Ouf! On l’a eu notre liste. Enfin! On l’aura attendu et c’est le moins qu’on puisse dire. En fait on en a pas eu une mais deux et finalement la dernière a primé sur la première, la direction administrative a primé sur le sélectionneur national. En fait le sélectionneur camerounais a fait parvenir une liste le Vendredi matin et moins de deux heures après on a eu droit à une legère « rectification », ladite rectification effaçait donc quelques noms et y insérant d’autres. Sur quels critères? Qui en est l’auteur?
Cette situation rocambolesque qui trotte autour des Lions ne fait plus rire que certains esprits retors. Le mal a atteint une proportion que nous n’avions jamais connu jusque là. On a franchit toutes les barrières de la décence: payer un sélectionneur national à coups de millions pour à la fin faire son travail à sa place est un fabuleux tour de passe-passe. On n’y croit pas et on attend de voir le rideau se lever sur ce decor surréaliste mais non, le ridicule est là; on a beau se pincer rien n’y fait; le tableau est là, horripilant: Schaefer n’a pas le contrôle sur sa sélection. Après Etame Mayer, Kalla Kongo, Paulo Teixeira, Pierre Wome Nlend, voici Patrick Mboma qui réagit. Réaction tardive pour d’aucuns mais réaction tout de même. La sélection sous ces conditions? Non merci! Même si l’homme nuance ses propos pour ne pas revêtir le costume de mouton noir qu’on a tôt fait au Cameroun de coller à tous ceux qui ont encore la décence de savoir garder certains principes, la réalité est là, l’équipe nationale du Cameroun est une
bombe à retardement. Les resultats obtenus sur la scène africaine ne doivent pas occulter cette vérité. La sonnette d’alarme est sonnée, à bon entendeur salut.
« …je suis révolté par la distance qui existe entre cette gestion approximative et l’état d’avancement du football mondial… »
Camfoot.com : Patrick, vous avez convoqué la presse camerounaise ce jour pour faire passer un message ; quel est ce message ?
Patrick Mboma: Pour commencer, vous avez dû remarquer mon absence de la liste des joueurs appelés à défendre les couleurs de notre pays lors de la prochaine édition de la coupe des confédérations, et c’est cette absence que j’entends expliquer au cours de cette rencontre.
J’ai décidé de décliner l’invitation de l’entraîneur à participer à cette compétition, et cette décision s’explique par mon désaccord avec la manière dont notre équipe est gérée depuis quelques années maintenant.
Pour vous faciliter la compréhension de ma démarche, je voudrais vous exposer quelques uns des points qui catalysent mon désaccord.
D’abord, je suis révolté par la distance qui existe entre cette gestion approximative et l’état d’avancement du football mondial. Les choses ne peuvent plus continuer longtemps ainsi, tant elles conduisent non seulement à un gaspillage inexplicable de l’immensité de talents dont regorge notre pays, mais aussi à hypothéquer les résultats de notre équipe, donc le rayonnement de notre pays sur la scène internationale.
Camfoot.com : Cette gestion approximative puise pourtant ses origines bien loin dans le temps, pourquoi ne la dénoncer qu’aujourd’hui ?
Patrick Mboma: Effectivement elle ne constitue pas une nouveauté, mais les joueurs ont d’abord choisi des voies internes d’expression de leurs frustrations dans l’espoir de susciter les réactions qui auraient pu conduire à l’amélioration de cette situation. Malheureusement cette dernière semble avoir la peau dure et le silence des joueurs n’avait pour conséquence que de masquer les erreurs commises; d’où le besoin pour moi d’emprunter d’autres voies.
« …Il est un fait regrettable qu’entre le moment où celui-ci commet le choix des joueurs qu’il souhaiterait sélectionner et le moment où la liste des appelés est rendue publique, plusieurs intermédiaires ont eu le loisir d’y porter des modifications à leur convenance »
Camfoot.com : Pouvez-vous continuer sur les points de votre désaccord ?
Patrick Mboma : Comme autre point de désaccord, je voudrais évoquer la mauvaise qualité des préparations due essentiellement au retard excessif avec lequel elles sont engagées. Je pense principalement qu’il conviendrait de se pencher très sérieusement sur la conception de calendriers aptes à supporter des préparations efficaces. Cela passe notamment par l’impératif de faire une entière confiance à l’entraîneur dans cet exercice. Ceci n’est malheureusement pas le cas. Je voudrais à titre d’exemple que le Cameroun prenne l’entière mesure de l’enjeu que représente la CAN 2004, et calque son comportement en matière de préparation sur la Tunisie qui met parfaitement à profit les espaces que lui confère son statut de qualifiée d’office, statut qu’elle partage au demeurant avec notre pays.
Pour revenir sur la confiance dont doit bénéficier l’entraîneur, elle porte également sur l’élaboration des listes de joueurs sélectionnés. Il est un fait regrettable qu’entre le moment où celui-ci commet le choix des joueurs qu’il souhaiterait sélectionner et le moment où la liste des appelés est rendue publique, plusieurs intermédiaires ont eu le loisir d’y porter des modifications à leur convenance. Certes, ce procédé n’est pas nouveau puisque j’en ai moi-même fait les frais à la veille de la coupe du monde de 1994, mais il serait grandement temps qu’on y mette fin.
D’autre part, il n’est pas concevable que certains joueurs soient exclus du groupe pour des raisons qui, en plus de ne pas relever de la décision de l’entraîneur, ne sont pas expliquées au reste des membres de l’équipe.
« Je m’explique mal que la somme de 50.000.000 FCFA octroyée par M. FOTSO au sortir de notre campagne victorieuse au Mali ait été distribuée entre joueurs et encadreurs alors qu’elle aurait pu servir, ce n’est encore qu’un exemple, à nous procurer un bus digne des Lions Indomptables. »
Camfoot.com : Un autre point de désaccord ?
Patrick Mboma: Celui-là portera sur la gestion du partenariat avec les sponsors, et surtout sur l’idée que les joueurs devraient être tenus au courant de leurs droits et obligations, de manière à éviter de désagréables malentendus.
Je parlerai aussi de la qualité des infrastructures qui ne cadre pas avec le statut international de notre équipe nationale. Certes nous appartenons à un pays qui ne dispose pas de moyens extraordinaires, mais cette circonstance exige que les fonds mis à notre disposition soient gérés encore plus intelligemment. A titre d’exemple, je m’explique mal que la somme de 50.000.000 FCFA octroyée par M. FOTSO au sortir de notre campagne victorieuse au Mali ait été distribuée entre joueurs et encadreurs alors qu’elle aurait pu servir, ce n’est encore qu’un exemple, à nous procurer un bus digne des Lions Indomptables.
Enfin, je dois dire qu’une réflexion inspirée d’une discussion avec le colonel Kalkaba Malboum m’a conduit à l’idée qu’il faudrait envisager que la condition des anciens joueurs de notre équipe nationale soit repensée. Bien entendu, il ne s’agit pas pour moi de préparer ma retraite par ce biais, mais tout juste du souci de voir se mettre en place un système de sécurité au profit de joueurs qui, ayant servi la patrie, n’ont pas eu la même chance que ceux de ma génération sur le plan financier.
« …la non-sélection de P. Womé et de Alioum Boukar, non-sélection qui d’après mes recherches relève de considérations qui ne sont pas sportives. »
Camfoot.com : Encore une fois ces problèmes ne sont pas nouveaux, d’où le besoin pour nous de vous demander de nous dire ce qui, très exactement, vous conduit à cette décision.
Patrick Mboma: En fait il s’agit d’un problème mineur ayant conduit à une réflexion profonde. Ce problème consiste dans la non-sélection de P. Womé et de Alioum Boukar, non-sélection qui d’après mes recherches relève de considérations qui ne sont pas sportives.
Cet incident et la réflexion qui s’est ensuivie m’ont plongé dans un état psychologique incompatible avec une éventuelle participation à la coupe des confédérations.
Mais je tiens à souligner qu’en renonçant à participer à cette compétition, je ne ferme pas définitivement la porte à l’équipe nationale. J’espère cependant que les problèmes qui s’y posent seront résolus, et que j’y reviendrai pour apporter tout ce que j’ai à offrir.
« …c’est moi qui ai refusé de répondre à la convocation qui m’a été adressée à domicile par voie de fax. »
Camfoot.com : Avant d’intégrer définitivement cette équipe, vous avez longtemps émis des réserves devant cette perspective, arguant du manque de discipline qui y avait cours. Pourtant vous vous décidez en 1996 de franchir le pas. Qu’est-ce qui a changé dans cette équipe entre le moment où vous acceptez de la rejoindre et aujourd’hui ?
Patrick Mboma: C’est l’espoir de pouvoir changer les choses de l’intérieur qui m’a poussé à cette époque à intégrer les Lions. Dans l’intervalle j’ai donc, avec d’autres, émis un certain nombre de revendications, mais les changements majeurs n’ont jamais suivi.
Camfoot.com : Ce n’est donc pas votre non-sélection qui vous conduit à mener cette action?
Patrick Mboma: Je répète et j’insiste là-dessus, c’est moi qui ai refusé de répondre à la convocation qui m’a été adressée à domicile par voie de fax. Je vous ferais d’ailleurs remarquer au passage qu’une meilleure organisation des services de notre équipe nationale commandait que ce fax me parvienne via mon club.
Camfoot.com : Mais pensez-vous que la meilleure solution pour résoudre ce problème était de rejeter cette sélection ?
Patrick Mboma: J’ai mûrement réfléchi à cette démarche avant de l’adopter. Je me suis appuyé pour cela sur les avis de plusieurs personnes de mon entourage. Par ailleurs, il était évident que dans mon état psychologique du moment, il était préférable et plus honnête que je cède la place à quelqu’un d’autre, plus à même de défendre nos couleurs.
« Ma démarche vise à mettre chacun devant ses responsabilités, et à laisser à chaque acteur le soin de jouer le rôle qui lui revient. »
Camfoot.com : D’aucuns laissent entendre que votre démarche fait suite à un désaccord entre le ministre de la jeunesse et des sports et vous-même.
Patrick Mboma: Ces allégations sont dénuées de fondement. Je ne vois pas d’où viendrait ce désaccord entre le ministre et moi.
Camfoot.com : Est-ce que décrier la mauvaise organisation n’est pas une façon de marquer son opposition avec le ministre qui est le principal responsable de la gestion des Lions ?
Patrick Mboma: Je n’ai pas l’intention de jeter l’anathème sur qui que ce soit, cela ne conduirait d’ailleurs qu’à créer une polémique dont les effets seraient essentiellement de détourner l’attention de ma véritable préoccupation qui est de contribuer à faire avancer les choses.
Ma démarche vise donc à mettre chacun devant ses responsabilités, et à laisser à chaque acteur le soin de jouer le rôle qui lui revient.
Camfoot.com : Étiez-vous suffisamment en jambes pour répondre efficacement à cette sélection et peut-on connaître l’état de vos performances en club ?
Patrick Mboma: Je suis en jambes, et mon niveau de performance en club, 6 buts dans mes 4 derniers matches, me paraît convenable.
« …la meilleure façon pour les joueurs de me soutenir dans ma démarche est de produire des résultats convaincants en France. »
Camfoot.com : Au moment même où vous vous adressez à nous et dans le même hôtel, le ministre remet à chaque joueur retenu dans l’équipe, la somme de quinze millions de francs, au titre de primes de participation. Est-ce que le choix du lieu et du moment ne constitue pas le signe d’une tentative de déstabilisation de votre part ?
Patrick Mboma: Ce choix a fait l’objet d’une longue réflexion, et j’en ai parlé aux joueurs à qui j’ai exprimé l’idée que la meilleure façon pour eux de me soutenir dans ma démarche était de produire des résultats convaincants en France.
De plus, je n’ai aucun intérêt à déstabiliser une équipe que je compte bien réintégrer, ce que j’aurais du mal à faire si j’entreprends de susciter des polémiques futiles.
Je tiens donc à ce que chacun comprenne que ma démarche, vise juste à aider le football camerounais et à rien d’autre.
Camfoot.com : Vous vous faites aujourd’hui procureur dans ce procès contre le désordre qui règne dans la gestion des Lions, n’en êtes-vous pas un de ses principaux instigateurs, vous qui avez insisté pour participer à la dernière coupe du monde en dépit d’une blessure fortement handicapante ?
Patrick Mboma: Je ne sais pas d’où vous tirez que j’étais blessé lors de cette compétition, et je doute que le but que j’ai inscrit contre l’Irlande vous ai conforté dans cette idée. Ceci étant, je précise que les médecins qui ont eu à se prononcer sur la question, ont émis un avis favorable à ma participation.
« Ma décision de revenir au sein des Lions n’est suspendue à aucune condition »
Camfoot.com : On peut quand même se soucier de l’efficacité de votre démarche du fait de son caractère solitaire. Pourquoi les joueurs qui se sont pourtant montrés solidaires par le passé, et notamment lorsqu’il s’est agi de revendiquer leurs primes, évoluent en rangs dispersés lorsqu’il est question d’en appeler à une meilleure gestion de l’équipe nationale ?
Patrick Mboma: Ici, je n’ai pas tenté de jouer à ce que je ne suis pas en déclenchant un mouvement collectif ; j’ai humblement mis ma seule personne au service d’une cause que je crois juste, et ce dans l’espoir que mon appel sera relayé par ceux qui l’entendront, jusqu’au point de porter les changements que je souhaite.
Camfoot.com : Puisqu’on ne peut pas espérer que Rome se fasse en un jour, quelle est la nature des garanties qui vous feraient penser que le bon processus est engagé et revenir sur votre position ?
Patrick Mboma: Je ne pense pas non plus que tous les problèmes seront résolus demain matin, et je ne demande pas de garanties. Ma décision de revenir au sein des Lions n’est suspendue à aucune condition, l’acte que je pose aujourd’hui n’étant autre chose qu’un coup ponctuel que j’espère être le point de départ d’un processus de changement positif.
Camfoot.com : Avez-vous rencontré des responsables de notre football après vos déclarations ? Quelle a été leur réaction ?
Patrick Mboma: J’ai rencontré le ministre de la jeunesse et des sports et le président de la fédération qui ont pris acte de ma démarche, ce dernier s’interrogeant au surplus de la pertinence du choix du moment.
Camfoot.com : Et vos camarades ?
Patrick Mboma: Les joueurs ont réservé un accueil favorable à mon initiative.
« …j’ai fait le choix de terminer ma carrière au Japon, et j’ai bien l’intention de tenir cette position… »
Camfoot.com : Ne craignez-vous pas que l’antidote le plus efficace contre votre coup de gueule soit le silence de vos camarades ?
Patrick Mboma: J’avoue que j’ai entrepris ma démarche, dont le stimulus est somme toute personnel, sans chercher à entraîner d’autres dans une action à laquelle ils n’étaient pas préparés. Et encore une fois, comme je le leur ai dit, la meilleure des façons pour eux de me soutenir sera d’aller jusqu’au bout, sinon de la compétition, du moins d’eux-mêmes.
Camfoot.com : Une dernière question, est-ce que vous envisagez un retour dans un championnat qui vous rendrait plus « visible » ?
Patrick Mboma: Non, j’ai fait le choix de terminer ma carrière au Japon, et j’ai bien l’intention de tenir cette position dans la mesure où entrent également en ligne de compte, et pour une bonne part, d’importantes considérations familiales.
Propos recueillis à Yaoundé par JR. Mounlom
Camfoot.com