On le savait discret et on n’en avait plus entendu parler que par l’entremise de la presse allemande. Sans s’y attendre, c’est à un véritable chemin de croix qu’a dû se plier notre reporter pour le sortir d’un mutisme délibéré. Le jeu en valait la chandelle, car c’est un Raymond Kalla Nkongo enjoué qu’il a rencontré ce samedi, au sortir du dernier entraînement de son club Bochum, avant le choc contre le Bayern de Munich.
Au pas de course après une douche bien sentie dans les vestiaires du club, c’est à la cadence des sonorités d’un Makossa old school dans sa voiture (et quelle voiture !), qui donnent le la de la série de question-réponses, un peu plus tard dans les salons d’un hôtel huppé du centre-ville de Bochum. Un rien désinvolte, mais toujours aussi imposant sous son mètre quatre-vingt-dix, il parcourt une fois de plus les chemins du désastre nippon, son « vrai-faux » retour en équipe nationale, son club, sa blessure, les Lions. « Baresi » s’ouvre sur tout ou…presque.
Camfoot.com: Raymond Kalla, nous sommes ici à Bochum après votre dernier entraînement en vue de votre match contre le Bayern. Comment le préparez-vous ?
Raymond KALLA: Pour le moment ça ne va pas très bien pour le club. Nous avons eu un gros mouvement de joueurs à l’intersaison. Notre position est un peu inquiétante. Le match de demain (dimanche soir, perdu 1-3, ndlr) est très important et nous avons besoin des trois points de la victoire. Nous sommes conscients de l’enjeu du match.
Camfoot.com: Est-ce la raison pour laquelle ces entraînements étaient si intenses et si physiques?
Raymond KALLA: L’entraîneur a insisté sur le fait qu’il fallait aller au choc et être très concentré. Vous savez qu’avec le Bayern, à la moindre faute, le cuir se retrouve dans les filets. L’équipe des réservistes qui simulait le Bayern s’est arrangée à jouer dans leur style. Si demain (dimanche soir, ndlr) on fait la même chose, je pense que cela devrait aller.
Camfoot.com: Il y a 2 semaines, votre club vous annonçait indisponible pour plusieurs semaines. Après moins de 15 jours, vous êtes sur pied. Votre blessure était-elle si sérieuse?
Raymond KALLA: En effet, j’ai eu une élongation à la cuisse et c’était assez sérieux. Nous avons tous cru que ma mise à l’écart serait très longue. Le club est dans une mauvaise passe et il me fallait revenir rapidement. Les soins intensifs, avec l’aide de Dieu et des médecins, m’ont permis de revenir 12 jours après. C’est une bonne chose pour tout le monde.
« J’ai fait mon temps et j’aimerai vraiment que l’on respecte ma décision. »
Camfoot.com: Au moment même où le Vfl Bochum annonçait votre blessure, le coach du Cameroun Winfrield Schäfer annonçait votre retour en équipe nationale. Il est passé à l’acte en vous mettant sur sa liste pour le match du 17. Vous avait-il prévenu? Votre club était-il au courant?
Raymond KALLA: Je pense que la moindre des choses est qu’avant de mettre quelqu’un sur la liste, il faut l’aviser. C’est vrai que le président de la fédération, le directeur administratif et le coach m’ont téléphoné dans cette période là. Je leur ai expliqué mon cas et je les ai assuré que c’était une décision personnelle pour moi. Vous savez, j’ai passé de bons moments en équipe nationale, j’ai gagné des trophées et ma décision, qui est ferme, a été prise pour consacrer mon temps à ma famille qui a besoin de moi et aussi à mon club. J’ai appelé le coach pour lui dire de ne pas compter sur moi et que je ne comptais pas retourner en équipe nationale. Je laisse la place aux autres joueurs talentueux que nous avons et qui veulent représenter leur pays tout comme je l’ai fait pendant plusieurs années. J’ai fait mon temps et j’aimerai vraiment que l’on respecte ma décision.
Camfoot.com: Cette semaine également Modeste Mbami a fait état de certains problèmes justifiant son retrait en équipe nationale. Avec votre expérience, que peut-il s’être passé?
Raymond KALLA: (Silence…) Ah bon! Je n’étais pas au courant. Je n’en sais rien.
Camfoot.com: Avez-vous gardé le contact avec les anciens? Je fais allusion à Lauren, Womé, Boukar, etc…
Raymond KALLA: Vous savez, nous avons passé tellement de bons moments ensemble que nous avons gardé nos liens d’amitié. Que ce soit Lauren, Womé, Alioum, on se communique assez fréquemment.
Camfoot.com: Avez vous une idée de la raison pour laquelle Lauren Etamè refuse de rejouer en équipe nationale? Il n’a pas trop communiqué là dessus…
Raymond KALLA: Quand nous causons, on parle de nous, de la famille. C’est vrai qu’à certains moments on parle de l’équipe nationale comme maintenant où ça ne va pas bien. On espère que l’équipe réagira. Mais on ne parle pas du pourquoi. On parle de la famille, des vacances, etc… C’est sa décision.
« J’ai passé de bons moments en équipe nationale, j’ai gagné des trophées et ma décision, qui est ferme, a été prise pour consacrer mon temps à ma famille qui a besoin de moi et aussi à mon club. »
Camfoot.com: Étant encore jeune pour jouer et puisque vous êtes son ami, pensez-vous qu’il reviendra un jour?
Raymond KALLA: Je ne sais pas. Allez lui poser la question! C’est à lui de vous répondre, pas à moi.
Camfoot.com: Si nous revenions un moment sur votre séjour en équipe nationale. Quel est votre meilleur souvenir.
Raymond KALLA: Avec les Lions, les souvenirs sont intarissables. Durant la majorité de mon passage, j’ai eu beaucoup de plaisir. Bien sûr qu’il y a eu quelques mauvaises périodes, ce genre de passage à vide où rien ne vous réussi. Ce fut par exemple le cas durant la période de 95 à 98. Mais juste après 98, la sensation était superbe. On a dominé toute l’Afrique avec en primes deux coupes d’Afrique des Nations. C’était de très bons moments, des moments inoubliables.
Camfoot.com: Y a-t-il un match particulier que vous aimeriez garder en mémoire et le raconter à vos petits-enfants?
Raymond KALLA: Il m’est difficile de ne citer qu’un seul match tellement il y en a eu de mémorables. Prenons le match amical contre l’Argentine à Genève. On a vu une équipe des Lions affamée, tenace, talentueuse. À chaque but argentin suivait une réplique des Lions. Nous sommes passés très prêts de la victoire. Je peux vous en citer plusieurs comme celle-là.
« Au Mondial 94, je venais de signer dans le Canon de Yaoundé et j’ai tout de suite après été appelé en équipe nationale. Et j’ai aussi été directement titularisé. Ce fut sensationnel pour moi… »
Camfoot.com: En 1994, vous avez participé à la coupe du monde aux USA. Malgré la débandade camerounaise, comment avez-vous vécu cette période?
Raymond KALLA: C’était ma première grande compétition et c’était ma première sélection. Je venais de signer dans le Canon de Yaoundé et j’ai tout de suite après été appelé en équipe nationale. Et j’ai aussi été directement titularisé. Ce fut sensationnel pour moi et je ne pense pas pouvoir oublier cette période. Vous vous imaginez côtoyer des joueurs talentueux et de grands noms comme Roger Milla, Joseph Antoine Bell, Omam Biyick… Mais c’était incroyable. Si je peux me permettre, tout nouveau dans l’équipe avec Rigobert Song et feu Marco Vivien, nous étions jeunes et vraiment pas sûrs de nous. Nous avions réussi à nous intégrer dans le groupe et à être titularisés. Je vous assure que c’est inoubliable.
Camfoot.com: Avez-vous le temps de suivre le parcours des Lions en ce moment? Leur position est délicate dans le groupe qualificatif pour la coupe du monde.
Raymond KALLA: Bien sûr que je suis de près notre évolution. Je suis très déçu par ce qui se passe. Nous sommes à 4 points de la Côte d’Ivoire et aussi derrière la Libye. Nous avons une bonne équipe, j’en suis convaincu. Il faudrait que les gars restent soudés et qu’il y ait une complicité comparable à celle des années 2000 à 2002.
« La défaite face à l’Allemagne en 2002 est un souvenir qui m’est aujourd’hui aussi douloureux que ce jour-là. Maintenant, nous les rencontrons ce mercredi. C’est à nous de prendre notre revanche… »
Camfoot.com: Beaucoup de connaisseurs pensent que l’entraîneur n’arrive pas à bien diriger son groupe et qu’il est responsable de nos déboires. Qu’en pensez-vous?
Raymond KALLA: Je ne suis pas dans l’équipe et donc je suis incapable de faire un bon diagnostic. Est-ce un problème de coach, de système de jeu ? Les joueurs et les dirigeants qui côtoient l’équipe pourront mieux répondre à la question.
Camfoot.com: Ce mercredi, il y aura une possibilité de venger notre défaite du Japon, votre dernier match en équipe nationale. Deux ans après, pensez-vous que nous aurions pu gagner cette équipe?
Raymond KALLA: L’équipe de 2002 était une formidable équipe, capable de gagner n’importe quelle équipe du monde. Mais on avait la manie de ne bien jouer que la première mi-temps. On baissait les bras en 2e mi-temps. Pourquoi l’équipe ne jouait-elle qu’une seule mi-temps sur deux? Certains ont accusé les joueurs, mais la vérité est qu’il y a beaucoup de choses qui se sont passées. Quand on regarde ce match, on comprend qu’à la première mi-temps on aurait pu marquer au moins deux buts. Perdre à la fin du match comme nous l’avons fait est vraiment malheureux. C’est un souvenir qui m’est aujourd’hui aussi douloureux que ce jour-là. Maintenant, nous les rencontrons ce mercredi. C’est à nous de prendre notre revanche. Vous savez que le Cameroun c’est le Cameroun. Si on y va pour la victoire, on gagnera. On sait ce qu’il faut faire pour y arriver.
« …Si le Cameroun convainc Marvin Matip de jouer pour lui, ce sera une formidable prise. »
Camfoot.com: Au niveau de votre club, vous évoluez avec un jeune joueur du nom de Marvin Matip qui est considéré comme étant l’un des quatre futurs meilleurs joueurs allemands. Le connaissez-vous?
Raymond KALLA: Marvin est un très bon joueur avec un excellent avenir et qui évolue en équipe espoirs allemande. Il est né d’une mère allemande et a grandi ici en Allemagne. C’est un défenseur central moderne, très technique qui peut aussi évoluer au milieu de terrain. Si le Cameroun le convainc de jouer pour lui, ce sera une formidable prise.
Camfoot.com: Un dernier mot pour le public camerounais?
Raymond KALLA: Le public camerounais est un public formidable qui supporte ses joueurs chaque fois. Qu’il sache que les Lions Indomptables réagissent en Lions quand ils sont cloués au mur comme c’est le cas en ce moment. Je leur dirais de continuer à supporter cette équipe et de l’aider à passer cette mauvaise période en leur accordant tout son appui.
Propos recueillis par Jean Pierre Esso, envoyé spécial à Bochum – jpesso@camfoot.com