Personne n’avait envisagé votre nomination à la tète du Cameroun. La presse spécialisée vous expédiait plutôt à Lille…
J’ai décliné la proposition lilloise. Ensuite j’ai eu l’occasion de m’entretenir avec Mohamed Iya, le président de la fédération camerounaise. Pendant plus d’une heure, nous avons beaucoup échangé, et j’ai rapidement compris que ça pourrait coller entre nous.
Avant de prendre votre décision, aviez-vous mesuré les risques potentiels de cette mission ?
Bien sur, ne serait-ce que par rapport à la situation sportive de l’équipe. Elle ne comptait qu’un point en deux matchs avant ma nomination, alors que le Gabon, que nous devions rencontrer deux fois en quatre jours, en septembre, en avait déjà six. Et aussi parce que sélectionneur, ce n’est pas tout à fait le même métier qu’entraîneur.
Jusqu’à maintenant, quels étaient vos liens avec l’Afrique ?
Quand j’étais joueur, j’ai disputé des matchs amicaux au Sénégal et au Cameroun avec Nantes et Brest, et je me souviens avoir apprécié ces voyages. J’ai aussi entraîné plusieurs joueurs africains à Rennes, Lyon ou au Psg et je me suis bien entendu avec eux. Ce n’est pas énorme comme expérience, mais ce n’est pas rien non plus.
Avez-vous pris conseil auprès de certains de vos collègues français ayant travaillé en Afrique ?
J’ai en effet appelé Claude Le Roy, aujourd’hui sélectionneur d’Oman et qui a dirigé, outre le Cameroun, le Sénégal, la Rd Congo et le Ghana. Il m’a beaucoup parlé du Cameroun, et de l’amour qu’il avait pour ce pays, qui l’a visiblement marqué.
Au moment de votre nomination, certaines réactions locales ont prouvé que l’arrivée d’un technicien étranger n’était pas toujours bien vue. Que cela prenait une dimension postcoloniale, notamment…
Oui, j’ai entendu ce genre de commentaires et cela ne me semble pas anormal. Mais en ce qui me concerne, je veux juste rappeler que je ne suis pas allé frapper à la porte. Et maintenant que je suis en place, j’aimerais que les gens sachent que je suis à 100 pour 100 concerné par ma mission. Cela dit, je pense qu’être étranger peut aussi préserver de certaines influences locales.
Avant ces deux confrontations avec le Gabon, le Cameroun avait eu le temps de disputer un match amical en Autriche (2-0), au mois d’août. Et déjà, vous aviez profité de ce premier rassemblement pour mettre en place votre plan de travail…
Je savais que certaines choses ne fonctionnaient pas avant mon arrivée. Je ne veux pas revenir là-dessus, parce que cela ne me concernait pas (son prédécesseur, l’allemand Otto Pfiser, très critiqué avait démissionné au mois de mai dernier, ndlr). J’ai simplement voulu changer certaines vieilles habitudes et obtenir quelques garanties sur mes conditions de travail pour essayer de mener à bien la mission qui m’a été confiée. J’ai ainsi pu m’entourer de gens que je connais bien, comme Yves Colleu, qui fut mon adjoint à Rennes, Lyon, Glasgow et Paris, le kiné Joël Le Hir ou le docteur Yannick Guillodo.
L’une de vos premières décisions s’est révélée spectaculaire, puisque vous avez retiré le brassard de capitaine à Rigobert Song pour le confier à Samuel Eto’o, qui est souvent dépeint comme individualiste…
Rigobert Song a rendu d’énormes services au Cameroun, et il continuera à en rendre. C’est un personnage important de la sélection. Mais je ne voulais pas repartir sur les mêmes bases, et la nomination de Samuel comme capitaine est l’un des changements que je veux effectuer. Eto’o est un très grand joueur, une immense star, et j’aimerais qu’il se forge avec le Cameroun un aussi beau palmarès qu’avec Barcelone, son ancien club.
Depuis la victoire en Autiche en amical et surtout et surtout au Gabon, vous êtes devenu un véritable héros au Cameroun…
Mais tout cela me semble excessif…Oui, nous avons gagné deux matchs contre le Gabon, que nous appréhendions forcément car nous aurions pu tout perdre, mais le plus important c’est de battre le Togo le 10 octobre.
Vous allez préparer ce match au Hilton, un lieu plus fermé que la résidence hôtelière du Mont-Fébé, qui était utilisé auparavant…
Absolument. J’ai demandé à bénéficier des mêmes conditions d’entraînement et d’hébergement pour préparer le match face aux Togolais. Quand les joueurs reviennent en Afrique, ils sont souvent sollicités par leurs proches ou des associations caritatives, et cela peut nuire à la préparation. Il ne s’agit pas de tout interdire mais d’être un peu plus strict.
Justement, avez-vous été amusé ou choqué par les inévitables comparaisons entre votre caractère jugé introverti et la présumée extravagance africaine ?
J’ai une certaine image, mais j’avoue en jouer un peu. Je ne suis pas le même selon que j’évolue dans un cadre privé, ou dans l’exercice de mes fonctions, ou encore face aux journalistes. Et les camerounais ne sont pas tous exubérants… Il y a beaucoup d’idées préconçues… Avec eux, ce n’est pas forcément l’eau et le feu…
Envisagez-vous de reprendre rapidement un club ?
Je n’ai pas de plan de carrière. J’ai été récemment sollicité par un club, mais j’ai refusé sans hésiter. Je suis au Cameroun, totalement tourné vers l’objectif de disputer la Can et la coupe du Monde. Si nous nous qualifions, j’aurais l’occasion d’en discuter avec les dirigeants camerounais…
Propos recueillis par Alexis Billebault