Véritable légende dans son pays, Rigobert Song est également le recordman du nombre de sélections avec le Cameroun, au nombre de 137 capes. Force de la nature, il échappa à un AVC il y a quelques années, et sortit du coma, pour aujourd’hui faire le bien autour de lui, et rendre au Cameroun ce qu’il lui a donné. Il est notre invité aujourd’hui sur Girondins4Ever, avant la rencontre face à son ancien club Sang et Or. Interview.
Déjà, nous voulions prendre de vos nouvelles, vous qui avez eu un AVC il y a cinq ans. Comment allez-vous ? On a vu des images récentes de vous, danser comme si vous aviez 20 ans !
Je rends grâce à Dieu parce que je suis en vie. Rares sont ceux qui sortent d’un AVC en étant en pleine forme comme moi. C’est une grâce divine pour laquelle je suis infiniment reconnaissant au créateur. Par la même occasion je remercie tous ceux qui ont dit une prière pour moi quand j’étais dans le coma. Je vais bien aujourd’hui. Je profite de chaque moment que la vie m’offre et à l’occasion je danse aussi (rires). En plus j’aime ça.
La presse camerounaise parle même d’un jubilé en juin 2022, d’une autobiographie et d’un documentaire, en plus évidemment de votre poste de sélectionneur des U23 camerounais. Est-ce une deuxième vie pour vous ?
Ma vie est un miracle et ce ne sont pas juste des mots, mais un fait. Et parce que le Très Haut a bien voulu me renouveler le souffle de vie en quelque sorte, je voudrais pouvoir même de façon infime rendre tout ce que j’ai reçu de la vie et de mon pays. Je souhaite contribuer modestement à soulager les souffrances des autres, tout en leur tendant la main. Je considère que si je peux interagir avec vous encore aujourd’hui, c’est grâce à la main salvatrice de Dieu, la sollicitude du Président de la République, Paul Biya, et son épouse, Chantal Biya, dont la prompte réaction a permis que je sois évacué.
On ne ressort pas d’une épreuve comme celle-là sans être changé. Surtout quand on a été très tôt orphelin. Mon père est décédé, victime d’un accident sur « l’axe lourd » Yaoundé-Douala. Le choc n’aurait pas été fatal pour lui si la prise en charge avait été rapide dans une structure sanitaire de proximité. Il aurait probablement été là pour me voir grandir. Hélas, il est mort pendant le transfert pour Yaoundé. Tout ce qui précède m’a conforté dans mon souhait de faire œuvre utile en m’investissant, à travers la Fondation Rigobert Song, pour la construction d’un hôpital entre Yaoundé et Douala : le Centre des maladies cardiovasculaires Rigobert Song.
Avec un plateau technique à même de garantir une prise en charge des personnes accidentées sur cette route et les malades d’AVC. Les projets que vous mentionnez à savoir une biographie officielle, un biopic, le jubilé se situent en droite ligne de la matérialisation de l’œuvre majeure que représente cet hôpital pour lequel nous devons évidemment lever des financements en adéquation avec l’ouvrage escompté.
Parlons maintenant des Girondins. Vous qui avez joué en France à Metz et Lens, et qui avez croisé de nombreuses fois Bordeaux, quelle image avez-vous de notre club ?
Bordeaux fait partie des clubs mythiques de France. C’est un club qui a la particularité d’avoir une grande et belle histoire. Même si ce club passe par des moments difficiles, ça reste un des grands clubs français avec une histoire, et je n’en doute pas, encore un avenir.
Quels sont les souvenirs qui vous reviennent face aux Girondins ? Vous nous aviez également affronté avec Galasataray en Ligue des Champions…
Même si les Girondins ont toujours été un morceau dur à croquer, je peux me tromper mais en championnat de France je ne me souviens pas avoir perdu contre eux*. Je me souviens même d’une de mes premières confrontations contre Bordeaux avec Metz, au Stade Saint-Symphorien. C’était en 1995, je crois. On avait gagné 2-0 dans un match très engagé. Avec Galatasaray, Bordeaux nous avait éliminé dans une double confrontation où nous n’avions pas été rigoureux défensivement.
Est-ce que c’est un club avec qui vous auriez pu signer lors de votre carrière, et est-ce que cela vous aurait plu ?
On ne refera pas l’histoire, c’est clair. Signer à Bordeaux, je n’ai d’abord jamais été sollicité pour, mais comme je l’ai dit précédemment, Bordeaux fait partie des clubs mythiques de France et qui sait, peut-être que j’aurais pu, peut-être pas. On ne le saura jamais. Je suis fier d’avoir été partie en France à l’écriture de l’histoire d’autres clubs que sont le FC Metz et le RC Lens.
Bordeaux a connu trois années difficiles et a failli disparaître. Gérard Lopez a finalement racheté le club et sauvé les Girondins. Ça aurait été dommage de voir les Girondins disparaître du paysage français, non ?
Ça aurait été dramatique pour le football français de voir Bordeaux disparaître. En France il y a des clubs qui ne doivent jamais disparaître parce qu’ils font partie du patrimoine du football français. Heureusement Monsieur Lopez est arrivé et a évité le pire. Maintenant il faut redorer le blason de cette équipe. Mais pour ça, il va falloir y aller crescendo, question de ne plus retomber dans les travers qu’ils ont vécu.
Cet été, Junior Onana s’est engagé pour 5 ans avec Bordeaux. Que pouvez-vous nous dire de ce joueur ?
C’est un bon jeune joueur qui a encore une bonne marge de progression encore. Signer dans un club en reconstruction comme les Girondins est une bonne chose pour lui. Il se doit de progresser avec le club où il aura beaucoup de temps de jeu.
Il y a une dizaine d’années, Landry Nguemo, à la question de savoir quel joueur de la sélection camerounaise il prendrait pour renforcer Bordeaux, avait donné votre nom. On imagine que cela doit être une fierté d’être respecté et admiré par ses compatriotes ? On peut même parler de légende dans votre pays.
Je suis très flatté. Mon pays et mes compatriotes ont pour moi un amour que je partage. J’aime mon pays et ce pays m’a tout donné. Une légende dans mon pays ? Il faut demander aux autres. Je me considère comme un privilégié et j’essaie chaque jour de mériter cette confiance. Je n’y parviendrai peut-être jamais mais mes projets tournent bien autour de pouvoir rendre à mon pays un peu de ce qu’il m’a donné.
Vous étiez d’ailleurs un joueur dur sur l’homme, charismatique, combatif, ne lâchant jamais rien, et que tout le monde respectait : un leader. Est-ce que ce profil de joueurs manque un peu au football d’aujourd’hui ?
Le football a changé. Il a beaucoup évolué. Les règles du jeu et même les systèmes. A notre époque, il n’y avait pas de VAR. On pouvait faire des choses qu’on détecte aujourd’hui avec les caméras (rires). Des joueurs durs sur l’homme, il y en a toujours. Peut-être plus comme avant mais on en trouve toujours.