L’entraineur national des Lions cadets nous parle de ses méthodes de travail et des objectifs qu’il compte atteindre à court, moyen et long terme. Il évoque également les difficultés et surtout la différence entre son travail en Allemagne où il entrainait encore il y a quelques mois et ses responsabilités au Cameroun.
Camfoot : A quelques jours du match Lesotho-Cameroun, comment se porte le moral de vos troupes ?
Richard Towa : Je peux vous rassurer que côté joueurs, le moral est tout à fait au top. On a très bien travaillé. C’est une phase où les joueurs ont beaucoup progressé. Nous sommes à quelques jours de ce match contre le Lesotho. Pour moi, ce match est un bonus. C’est la paye pour ces enfants qui ont déployé beaucoup d’efforts pendant ce stage.
Le problème qu’on a eu c’était la mise à niveau de certains de ces enfants qui viennent des centres de formation où le niveau est vraiment très bas. Le constant que j’ai eu à faire pendant le stage est que ces enfants sont vraiment talentueux mais les fondamentaux ne sont pas maitrisés. Il a fallu beaucoup de travail pour ajuster leur niveau. Ce qui me réjouit c’est qu’ils sont volontaires.
On a réussi à instaurer au sein du groupe une discipline qui est la base de ce que nous cherchons parce qu’avec de la discipline, si ces enfants sont suivis, ce sera une bonne chose pour l’avenir. Cette discipline a toujours manqué aux footballeurs africains.
Le progrès se dessine. Vous avez vu que nous avons livré plusieurs matches amicaux même pas avec des équipes cadettes, et seniors. Nous avons joué contre Astres de Douala, Canon de Yaoundé, les Lions Espoirs, les Lions A’ et nous n’avons pas perdu ces matches. Maintenant, la compétition reste la compétition, nous allons partir au Lesotho avec l’objectif d’assurer notre qualification. Je crois que l’équipe est prête.
Camfoot : On parle de certains joueurs importants qui n’ont pas encore de passeport. Comment vivez-vous cette situation ?
Richard Towa : Cette situation est surtout difficile pour ces enfants. Un joueur qui a passé un stage bloqué aussi intense avec ce qu’il a eu à déployer comme effort, s’il ne parvient pas à se déplacer pour un problème administratif, je crois que ce sera difficile à digérer pour lui. Mais de l’autre côté les administratifs sont en train de faire tous les efforts possibles pour que les choses se mettent en ordre. C’est vraiment difficile de travailler dans ce contexte.
Camfoot : Pour l’entraineur que vous êtes, n’est-ce pas difficile de travailler avec des joueurs qui ont la tête plutôt sur les questions de passeport que sur le jeu ?
Richard Towa : C’est tout à fait difficile de faire un programme adéquat, mais je dis ils sont en train de faire des efforts pour que les joueurs aient les documents de voyage. Pour ce qui est de la technique je suis content de voir comment ces enfants progressent, c’est pourquoi je suis au Cameroun. Je suis là pour donner cette formation professionnelle à ces jeunes, pour que dans l’avenir la base de notre football soit assurée.
Camfoot : Quel est le processus qui vous a conduit à mettre sur pied ce groupe ?
Richard Towa : Cela a été très difficile. Je prends une équipe qui n’existait plus. Après l’Uniffac, l’équipe s’est dispersée. Je suis arrivé et avec l’aide des entraineurs qui sont sur le terrain, nous avons pu avoir un fichier. J’ai fait une présélection et beaucoup de jeunes y sont passés. Je me suis moi-même déplacé par exemple à Douala, Bamenda, dans le centre, dans les centres de formation. J’ai sélectionné moi même plusieurs joueurs et nous avons commencé le travail.
C’était assez difficile pour ces enfants qui n’étaient pas habitués à travailler avec une telle intensité, mais après quelques semaines, ils ont commencé à s’habituer. Aujourd’hui, ils prennent plaisir.
Vous avez vu comment nous avons toujours dicté le jeu pendant nos matches amicaux. Physiquement, ils sont en jambe. Cette équipe cadette doit être bien suivie pour que dans les catégories supérieures, les entraineurs aient moins de travail pour leur établir un plan de jeu.
Camfoot : N’est-ce pas un risque pour vous de prendre des joueurs aussi jeunes parce qu’en face vous allez certainement avoir des joueurs plus âgés comme c’est souvent le cas ?
Richard Towa : C’est pour cet objectif que je suis là, pour montrer que si les enfants sont bien formés à la base, ils n’ont pas besoin de savoir si les autres sont plus âgés. Vous avez vu que nos matches amicaux c’était contre les adultes. Si les autres trichent en amenant les joueurs âgés, nous devons être techniquement et tactiquement bien en place.
En Allemagne, j’ai toujours travaillé avec les jeunes de deux ans moins âgés que les autres. Au début, on a des difficultés mais après six mois, on constate que les enfants prennent du volume.
Nous avons le tournoi de l’Uniffac en décembre. Je crois que ce sera une autre occasion pour les enfants de se frotter aux autres jeunes.
Camfoot : Vous rencontrez le Lesotho. Avez-vous une idée de cette équipe ?
Richard Towa : J’ai tenu à avoir quelques informations mais elles ne sont pas aussi complètes que je le souhaitais. J’aurais aimé avoir une vidéo de cette équipe du Lesotho, je n’ai pas pu, mais j’ai eu quelques informations sur internet et de certains amis qui sont en Afrique du sud qui est le pays voisin. Je base mon travail sur la force des joueurs, et c’est plus important. Nous allons découvrir cette équipe sur le terrain ce sera à nous d’imposer notre jeu.
Camfoot : Vous jouez à l’extérieur, quelle est votre ambition dans ce match ?
Richard Towa : Un match de football ne se joue pas avant. Notre souhait est de faire du beau football, que les enfants prennent du plaisir, et quand on prend plaisir dans le jeu, on élabore le jeu, on se créé des occasions de buts. Je pense que s’il faut se qualifier au Lesotho on le fera. S’il faut préserver les acquis et voir comment l’équipe adverse va réagir, ce sera l’occasion de travailler en conséquence.
Je ne peux pas emmener ces enfants au Lesotho pour aller jouer le nul. Nous allons jouer, on va montrer que même à l’extérieur, si on a des qualités, on peut marquer des buts et bien les défendre aussi. C’est pourquoi je vous dis que nous allons au Lesotho pour jouer au football avec beaucoup de détermination.
Camfoot : Sur le plan personnel, le gouvernement camerounais qui est allé vous chercher en Allemagne a-t-il pensé déjà à votre salaire et aussi aux conditions de travail idoines ?
Richard Towa : Il y a eu une entente. J’ai été convoqué par le ministre des sports avant que je ne sois nommé. C’est lui qui a fait appel à moi, c’est un monsieur qui se fait du souci pour le football camerounais. Notre premier contact a été vraiment très riche. C’est quelqu’un à qui je dois beaucoup de respect. J’ai écouté ce qu’il avait à me dire et je sens qu’il a un projet pour le football camerounais. C’est pourquoi je veux aussi lui donner un coup de main. Quand je trouve quelqu’un qui est engagé comme lui et comme le président de la Fecafoot, je suis tenté.
Vous savez, la responsabilité que j’aie en Allemagne. Je suis encore sous contrat avec mon club en Allemagne. J’ai discuté avec mes dirigeants et mon contrat a été suspendu et non rompu. Ils m’ont donné l’opportunité de venir au Cameroun donner un coup de main à ces jeunes. Ce n’est pas pour un problème d’argent que je suis venu au Cameroun, je crois que si c’était pour l’argent je ne serais jamais venu. C’est pour l’amour de mon pays, pour l’amour de ces enfants qui ont besoin de cette formation. Je fais mon travail sans problème.
Camfoot : Dans le contexte qui est le notre, vous ne pouvez pas dire qu’il n’y a pas de problème ?
Richard Towa : Les difficultés se trouvent au niveau de la structure. À titre de comparaison, la structure qui est en Allemagne n’est pas la même chose que celle d’ici. Je dois m’occuper de beaucoup de choses, alors qu’en Allemagne les rôles sont bien déterminés. De l’autre côté, cela me permet de voir comment les autres pays travaillent. J’ai travaillé 17 ans en Allemagne, je n’ai jamais connu autre chose. Je dois vous donner un petit exemple. Cela fait longtemps je n’avais plus lavé un équipement sportif. Je le fais maintenant même si c’est avec amour puisque c’est un retour aux sources.
On a toujours des difficultés dans l’organisation, dans la manière de faire les choses. Comme on dit, c’est la culture africaine, les choses ne sont pas faites en accélérées comme en Europe, c’est pourquoi nous essayons de notre manière d’améliorer les choses.
Camfoot : On a souvent reproché aux entraineurs nationaux le fait de monnayer les places au sein des sélections nationales. Depuis votre prise de fonction, n’avez-vous pas été tenté par les parents et même les agents de joueurs ?
Richard Towa : Au départ, c’est la manière avec laquelle on aborde le travail. Quand j’ai sélectionné les joueurs, je leur ai dit qu’il est hors de question de donner quoi que ce soit pour être sélectionné, que seul le talent compte. Personne n’a besoin de me téléphoner. Je n’ai aucun contact avec les parents. Le plus important, c’est de mettre une base en place, de se faire respecter. Je n’ai pas de problème sur ce plan parce que les joueurs qui sont là sont ceux qui ont mérité. Ça ne m’intéresse pas de savoir dans quelles familles vous sortez, qui est votre papa. Ce qui m’intéresse, c’est de voir les qualités du joueur, s’il peut aider le pays.
Camfoot : Vous êtes en route pour le Lesotho pour cette manche aller, que promettez vous aux camerounais ?
Richard Towa : Nous sommes là pour le football jeune, ce qu’on attend ce n’est pas forcement la victoire contre le Lesotho, ce qu’on attend c’est de voir que cette équipe remonte. C’est pourquoi la promesse que je leur faite c’est de leur dire de rester serein et comprendre que je suis là pour les former, je suis là pour donner le dynamisme au football jeune, je suis là pour permettre à ces jeunes d’évoluer et de représenter notre équipe fanion de demain. On va au Lesotho pour jouer un match, on peut le gagner comme on peut le perdre, mais notre objectif ne doit pas être fixé sur le match du Lesotho.
Entretien mené par Guy Nsigué à Yaoundé