Nous avons rencontré Richar Towa, le sélectionneur national des U 17. Celui là qui devait être à la tête de l’équipe nationale de sa catégorie à Montaigu fait une analyse du football jeune au Cameroun. Son importance, le problème d’âge, la formation des formateurs … Bref tout y passe. Il profite également pour donner son avis sur l’Elite One. L’entretien ….
Camfoot.com : Que peut-on faire pour avoir une bonne pépinière au Cameroun ?
Richard Towa : Pour avoir un football jeune fiable et solide au Cameroun, il faut d’abord que l’état
d’esprit change. Il faut comprendre que pour former une équipe nationale sénior forte, il faut au
départ que la base soit bien structurée. Aujourd’hui nous sommes en difficulté car le football
jeune est délaissé. Nous ne prenons pas de la peine à mettre sur pied un championnat de jeunes.
Ceci permettra aux gamins chaque année de gagner en expérience, en formation et c’est ça le plus important. Pour le moment, il est question pour nous de faire un pas en arrière, de se retourner dans les jeux scolaires. Il faut donner la possibilité à ses enfants, en organisant les
championnats dans toutes les catégories. Lorsque tout ceci sera mis sur pied, il y’ aura une traçabilité.
Camfoot.com : Quelles solutions préconisez-vous ?
Richard Towa : A la clôture de ce schéma, et un point qui n’est pas à négliger, c’est l’encadrement.
Il faut avoir des encadreurs appropriés ! Des personnes qui ont vraiment le bagage, afin de former
ces jeunes joueurs car c’est une mission difficile. Il faut faire une fixation sur la formation de
ses formateurs. Il faut que ces derniers aient des connaissances requises pour enseigner les jeunes.
Aujourd’hui nous avons des difficultés car les choses ne sont pas bien organisées. Mais la direction
technique nationale, avec l’appui de la fédération camerounaise de football, est entrain de mettre en
place une organisation, qui devrait permettre au football jeune de reprendre. Il faut absolument que
ceci aboutisse car la force du Cameroun dans les années à venir se reposera dessus. Dans les années antérieures au Cameroun, les icônes de notre football sortaient du championnat des jeunes. Moi qui vous parle, je suis un pur produit de cette initiative. La chose la plus importante est de mettre en vigueur un championnat jeune qui permettrait à ceux-ci de discuter beaucoup de rencontres dans la saison. Surtout des matchs d’un très bon niveau. Ceci fera en sorte que, quand nos jeunes vont se déplacer pour aller jouer les éliminatoires contre les jeunes de leur catégorie, ils n’auront pas de difficulté. Je vous assure qu’au Cameroun, nous avons un retard énorme sur les autres. Il est juste question pour nous de travailler dans ce sens.
Camfoot.com : Comment résoudre l’éternel problème des âges truqués dans le football des
jeunes ?
Richard Towa : Il faut être très sélectif. Ces jeunes doivent jouer avec leur véritable âge. Ce facteur
est indispensable. Nous devons mettre un accent particulier sur cet aspect car si vous prenez des
enfants un peu plus âgés, vous les mettez dans une catégorie inférieure, vous verrez que deux
ou trois années plus tard ils ont atteint leur apogée. C’est regrettable. En plus, les autres qui ont
du talent, et qui ne peuvent pas jouer dans leur catégorie sont étouffés. Il est urgent que nous
regardions tous ces facteurs. Si tout est fait de cette manière, nous aurons la possibilité d’avoir des
équipes jeunes qui s’affronteront dans un championnat de jeunes bien structuré. Nous aurions
également une sélection nationale solide. C’est ceci qui a fait la force du Cameroun dans les années
antérieures.
Camfoot.com : La radio du poignet est-elle la solution ?
Richard Towa : Pour avancer, il faut respecter ça. Tout réside au niveau de l’état d’esprit. Chaque
encadreur doit se mettre en tête que, nous préparons les jeunes pour l’avenir. Il est hors de question
de parler de résultat dans le football des jeunes. Pourquoi les gens cherchent les résultats ? Parce
qu’ils veulent gagner. Et pour avoir les victoires, nous nous trouvons dans l’obligation de prendre
les plus âgés pour jouer contre les plus jeunes. Voici le véritable problème que nous avons. Il faut
que nous puissions comprendre que le football jeune permet de préparer ces enfants pour le
football sénior. C’est pour cette raison que cet examen du poignet qui est mis sur pied, si chacun
est conscient qu’il faut passer par là, je dirais que c’est une très bonne initiative. Car chaque enfant
jouera dans sa catégorie et nous verrons qu’ils ont besoin de beaucoup d’année pour pouvoir murir. Ils doivent faire des erreurs et c’est à partir de ces déchets qu’ils rectifient ce qu’il y’ a à faire. Radiographie du poignet ou pas, il faut que les encadreurs et toutes les
personnes qui gravitent autour de ces gamins acceptent le principe de respect des ages. Je reste convaincu que si nous restions dans cette lancée et que chaque enfant joue dans sa véritable catégorie, ceci sera bénéfique pour tout le monde. Les minimes jouent avec les minimes, les cadets avec les cadets, les juniors avec les juniors. Je pense que si nous le respectons, les choses avanceront d’une façon différente de ceque nous voyons aujourd’hui.
Camfoot.com : Pour vous qui êtes un produit de la fédération allemande de football. Quelle
appréciation portez-vous sur cette radio du poignet très contesté ?
Richard Towa : Ceci ne donne pas un résultat à 100%. Mais il tire vers la réalité. En Allemagne où j’ai travaillé, cette histoire des âges, nous n’en parlons pas du tout. Le talent reste le talent. Il est question de privilégier les talents. En organisant notre manière de travailler, les choses pourront changer. Mais il faut que nous reconnaissions que l’examen du poignet n’est pas fiable à 100%. Mais il tend vers la direction souhaitée. De telle sorte que s’il y’ a une tolérance d’une année ou deux, ce n’est pas aussi terrible que lorsqu’on tranche sept voire huit années sur un âge réel. Comme je l’ai dit précédemment, il faut faire jouer chaque personne dans sa catégorie. Nous pourrions bénéficier de la formation que ces enfants ont pu avoir.
Camfoot.com : Comment on résout ce problème dans les pays européens ?
Richard Towa : Les occidentaux ont compris ceci très tôt. Ils travaillent dans la durée. Les allemands par exemple, parlent de la coupe du monde 2026. Il prépare la coupe du monde qui se jouera cette année là avec les enfants de 9 ans aujourd’hui. Si ces enfants sont bien suivis, vous verrez qu’en 2026, ils seront à l’âge mature. C’est ceci qui fait la force de tous ces pays. Tout est fait sur la base d’une planification. Si nous ne programmions rien et recherchions un résultat immédiat, nous allons toujours buter. Et les choses seront très compliquées.
Camfoot.com : Quelles difficultés rencontrez-vous sur le terrain ?
Richard Towa : Les enfants ne respectent pas les fondamentaux. Ils ont des difficultés à pouvoir
s’exprimer. C’est à l’âge de 10, voire 13 ans qu’on commence à maitriser les fondamentaux. La
réception et la passe doivent déjà être prises à cet age. Nos enfants ont d’énormes
lacunes à ce niveau. Quand vous approchez nos footballeurs même à l’âge majeur, ils font preuve de gros manquement au niveau de l’acquisition de ces notions de base. C’est ici que se repose le retard que nos jeunes ont sur les européens. C’est pour cette raison qu’ils sont obligés de tricher leur âge car ils n’ont pas été bien formés à la base. Que ce soit au niveau de la tactique individuelle ou a tactique du groupe, l’africain est perdu ! C’est pour cette raison que je dis qu’il faut mettre un accent particulier sur la formation des formateurs afin que ces éléments soient
d’abord maîtrisés par leurs encadreurs car ils doivent savoir les mouvements appropriés à donner
aux enfants à des âges précis. Dans le cas contraire nous continuerons à travailler dans le flou, et ça sera très difficile. Les européens ont compris ceci très tôt. Ils ont de très bons entraîneurs chez les jeunes. Ils savent que c’est à ce niveau que les bases sont fixées au départ. J’insiste sur les formateurs. Car il serait insensé d’avoir de grandes universités sans avoir de bons enseignants.
Camfoot.com : la détection une tâche ardue
Richard Towa : Mon collègue et ancien entraîneur Karl Heinz a effectué un gros travail dans ce sens.
C’est lui qui a déniché tous ces joueurs qui ont fait les beaux temps de notre équipe nationale dans
les années passées. Il a consacré énormément de temps afin de les sortir de l’ombre. Pour réussir
une tâche pareille, il faut une planification, un plan de développement. Si non, nous
continuerons de piétiner au même endroit et les choses ne seront pas
aisées pour nous. Il faut donner la chance aux jeunes de pouvoir évoluer. Si chacun ne met pas la
main à la patte, les choses seront très compliquées.
Camfoot.com : Un mot sur notre championnat
Richard Towa : En Elite One, nous ne retrouvons pas assez de jeunes. C’est ceci qui reflète l’âge de
notre championnat. Le championnat de première division est lent. Il n’y
a pas de rythme approprié pour pouvoir faire face aux grandes nations. C’est uniquement avec des
jeunes formés au préalable que nous pourrons avoir cette vitesse. Avec le
travail acquis à la base, ils (les jeunes) seront à même d’améliorer leur rapidité. C’est le seul chemin à prendre si nous voulons relever le niveau de notre football.
Camfoot.com : Un mot pour sortir de cet entretien
Richard Towa : Je remercie Camfoot.com qui nous donne la possibilité de pouvoir nous exprimer de
cette manière très ouverte sur notre football. J’ai de l’amour pour tous
ces jeunes qui sont présents au Cameroun. Je ne cesse de sillonner les quatre coins du pays pour
dénicher les talents cachés. Je suis convaincu que d’ici quelques années, j’aurai un panier de jeunes
que j’ai eu à découvrir. Aujourd’hui je suis très content de constater que partout où je passe, que ce
soit au nord, où j’ai séjourné avec Astres de Douala, j’ai observé autour de moi, plusieurs jeunes. Ceci m’a fait chaud au cœur. Maintenant je suis à Douala et ils arrivent nombreux. C’est cette atmosphère qui fait le bonheur d’un entraîneur qui travaille avec les jeunes. Je connais déjà tous ces enfants de nom. Si vous me demandez, par exemple vous étiez à Ebolowa vous avez vu quels joueurs ? Je vous donnerais sans hésiter les noms. C’est tout ceci qui fait ma fierté. Je tiens une fois de plus à vous remercier pour cette opportunité que vous m’accordez. J’espère que n’aurons une autre occasion de parler du football jeune. Car il est préoccupant dans notre pays. Et chacun pourra mettre en œuvre son expertise pour le développement de ce secteur.
James Kapnang à Douala