Michel Kaham, que l’on ne présente plus, analyse les conditions de la réussite du nouvel encadrement technique de l’équipe nationale du Cameroun. Avec une sagacité et une perspicacité hors pairs, Kaham trace les voies du futur des Lions indomptables.
Camfoot.com : Après plus de cinq mois de vacances, l’encadrement technique des Lions indomptables vient d’être nommé. Satisfait ?
Michel Kaham: Cela fait un bon bout de temps que nous attendons cette nomination. En tant que Camerounais et encadreur sportif, j’attendais avec impatience l’arrivée, enfin, du nouvel encadrement technique à la tête des Lions indomptables. C’est un soulagement pour tout le monde. Dans le passé, on a souffert à cause du manque d’organisation et du mauvais début des compétitions, je crois que maintenant que l’encadrement technique est là, il faut leur laisser un état de grâce et attendre de juger le maçon au pied du mur.
Camfoot.com : Aujourd’hui, le Cameroun fait appel aux Hollandais à la tête des Lions indomptables, ce qui est une grande première.
Michel Kaham: C’est une nouvelle expérience que le Cameroun amorce avec les Hollandais. Je crois que les entraîneurs néerlandais sont à la mode de nos jours. Ruud Gulit (Feneyoor), Dick Advocat (ex-sélectionneurs du Japon), Luis Van Gal (ex coach du Barça), Frank Rijkaard (Fc Barcelone) Gus Hiddink (Corée du Sud en 2002 et 2006 avec l’Australie) honorent bien le drapeau hollandais. Maintenant, il faut attendre que Arie Haan nous fasse une bonne prestation comme ses compatriotes.
Camfoot.com : Pensez-vous que l’heure de la filière hollandaise a sonné ?
Michel Kaham: Filière ? Je ne sais pas. Il y a eu un dialogue entre les dirigeants de la Fédération Camerounaise de football (Fécafoot) et le Ministère de l’éducation physique (Minsep) et ils ont finalement accordé leurs violons. Quand on prend l’exemple des Lions indomptables, ce sont les mêmes noms qui reviennent. Il fallait changer un peu. En dernier ressort, ils ont pris quelqu’un qui n’est ni dans un camp, ni dans l’autre. Maintenant, et comme je l’ai toujours dit, les entraîneurs, sincèrement, ce n’est pas le véritable problème du football camerounais. Il y en a en France qui sont en chômage et qui peuvent nous coûter 4 millions de Fcfa par mois ou moins et faire le même résultat que les autres. Mais ce n’est pas ça le problème aujourd’hui. Si on a un entraîneur qui a un diplôme et des expériences diverses, il faut lui laisser le temps de travailler avant de le juger. J’ai lu certains journauxoù on lynchait Arie Haan, qu’il a été chassé dans tel pays, qu’il a été limogé, qu’il ne vaut rien, etc. Laissons-lui le temps de faire ses preuves avec les Lions. Beaucoup sont arrivés dans le passé en étant des illustres inconnus et sont rentrés couronner de gloires. Laissons-lui le temps de travailler en espérant qu’il va tirer le meilleur profit du grand potentiel qu’il a à sa disposition. Il faut aussi expliquer aux joueurs cadres de l’équipe nationale qui voulaient un entraîneur national que ce n’est que partie remise car il faut prendre en compte les opinions des joueurs, car c’est eux qui jouent.
Camfoot.com : Dans quelles conditions Arie Haan et son équipe peuvent-ils réussir ?
Michel Kaham: Je pense que Arie Haan à toutes les chances de réussir. A condition qu’il y ait une certaine sérénité entre le Minsep et la Fécafoot. On a tous souffert de l’élimination précoce à la dernière Can et la non participation à la coupe du monde. Je ne partage pas l’avis de certains, qui parce qu’ils ne sont pas nommés ou que leurs pions ne sont pas choisis, qu’on fasse tout pour que le nouvel encadrement technique échoue. Non ! Ce n’est pas ça le patriotisme.
De plus, il ne faut pas s’écarter des valeurs. Quand on n’appelle pas un gars qui joue régulièrement dans son club par exemple dans le championnat français (qu’on maîtrise bien), il y a là un problème. On se pose des questions, nous tous on les connaît. On doit pouvoir reconnaître les meilleurs joueurs de tous les grands championnats dans notre équipe nationale. Auquel cas, il faut expliquer à l’opinion qu’il y a un problème de fond avec tel joueur. Vous les journalistes devriez interpeller les dirigeants et l’opinion nationale sur la non sélection de certains joueurs performants en club et qui ne sont pas appelés. Emana par exemple, on le sélectionne pas parce qu’il ne s’entend pas avec… (hésitations et silence). Je n’ai pas d’affinités avec un joueur particulier, mais il faut de la transparence dans la sélection et la gestion des Lions indomptables. Il faut que la sélection nationale soit un vase ouvert et non un champ clos.
Camfoot.com : Après la Can 2002, Thomas Nkono, le coach des gardiens de but des Lions était écarté de l’équipe nationale dans un contexte trouble. Quatre ans plus tard, Tommy est à nouveau rappelé. Quelles appréciations ?
Michel Kaham: Les nominations, ça relève du pouvoir discrétionnaire des décideurs. Donc, il faut respecter cette discrétion. Maintenant, il faut bien qu’on nous explique le pourquoi de cet aller et retour. Sur le plan professionnel, personne ne peut dire que Tommy n’a pas été un très grand gardien de but. Tommy, c’est un gardien au talent énorme et doté d’une grande expérience qu’il doit mettre au service des jeunes gardiens. C’est un gardien que je maîtrise très bien pour avoir été son co-équipier à l’équipe nationale au mondial 1982…
Camfoot.com : …Vous connaissez aussi Nkono, pour l’avoir entraîné en Coupe du monde 1990, quelles sont ses qualités en tant que gardien de but ?
Michel Kaham: Tommy, lorsqu’il jouait, avait un calme olympique dans et en dehors des filets. C’est un homme calme, discret, serein, qui parle très peu mais c’est un véritable professionnel. Je pense que s’il peut transmettre ce talent, c’est important. C’est quelqu’un doté d’une grande expérience professionnelle, c’est un grand gagneur, très performant. S’il réussit à inculquer cette expérience et cette envie de gagner aux gardiens de l’équipe nationale, je doute fort qu’on ait encore de soucis dans les buts.
Camfoot.com : Cependant il est engagé avec la fédération gabonaise de football où il a pour mission de détecter et former des jeunes…
Michel Kaham: C’est vrai que son emploi de temps va être chargé et cela peut poser un problème de concentration. La disponibilité est indispensable pour une équipe nationale pour que les résultats suivent. Mais faisons confiance à son sens aigu du professionnalisme.
Camfoot.com : Comment voyez-vous le match contre le Rwanda dimanche ?
A mon avis, c’est un tour d’échauffement avant de rencontrer les vrais adversaires. Nous avons touché le fond et le moins puisse demander à notre équipe nationale, c’est de nous ramener la Coupe d’Afrique des nations 2008. Cependant, il faut voir qu’en face, les gens travaillent pour évoluer. Regardez par exemple la Côte d’Ivoire, elle a un potentiel énorme avec des joueurs qui jouent dans des grands championnats. Il en est de même du Nigeria et d’autres nations. Les Lions peuvent-ils gagner les matches décisifs contre les grosses cylindrées africaines ? Voilà la question que devra répondre Arie Haan.
Camfoot.com : Dernier point, la Kadji Sport Academy, le club dont vous êtes le manager général sera relégué en D2 à l’issue de la 30è et dernière journée du championnat dimanche prochain. N’est-ce pas une grosse déception ?
Michel Kaham: Non, pas du tout ! Cette relégation était programmée de longue date, et je l’ai dit partout aux journalistes que c’est un choix de la direction du club. Nous jouons depuis un bon bout de temps pour l’honneur et pour que les jeunes puissent évoluer. Et beaucoup ont progressé à l’image du jeune prodige Benjamin Moukandjo, international Junior, qui a marqué dernièrement un but qui a qualifié pour le tour suivant les Lions Juniors lors du match contre le Niger. Voilà notre satisfaction. Nous formons des jeunes qui sont sur les traces de Samuel Eto’o. Sans prétention, c’est un gars, bien qu’il ait 17 ans, peut logiquement postuler à l’équipe nationale senior. C’est la raison pour raison pour laquelle, dans les prochains jours, il ira faire un test à Valence (Liga espagnole). Dans la présente cuvée de Ksa, nous avons pu placer 4 jeunes dans l’équipe nationale Junior et c’est très important. Notre objectif n’est pas le maintien en D1, mais de former les jeunes pour les mettre à la disposition des grands clubs.
Camfoot.com : Ksa donc comme un poisson dans l’eau de la D2 ?
Michel Kaham: En que compétiteur, j’aurai aimé que nous continuons à jouer le championnat d’élite, mais il y a la logique de l’entreprise qui est maintenant de faire des actions plus efficace où on allie sport et études et à la fin, on envoie les meilleurs en Europe pour faire des tests dans des clubs. Le fait de descendre en D2 n’est pas une catastrophe, c’est une logique qui a été à l’origine de la création de notre centre de formation. Dans le passé, on a joué en D2 et des gars comme Samuel Eto’o ont émergé et évolue en Europe sans être passé par le championnat d’élite au Cameroun. Nous revenons à notre objectif primordial qui allie sport et études. Former les enfants de 12-18 ans qui puissent se concentrer et devenir les meilleurs pour le sport de haut niveau.
Propos recueillis par Eric Roland KONGOU, à Douala