aujourd’hui, je suis fier de Tchato qui est encore là. Mais, je ne comprends pas toujours pourquoi un joueur comme Feutchine qui a fait de bons matches et est un des meilleurs de son équipe en Grèce a disparu des Lions indomptables. Bon, j’ignore les raisons. Ici au Cameroun, on ne sait toujours pas pour quelles raisons on appelle tel joueur et non tel autre. A la Dtn, on n’est informé de rien. Ce que je trouve grave.
Que vous inspire le jeu des Lions indomptables aujourd’hui ?
Vous savez, avec des Mercedes on ne va pas faire des deux chevaux du jour au lendemain. Les Lions sont une grosse écurie, des joueurs qui évoluent au haut niveau dans des pays européens. Le problème selon moi est qu’il n’y a pas des joueurs du pays qui ressortent des brassages avec les Lions A’, les Espoirs… Ils sont tous de l’extérieur. Donc, ceux du pays sont sacrifiés.
Pensez-vous qu’il est normal de radier un joueur de l’équipe nationale parce qu’il a protesté contre les méthodes manageriales ?
C’est très difficile de répondre à cette question. Un entraîneur peut avoir certains joueurs à la main et sacrifier d’autres pour telle ou telle raison. Les joueurs ont certainement le droit de s’exprimer sur des raisons précises. Il faut être au coeur du problème. Moi, je n’y suis pas. Je souhaite donc ne plus continuer avec la réponse à cette question complexe.
Comment voyez-vous la poule du Cameroun à la Can 2004 avec l’Algérie, l’Egypte et le Zimbabwé ?
Je pense que nous avons un rôle important à jouer dans cette poule. On est extrêmement solide. Les Lions ont l’habitude des hautes compétitions. Ils ont un mental de fer. Ils se connaissent bien. Il y a une grosse ossature, une grande organisation. Je les vois très proches de ramasser la timbale.
Quel regard jetez-vous sur la poule des Lions aux éliminatoires du Mondial 2006 en Afrique ?
Ça ne va pas être évident. Il faut savoir que les équipes se structurent de plus en plus en Afrique. On a de plus en plus des joueurs qui s’expatrient et qui connaissent le haut niveau. Bon, le Cameroun c’est le Cameroun. Avec le Cameroun, tout peut arriver. Les Lions sont toujours présents à ces grands rendez-vous.
Bon nombre de Camerounais pensent que vous gagnez mensuellement 10 millions de francs Cfa et que c’est un salaire faramineux qui est supérieur au travail que vous faites en tant que Dtn…
Les gens qui disent cela sont des idiots. Ils n’ont qu’à venir voir mon salaire. Ils ne connaissent pas mon travail. Quand vous venez faire un travail comme le mien, il faut connaître le football. Et puis, mettre en place une politique nationale du football dans un pays comme le Cameroun avec ses qualités et ses défauts, ce n’est pas très évident. Je ne travaille pas pour aujourd’hui. Je travaille pour demain. Je rassure tout le monde, mon objectif c’est la formation des cadres et, quand ces cadres seront tous formés, vous verrez que le football ira encore de mieux en mieux dans ce pays. Ce n’est pas parce qu’on gagne actuellement dans toutes les courses qu’on va s’endormir.
Entretien mené à Limbé par
Honoré Foimoukom