De plus en plus, des jeunes filles camerounaises percent dans le football, malgré un contexte souvent marqué par la réticence des familles. Quelle a été la réaction de vos parents, lorsqu’ils apprennent que vous voulez faire carrière dans le football ?
Je joue au football depuis toute petite. A l’époque, c’est l’un de mes grand-frères qui m’entraînait quand mes parents n’étaient pas là. Je ne savais pas que le football féminin existait. Je me disais que j’étais la meilleure joueuse à mon âge. Je pensais que j’étais la seule fille qui jouait au football. Après le lycée, j’ai rencontré une fille qui m’a proposé de rejoindre une équipe de football féminine à Mimboman à Yaoundé. Une fois là-bas, j’ai rencontré des filles qui jouaient et je me suis dit que je n’avais pas de place. C’est comme cela que j’ai commencé. Je suis allée dire à mes parents que je suis déjà dans un club de football. Cette annonce guerre a été la source de mes problèmes. Ils n’ont pas accepté que j’aille aux entraînements. Pour eux, le football devait me rendre délinquante et ils craignaient que j’abandonne l’école. Mon père me boudait. Mais je partais m’entraîner. Mon papa a compris avec le temps que malgré ses efforts pour me dissuader, je ne comprenais pas. Il m’a demandé de faire d’abord l’école. Mais j’étais têtue ; j’avais compris que le football c’était ma passion. Alors j’ai poursuivi ma formation au sein de plusieurs jeunes clubs. Mon père ne m’adressait presque plus la parole.
A quel moment avez-vous commencé à avoir le soutien de vos proches à la maison ?
Tout a changé lorsque j’ai obtenu mon baccalauréat et par la suite, J’ai été convoquée à l’équipe nationale militaire. J’étais à la maison avec mon père. Nous avons suivi mon nom à la radio. Il était tellement fier et c’est à partir de ce moment qu’il a résolument décidé de me laisser vivre mon rêve de devenir footballeuse. Mais ma maman était moins enthousiaste que lui.
Votre avantage à domicile, c’est donc uniquement votre père ?
Disons que j’ai reçu plus de soutien de mon papa que de ma maman. La preuve, c’est lui qui m’a donné de l’argent pour acheter ma première godasse. Il a aussi commencé à prendre des nouvelles de mes matchs. Chaque fois que le résultat n’est pas bon, il m’encourage. Il a fini par comprendre que le football c’est mon avenir. Une fois, il est venu regarder un de mes matchs. Je pense que c’était le meilleur match de ma saison. Nous avions fait 1 but partout. J’étais trop fière de sa présence.
En quoi ce soutien vous permet-il aujourd’hui de rêver ?
Le soutien de mon père n’a pas été facile à obtenir. J’ai envie de lui prouver qu’il ne regrettera pas de m’avoir soutenue et que je n’ai pas fait le mauvais choix. Le football est un métier. Ce n’est plus seulement une passion. Pour ma part, je souhaite devenir la gardienne titulaire de l’équipe nationale de ma catégorie. C’est mon premier objectif. Le deuxième, c’est de signer un contrat professionnel avec un club européen. Aujourd’hui, je ne joue pas seulement pour moi ou mes coéquipières, mais aussi pour mes parents qui, même si cela a pris du temps, ont fini par croire en moi.
Est-ce facile aujourd’hui d’être une femme et de jouer au football ?
Disons que ça l’est un peu plus qu’avant. Nous avons désormais un championnat bien organisé. Et depuis l’arrivée de Guinness, nous avons plus de visibilité. En plus, nous gagnons mieux notre vie. Ce que Guinness et les clubs nous donnent à la fin du mois nous permettent de mieux nous concentrer sur le football. Parce qu’avant, il fallait jongler entre le football et les petits jobs au quartier pour pouvoir payer le taxi chaque jour d’entraînement.