Le jeune attaquant titulaire du Partizan de Belgrade, club engagé en coupe de l’Uefa est revenu dans le pays de ses ancêtres pour les congés de Noël et aussi question de se ressourcer. Joueur timide et très réservé, nous avons réussi tout de même à rentrer dans son jardin secret. Il nous parle de ses débuts, de son club et surtout des lions indomptables donc il a arboré le maillot lors de la dernière sortie de Leipzig qui a emporté l’entraîneur Winfried Schâfer. Lisez plutôt.
Camfoot.com: Qui est pierre Boya ?
Pierre BOYA: C’est un joueur qui est passé par le football des jeunes dans son pays le Cameroun, notamment le centre de formation Espoir de Yaoundé. Ce centre a été à un moment, une très bonne école de football, avec des partenaires étrangers notamment les grecques. Je n’ai jamais été tenté d’intégrer la première division au Cameroun pour des raisons personnelles. Je me suis dit que mon centre de formation était doté des structures telles que je ne manquais de rien. J’avais tout le matériel nécessaire pour le travail, pourtant en première division ce n’était pas cela ; tous les clubs n’étaient pas comme Coton ou Tonnerre.
Camfoot.com: Vous êtes arrivé au pays au moment où se jouait la finale de la coupe du Cameroun entre Coton sport de Garoua et Union de Douala. Est-ce que vous avez pris part à cette finale ?
Pierre BOYA: J’ai vu la finale, mais pas dans les gradins du stade Ahmadou Ahidjo ; j’ai vu le match à la télé dans un snack de la ville avec des amis. Je ne pouvais pas me rendre au stade, car j’ai plein d’amis que je devais rencontrer pendant mon séjour. J’ai aussi des amis qui jouent dans Coton Sport, notamment Bebbe Mbangue, l’attaquant qui n’a joué malheureusement que quatre minutes, Amungwa, Boya, mon homonyme. Dans l’effectif de Union j’ai aussi des amis : Simon Beck, Napmi qui n’ont pas été titularisés. Pour ce qui est du match, Union de Douala a fait une très bonne première mi-temps, malheureusement elle n’a pas eu assez de ressources. Coton pour moi a montré beaucoup de signes de fatigue, ce qui est normal ; ils ont joué sur plusieurs fronts au cours de la saison. Malgré tout la machine de Coton s’est mise à marcher à la fin du match et ils ont remporté la partie.
Camfoot.com: Vous êtes au Cameroun pour les congés, peut-on savoir si ça se passe bien ?
Pierre BOYA: Ça se passe bien, mais il n’y a pas la liberté de se balader, d’aller dans la rue, parce que le pays est ce qu’il est… Mais je n’ai aucun problème ; je vois ma famille, je rencontre les quelques amis qui sont vraiment mes proches, après le reste s’il y a des mécontents, c’est la vie on n’y peut rien.
Camfoot.com: Qu’est-ce qui vous empêche de vous balader aisément dans votre pays ?
Pierre BOYA: Je ne suis pas le seul, je ne peux pas me balader comme je veux parce qu’il y a la pression des amis et moi je n’aime pas ça.
Camfoot.com: Comment vous vous êtes retrouvé au Partizan de Belgrade ?
Pierre BOYA: Ça fait un an et quatre mois que je porte les couleurs de ce club. En juin 2001 j’étais au Canada (Ottawa) avec l’équipe nationale Espoirs pour les jeux de la francophonie. Mais avant de rejoindre l’équipe nationale, j’arrivais de Suisse où je venais de faire cinq jours d’entraînement dans le club de Neuchâtel Xamal où on me proposait un contrat. Je n’avais pas refusé le contrat, mais j’avais demandé au club d’attendre, car la priorité pour moi c’était l’équipe nationale. À la fin des jeux, je comptais intégrer cette équipe, mais cela n’a pas été fait. J’ai joué le dernier match avec l’équipe nationale Espoirs contre l’Égypte, malheureusement pour moi je me suis fractionné le péroné. Je suis revenu au Cameroun où j’ai passé sept mois sans jouer. Après ma blessure, l’entraîneur de Espoir de Yaoundé a eu une proposition pour aller entraîner à Beyrouth. Là bas il m’a demandé de le rejoindre, ce que j’ai accepté puisque c’était un challenge pour moi qui sortais de blessure. J’ai passé huit mois dans ce club où j’ai pris part au championnat. À la fin de la saison, le club n’a plus voulu me libérer. Ils ont refusé de payer mes arriérées de salaires ; d’ailleurs, l’affaire est sur les tables de la FIFA et l’on attend leur décision. C’est un agent de joueur qui a proposé de m’amener en Yougoslavie. Au départ il ne m’a pas donné le nom du club, c’est sur place que j’ai découvert qu’il s’agissait du Partizan.
Camfoot.com: En ce début de saison quel est le comportement de votre équipe en championnat ?
Pierre BOYA: Nous avons fait une très bonne phase aller, que ce soit en championnat, en coupe nationale ou en coupe d’Europe. En championnat nous avons en ce moment 41 points sur 45 possibles ce qui veut dire que nous n’avons perdu aucun match : c’est un record. En coupe nationale, nous jouons les demi-finales en Mars contre Étoile Rouge de Belgrade et en coupe de l’Uefa, on joue le 16 février contre un club Ukrainien. À mon avis, ce début de saison a été superbe, même pour moi aussi, car depuis mon arrivée dans ce club l’année dernière je suis titulaire.
Camfoot.com: Vous vous êtes engagé pour quatre ans avec cette équipe. Ne pensez-vous pas que ce soit trop long comme contrat ?
Pierre BOYA: C’est vrai qu’on dira que c’est trop, mais je sortais de nulle part et je me disais que l’intégration n’allait être facile et j’ai alors joué sur le long terme.
Camfoot.com: Vous vous plaisez vraiment dans cette équipe de Belgrade ?
Pierre BOYA: Je m’y plais, la vie à Belgrade, les fans ça va. Même lorsque je ne suis pas en forme il n’y a jamais eu un fan qui me hue ou qui m’a tiré dessus. Mais il y a peut-être le côté financier et le côté sportif par rapport à mes performances qui peuvent être améliorés. Mais je ne m’inquiète pas, l’essentiel étant de jouer. À mon avis un joueur qui joue et qui performe, voit sa situation s’arranger tôt ou tard.
Camfoot.com: Vous avez été plusieurs fois victime d’actes racistes dans les stades, notamment à Rome. Dites-nous comment cela se passait ?
Pierre BOYA: Le problème de racisme affecte le football aujourd’hui, il a toujours affecté le football d’ailleurs, il ne date pas d’aujourd’hui. Pour vous dire vrai, ce phénomène ne me gène plus, car j’ai fait une préparation mentale… Que les blancs disent n’importe quoi sur les noirs, je m’en fous à la limite. Quand je suis dans un stade de football, je n’entends pas ce qu’on raconte dans les gradins. Donc ce qui s’est passé à Rome dernièrement, c’est vrai je captais des voix, mais je n’entendais rien des propos tenus. C’est lorsque que je suis arrivée à Belgrade et que les journalistes m’appelaient de Londres, de Paris pour me poser des questions que j’ai réalisé que quelque chose s’est passée ce jour. Je n’étais pas le seul black de l’équipe, je jouais avec un nigérian, Emeka ; nous étions surpris. Je ne pense pas malheureusement qu’on va bannir ce phénomène. Donc, que dans un stade les gens m’appellent nègre ou négro, cela ne m’affecte jamais ; il faut plus que ça pour me bouger mentalement.
Camfoot.com: Vous avez été convoqué par l’ex coach des lions, pour le match contre l’Allemagne à Leipzig. Comment s’est passée cette sortie avec la sélection nationale ?
Pierre BOYA: C’était un peu difficile, l’entraîneur Schäfer m’avait appelé et m’a dit : « tu es convoqué et il faudrait rejoindre l’Allemagne ». Pendant six jours j’attendais la lettre d’invitation, apparemment elle devait venir de la fédération camerounaise de football. Pendant ces jours, l’entraîneur m’appelait pour savoir si j’ai reçu la fameuse invitation. C’est à ce moment que lui-même a pris la peine de m’envoyer cette invitation depuis l’Allemagne. Même le billet d’avion je l’ai payé moi-même. Mais une fois là-bas, j’ai trouvé un groupe avec des joueurs exceptionnels. Samuel Eto’o, Rigo, mais aussi des amis avec qui j’ai joué dans les sélections jeunes au Cameroun qui sont Sergent Makoun, Eric Djemba, Carlos (Kameni), Timothée Atouba, mais je n’ai pas eu la chance de jouer.
Camfoot.com: Comment avez-vous accueilli le limogeage de Schäfer ?
Pierre BOYA: J’avoue que cela a été un peu choquant pour moi parce que vous avez un entraîneur qui vous convoque pour la première fois et juste après, il est limogé. Mais qu’est-ce qu’on peut faire, je pense qu’il était déjà visé, on attendait seulement un faux pas pour le limoger parce que les résultats n’étaient pas bons. C’est ça le football, le métier d’entraîneur lorsque les résultats ne suivent plus on vous tire dessus ; c’est les injustices du football.
Camfoot.com: Pour vous, quel doit être le profil de son successeur ?
Pierre BOYA: Je ne veux pas me prêter à ce jeu. Mais un entraîneur c’est quelqu’un qui est responsable, imposant, et qui travaille bien. Qui peut se présenter comme un éducateur, qui aime son métier.
Camfoot.com: Plusieurs noms d’entraîneurs circulent vous avez une préférence pour qui ?
Pierre BOYA: Pour personne, c’est au ministère des sports que revient la responsabilité. Nous les joueurs nous attendons juste et après nous travaillons avec celui qui sera désigné. Je serai toujours prêt répondre favorablement à la sélection des Lions. Je suis dans un club performant, je suis en compétition en championnat comme en coupe d’Europe. Mon objectif cette année est de progresser et prouver que je suis là et qu’on peut compter sur moi.
Camfoot.com: Vous pensez que le Cameroun peut encore obtenir sa qualification pour la coupe du monde ?
Pierre BOYA: Tout est possible, on se retrouve dans une situation où la Côte d’ivoire à quatre points d’avance. Cette équipe a un très bon effectif et joue contre le Cameroun chez elle, ce qui sera un match fou. Si on veut y arriver, il va falloir être sérieux, très concentré, se donner à fond sur les prochains matchs et contre la Côte d’ivoire, car c’est ce match qui déterminera le futur des Lions indomptables par rapport à cette coupe du monde de 2006. Mais à mon avis, c’est faisable. Maintenant il faut que le public nous aide, car il n’est pas question de lâcher l’équipe, de dire des conneries sur l’équipe parce qu’elle ne tourne pas aujourd’hui. Lorsque ça marchait, tout le monde était content, c’est donc le moment plus que jamais de soutenir cette équipe.
Camfoot.com: Quand on voit les prouesses que vous réalisez à Belgrade, vous ne pensez pas que c’est mieux pour vous d’aller voir ailleurs, dans un championnat plus médiatisé ?
Pierre BOYA: Au regard de ma progression et de mon intégration au Partizan, c’est vrai que je suis tenté d’aller voir ailleurs, mais il y a le contrat. Maintenant c’est le club qui peut décider de me transférer. Pour moi il est question de respecter les termes du contrat ; je dois encore deux ans de contrats à cette équipe et il faut respecter sa parole.
Camfoot.com: Un dernier mot ?
Pierre BOYA: Pierre Boya existe, il joue au Partizan de Belgrade et pense toujours à l’équipe nationale. J’ai reçu des propositions pour jouer avec l’équipe nationale de Serbie Monténégro, mais j’ai refusé, parce que je suis camerounais et mon seul désir c’est de jouer pour l’équipe de mon pays.
Propos recueillis par Guy Nsigué à Yaoundé, nsigue@camfoot.com