Artur Jorge sera l’unique responsable, lui seul choisira les joueurs. Il n’est pas question que quelqu’un d’autre s’en mêle, c’est une époque révolue. Je l’ai dit clairement à la fédération et j’y veillerai. Si j’interviens, je ne pourrai plus lui demander des résultats, et il sait ce que j’attends de lui.
Jeune Afrique/l’intelligent : Avez-vous fixé une feuille de route à Artur Jorge, le nouvel entraîneur des Lions indomptables ?
Philippe Mbarga Mboa : Dans l’immédiat, il s’agit de qualifier l’équipe pour la Coupe du monde. Le Cameroun est à 4 points de la Côte d’Ivoire, il reste quatre matchs et tout est encore possible. La suite de la vie d’Artur Jorge avec le Cameroun en dépend, et c’est clairement écrit dans son contrat. S’il qualifie l’équipe, il est évident qu’il la conduira à la Coupe du monde. Sinon, j’aviserai. Pour la Coupe d’Afrique des nations, où il y a plus de places, c’est presque déjà fait et, si nous n’y sommes pas, autant arrêter le foot.
J.A.I. : Pourquoi le choix du Portugais Artur Jorge et quel est le rôle de Yannick Noah dans l’encadrement de la sélection nationale ?
P.M.M. : Ma première condition était que le technicien choisi puisse entraîner n’importe quelle équipe au monde. Nos joueurs évoluent dans les meilleurs clubs, et il nous fallait un coach de très haut niveau à l’autorité reconnue. Artur Jorge a ces atouts et il en voulait, car il souhaite revenir au premier plan. C’est autant un challenge pour lui que pour nous. Notre équipe ne sera plus entraînée par des francs-tireurs qui se servent du Cameroun pour bâtir leur carrière et ne nous apportent rien. Yannick Noah, lui, s’occupe de ce que j’appelle le réarmement moral de l’équipe ; il sait le faire, il l’a déjà prouvé.
J.A.I. : Cette fois, le sélectionneur aura-t-il les coudées franches ?
P.M.M. : Artur Jorge sera l’unique responsable, lui seul choisira les joueurs. Il n’est pas question que quelqu’un d’autre s’en mêle, c’est une époque révolue. Je l’ai dit clairement à la fédération et j’y veillerai. Si j’interviens, je ne pourrai plus lui demander des résultats, et il sait ce que j’attends de lui.
J.A.I. : M’Bami du Paris-Saint-Germain, Etamé d’Arsenal, voire Eto’o de Barcelone ont annoncé leur départ, qu’en est-il ?
P.M.M. : J’ai discuté avec Modeste M’Bami et je n’ai pas eu l’impression qu’il tourne le dos à l’équipe nationale. Artur Jorge a rencontré Etamé Mayer qui nous a donné les conditions techniques de son retour ; il n’y a pas eu de fin de non-recevoir. Il n’y a aucun problème avec Eto’o. Le climat dans l’équipe est bon et, pour moi, ils reviendront tous, à nous d’en créer les conditions.
J.A.I. : Va-t-on assister à la fin de ces scènes surréalistes de primes de matchs payées en espèces aux joueurs dans les vestiaires ?¨
P.M.M. : Ces scènes m’ont agacé et fait honte. Arrêtons de prendre nos sportifs pour des idiots, on devrait les respecter un peu plus : on ne rejoint pas l’équipe nationale pour gagner de l’argent, ils le savent. C’est une vitrine pour mieux négocier des contrats. Pour les primes, je leur tiendrai le langage de la vérité. Tout ce qu’ils génèrent ne leur sera pas reversé, car il faut bien développer le sport, et l’exemple de George Weah devrait en inspirer plus d’un. Mais ils sauront toujours avant ce à quoi ils ont droit et cela se passera avec respect et dans la dignité.
J.A.I. : Le Cameroun accuse un énorme retard en matière d’infrastructures, que prévoyez-vous ?
P.M.M. : Notre football est profondément malade, mais la priorité pour moi, c’est la formation des encadreurs. Tout le monde peut du jour ou lendemain devenir entraîneur. Le football est devenu scientifique ; l’instinct et le don ne suffisent plus. Il y a au Cameroun un retard énorme en matière d’infrastructures. La pelouse du Stade Omnisports de Yaoundé est impraticable, mais je vous garantis qu’avant le prochain match contre le Soudan, le 25 mars, les vestiaires et l’aire de jeu seront refaits grâce à un sponsor privé.
J.A.I. : Quel est l’état de vos relations avec la Fecafoot, la Fifa ; vos champs d’intervention respectifs sont-ils plus clairs ?
P.M.M. : Je ne veux pas gérer la fédération, nous travaillons en harmonie. Je pense néanmoins qu’il serait bon de redéfinir les relations entre nos États et la Fifa dans l’intérêt du football africain. Ce n’est pas le règlement de la Fifa qui fait problème, mais sa mise en oeuvre. La Fifa a une lecture irréaliste du rôle de nos États vis-à-vis des fédérations locales. Sait-elle que tous les stades appartiennent à l’État, que les dépenses de l’équipe nationale incombent à l’État ? En compétition internationale, c’est l’État qui finance aussi les clubs. Dans ces conditions, je comprends mal que l’État n’ait pas son mot à dire. La Fifa n’entretient pas de contacts, même pas de correspondances avec nous ; elle se tient loin et nous considère comme de simples mendiants qui veulent prendre l’argent des fédérations, c’est un tort.
Propos recueillis par Alex Siewe